Par Hervé Bouloire, collaborateur parlementaire et essayiste ♦ Pour beaucoup d’observateurs, Les Républicains est un parti en voie de macronisation avancée. Aux abois dans les sondages, sans ligne directrice claire – notamment sur la question identitaire -, incapable de tirer parti d’une révolte populaire fiscale, peu inspiré au sujet des alliances européennes… Autant d’éléments qui semblent démontrer que LR est un parti dévitalisé. Dans ce texte, Hervé Bouloire tente d’analyser la situation.
Cela fait bientôt un an et demi que Laurent Wauquiez dirige Les Républicains. En deuil d’une victoire volée aux présidentielles et victime du siphonnage macronien, la formation politique avait, au sortir des législatives de juin 2017, un socle assez consistant. Outre le fait d’avoir obtenu 20% des suffrages exprimés au premier tour de la présidentielle, les Républicains disposaient aussi d’une centaine de députés et d’une assemblée parlementaire, le Sénat. Bref, un atout qui révèle que l’électorat de droite n’a nullement envie de rejoindre En marche. Malheureusement, c’est cet espace que Laurent Wauquiez risque de dilapider.
La déception Wauquiez
C’était en décembre 2017. De façon triomphale, Laurent Wauquiez est élu par 73 000 adhérents. En plein macronisme triomphant, le parti LR est loin d’avoir disparu. Sa base est toujours là. La campagne présidentielle, mais aussi les primaires de l’année 2016, ont encore un écho. Il existe bien un électorat de droite. À la différence du FN – qui va alors devenir le RN -, LR est encore un parti structuré qui a des cadres et des élus.
Mais voilà : au bout de quelques mois, c’est la déception en interne. Le parti n’est pas travaillé. Les élus ne sont même pas traités. Ils s’en plaignent amèrement. Wauquiez limite les contacts. Par exemple, il ne se rend pas au Sénat, alors que les Républicains forment le premier groupe de cette assemblée parlementaire qui, dans l’affaire Benalla, a eu le courage de cogner sur Macron par la mise en place d’une commission d’enquête. Un leader traite au moins ses cadres et ses élus. C’est au moins ce que faisaient Chirac et Sarkozy, quelles que soient les déceptions qu’ils ont suscitées par la suite.
Tout pour le logo
La logique des médias, mais aussi l’assèchement d’une partie de l’espace à droite conjuguée à l’institution d’une circonscription unique pour les élections européennes ont abouti au phénomène suivant : le parti ne vit plus qu’au sommet. Laurent Wauquiez se concentre sur les médias en désignant une tête de liste – François-Xavier Bellamy –, dont il espère qu’elle réveillera les électeurs qui ont voté la primaire de la droite de 2016 – en gros, les fichiers de Sens commun. C’est, en effet, le premier scrutin depuis les élections législatives de 2017, qui est susceptible de mobiliser cette manne électorale. Le choix d’une figure incarnant – à tort ou à raison – une droite de conviction s’inscrit dans ce jeu.
Comme le RN, LR devient un parti de plateaux télés
Paradoxalement, LR rejoint le RN, non tant dans ses idées, que dans sa manière d’exister. Les cadres ou les implantations, cela devient compliqué à gérer. Il ne faut surtout pas laisser se constituer des fiefs locaux qui risquent de concurrencer le chef. C’est aussi une perte de temps logistique. Alors autant se concentrer sur les médias et sur la stratégie de communication. Sur ce point, je croyais naïvement que le RN avait ce travers. Je m’aperçois que c’est un LR végétant qui suit cette pente où, entre chaque élection, le parti ronronne.
Wauquiez est tombé dans les travers de la démarche macronienne
Pour être élu, il ne suffit pas d’aligner un programme, mais d’avoir le verbe fort et d’être télégénique. De ne pas avoir trop de « boulets » à gérer. À la différence de Valls en 2016, Macron n’avait guère de cadres, ce qui est une facilité pour un candidat qui – à la différence de Fillon, puis de Marine Le Pen – n’a pas été diabolisé par le système médiatique. Curieusement, c’est Wauquiez qui découvre cette solution de facilité. Cependant, il n’a pas le quitus des médias. Pourtant, il devrait consolider sa base, qui n’est pas qu’électorale, mais aussi partisane.
Une absence d’équipe solide
Wauquiez a certainement de l’ambition pour 2027. Mais, entre temps, il n’a pas d’équipe solide et d’officiers traitants à la différence de Chirac ou de Sarkozy. Pas de porte-flingues, mais une équipe restreinte dont le travers est d’isoler le chef. Qui par ailleurs le vit assez bien. Un chef, si brillant soit-il, doit être capable d’avoir un entourage
Un calcul absurde
Le calcul de Wauquiez est le suivant : étouffer toute concurrence à droite et éviter la primaire qui désignerait un candidat en 2022. Wauquiez se persuade qu’il pourra remplacer Macron en 2027. Mais d’ici là, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts. Il est difficile de croire qu’en 2027, après 15 ans d’opposition, LR puisse prendre le pouvoir. D’ici là, le parti sera satellisé par En marche. C’est bien la tournure qui est en train d’être prise.
La macronisation de LR ?
Pour des raisons aussi bien sociologiques qu’idéologiques, les cadres des LR n’oseront pas se joindre au RN. Obnubilés par l’ordre – En marche tend à devenir un parti de l’ordre avec l’épisode Gilets jaunes -, les Républicains deviendront la « pioche » de droite du macronisme. À chaque remaniement, il se murmure que tel député ou cadre LR est prêt à entrer au gouvernement avant que cela ne soit aussitôt démenti. Agir – la droite constructive a au moins la franchise de s’inscrire dans une certaine allégeance à Macron : les LR ne le disent pas, mais ils le pensent. Ils disposent encore d’élus. Cela pourrait être le « deal » avec En marche qui, justement, n’en a pas. En échange d’une bienveillance de la part de Macron, LR garderait des fiefs locaux et pourrait alors se perpétuer. Avec Wauquiez, les LR deviendront-ils l’UDI d’En Marche ? Pourtant, Wauquiez affirmait encore en décembre 2017 : « la droite est de retour » et « nous allons tout réinventer, tout reconstruire ».
Hervé Bouloire
26/03/2018
Source : Correspondance Polémia