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Victoire de Jean-Yves Le Gallou ! On peut critiquer un jugement et un juge

Victoire de Jean-Yves Le Gallou ! On peut critiquer un jugement et un juge

par | 13 avril 2025 | Société

Victoire de Jean-Yves Le Gallou ! On peut critiquer un jugement et un juge

Jean-Yves Le Gallou, essayiste, président de Polémia et ancien député européen, était poursuivi en justice par une magistrate du tribunal administratif de Paris, Florence Nikolic, après avoir critiqué sur Twitter une décision favorable à l’imam Hassan Iquioussen. Dans ses messages, Jean-Yves Le Gallou exprimait son incompréhension face à cette décision qu’il estimait aller à l’encontre de l’intérêt national, pointant du doigt ce qu’il considérait comme une dérive idéologique de la justice administrative. Accusé de diffamation, il a finalement été relaxé, le tribunal reconnaissant que ses propos relevaient d’un droit légitime à la critique et à la liberté d’expression. Dans le contexte politico-judiciaire actuel qui tend à limiter la liberté d’expression au maximum, cette décision – logique compte tenu des éléments de fond – n’était pas gagnée d’avance… Cette affaire emblématique de la tension croissante entre liberté de parole et judiciarisation du débat public sur l’immigration se conclut donc positivement pour Jean-Yves Le Gallou et pour tous ceux attachés à la liberté d’expression.
Polémia

Réaction de Jean-Yves Le Gallou

Relaxe ! Il est permis de critiquer une décision de justice et de critiquer le juge qui l’a prise ! C’est ce qu’a décidé, le 8 avril dernier, la 17e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris en me relaxant des poursuites engagées contre moi par le juge administratif Florence Nikolic, soutenue lors de l’audience du 18 février par des représentants du Conseil d’État.

Les juges judiciaires ont estimé que s’interroger sur les arrières-plans idéologiques possibles d’une décision annulant l’arrêté d’expulsion de l’imam islamiste Iquioussen n’outrepassait pas les limites de la liberté d’expression. Ils ont en outre déclaré que « les propos poursuivis se présentent comme la critique d’une décision de justice, laquelle est librement admissible dès lors qu’elle ne dégénère pas en abus de la liberté d’expression notamment sous la forme de la violation des articles 29 alinéa 1 et 31 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881. » Je me félicite de cette victoire de la liberté d’expression et appelle de mes vœux la création d’un observatoire des juges et des décisions judiciaires pour assurer une meilleure information des français sur la justice prise en leur nom et par une nécessaire transparence.

Merci à Maître Jérôme Triomphe qui a brillamment assuré ma défense et a l’ASLA qui m’ a soutenu.

Compte-rendu du jugement

17e chambre correctionnelle
Jugement rendu le : 08/04/2025

NIKOLIC Florence
Contre
LE GALLOU Jean-Yves

MOTIFS

Le 25 octobre 2022 Florence NIKOLIC, magistrate au tribunal administratif de Paris, déposait plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction de ce tribunal des chefs de diffamation publique envers un fonctionnaire public, au visa des articles 29 alinéa 1ᵉʳ et 31 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881, et d’injure publique envers un fonctionnaire public, au visa des articles 29 alinéa 2 et 33 alinéa 1 de la même loi, à raison :

De trois messages, deux publiés par le compte @jylgallou, attribué à Jean-Yves LE GALLOU, le 5 août 2022 et un publié par le compte @mouchaviande, retweeté par le compte @jylgallou le même jour ;

D’un message publié par le compte @Jalopi en commentaires de ces messages, poursuivi du chef d’injure publique envers un fonctionnaire public (D1).

S’agissant des propos poursuivis du chef de la diffamation, la partie civile estimait qu’ils lui imputaient, pour les premiers, d’avoir rendu une ordonnance selon des motifs étrangers au droit et d’avoir de ce fait aboli les frontières, et pour les deuxièmes et troisièmes, d’avoir outrepassé le cadre de ses fonctions en ne se contentant pas de juger en droit mais en ouvrant un droit général à l’immigration aux étrangers indésirables et d’avoir rendu son ordonnance selon ses convictions personnelles et politiques.

Elle joignait à sa plainte un constat d’huissier en date du 19 septembre 2022 (D2), plusieurs captures d’écran (D3) matérialisant les publications litigieuses, ainsi qu’une copie de la plainte simple qu’elle avait déposée le 6 août 2022 au commissariat du 13ᵉ arrondissement contre Jean-Yves LE GALLOU et Tanguy CORNEC à raison de propos publiés sur Twitter, relevant que des trois magistrates qui composaient la formation de jugement, elle seule était la cible des propos litigieux, alors qu’elle était la seule à avoir un nom à consonance étrangère (D4).

Le 13 mars 2023, le ministère public ouvrait une information judiciaire du chef de diffamation publique et d’injure publique envers un fonctionnaire public, au visa des articles précités (D12).

Il ressortait des investigations diligentées sur commission rogatoire que la plateforme Twitter refusait de communiquer les données d’identification des comptes @jalopi et @jylgallou hors de toute procédure d’entraide internationale (D20) mais que le titulaire du compte @jylgallou était identifié comme étant Jean-Yves LE GALLOU (D21), lequel communiquait aux enquêteurs son identité complète ainsi que son adresse, et confirmait être l’auteur des propos litigieux (D22).

À la suite de l’envoi de l’avis préalable à sa mise en examen prévu à l’article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881, il était mis en examen par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 18 octobre 2022 à raison des deux premiers messages poursuivis dans la plainte (D27).

Sur réquisitoire définitif conforme, le magistrat instructeur rendait le 24 avril 2024 une ordonnance aux fins de non-lieu, s’agissant des propos publiés par les comptes @mouchaviande et @Jalopi, faute d’identification de leur auteur respectif, et le renvoi de Jean-Yves LE GALLOU, dans les termes déjà rappelés, du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire public pour les deux premiers messages visés dans la plainte.

À l’audience du 18 février 2025, Jean-Yves LE GALLOU était entendu.

Relatant être depuis de nombreuses années « préoccupé par les questions d’immigration » et indiquant déplorer le passage d’un « droit de l’immigration » centré sur l’intérêt général à « un droit à l’immigration » centré sur l’intérêt des particuliers, il fustigeait le pouvoir pris selon lui par les juges, notamment le juge administratif en ce qu’il intervient « sur les décisions contestées », reprochant notamment au Conseil d’État d’avoir autorisé le regroupement familial.

Il disait ainsi voir dans les décisions judiciaires, certes « d’apparence juridique », des prises de position politiques et revendiquait de pouvoir les critiquer ou les approuver en tant que telles, appuyant son propos sur la circonstance que le juge interpréterait des textes, notamment conventionnels, très généraux. Il replaçait ses propos dans des considérations plus larges tendant à dénier au juge administratif le droit de statuer sur les « décisions migratoires », ces dernières devant relever du seul pouvoir exécutif.

S’agissant précisément de la décision de justice qu’il commentait, il admettait ne pas l’avoir lue, en raison de difficultés d’accès aux « décisions judiciaires », et disait avoir pris connaissance du raisonnement adopté par la presse ou les réseaux sociaux. Il faisait valoir son droit à la liberté d’expression et son droit à la libre critique d’une décision de justice.

Il se défendait d’avoir visé spécifiquement la partie civile, qu’il ne connaissait pas, en raison de la consonance étrangère de son nom comme celle-ci l’avançait. Estimant « banale » l’expression de « petit juge » pour qualifier ici une décision qui ne relevait pas du « Conseil d’État en chambre réunie », il assumait d’avoir cité le nom de Florence NIKOLIC, dès lors qu’elle était la rapporteure de l’affaire, peu important que celle-ci ait été examinée par une formation collégiale, estimant que les magistrats devaient assumer « leurs responsabilités » et dénonçant leur tendance à « fuir sur ce point ».

Il expliquait la référence faite aux anciennes fonctions de la partie civile par le fait que celles-ci lui permettaient d’attribuer des subventions de la part de la ville à certaines associations comme la Ligue des droits de l’Homme.

Interrogé sur l’impact que pouvaient avoir ses propos sur les personnes abonnées à son compte, qu’il dénombrait à 45.000, il indiquait assumer ses propos, qui faisaient parfois l’objet de critiques virulentes, mais non ceux des tiers qui y réagissaient.

Florence NIKOLIC était entendue. Elle faisait valoir que les messages poursuivis lui imputaient une responsabilité politique quand elle n’avait fait qu’appliquer le droit positif, soulignant qu’elle avait été nommément ciblée alors même que Jean-Yves LE GALLOU n’avait pas lu la décision qu’il commentait et que l’affaire avait été examinée par une formation collégiale. Elle rappelait à cet égard que son rôle de rapporteur ne préjugeait en rien de sa position sur le dossier, couverte par le secret du délibéré.

Elle indiquait avoir ainsi été jetée en pâture « sciemment et délibérément », relevait qu’à la différence des hommes politiques auxquels l’assimilait le prévenu, elle ne pouvait en sa qualité de magistrat répondre publiquement aux attaques qui la visaient et soulignait la menace que ces propos et leurs suites pouvaient faire peser sur elle ainsi que l’angoisse qu’ils pouvaient générer.

Elle replaçait à ce titre ces propos dans un contexte d’attaques répétées à l’encontre des magistrats, visant encore très récemment un magistrat du tribunal administratif de Melun, et s’interrogeait sur la manière dont le prévenu, qui n’était pas présent lors de l’audience, avait pu prendre connaissance de son nom dès lors que seule une version anonymisée de l’ordonnance avait été transmise à la presse.

Le conseil de la partie civile, reprenant les termes de ses conclusions écrites, estimait les faits de diffamation publique envers un fonctionnaire public caractérisés et sollicitait la condamnation de Jean-Yves LE GALLOU à lui verser la somme de 4.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et de 5.000 euros sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale, sous le bénéfice de l’exécution provisoire.

La représentante du ministère public invitait le tribunal à tracer les contours de la liberté d’expression s’agissant des décisions de justice, précisant qu’il s’agissait là d’une démarche juridique et non politique, et rappelant que la critique des décisions de justice est autorisée, d’abord par l’exercice des voies de recours, mais également dans le débat public. Elle rappelait également que cette affaire avait donné à des commentaires haineux et soulignait la crainte légitime d’un passage à l’acte sur la partie civile.

S’agissant précisément des propos poursuivis, elle relevait qu’ils étaient virulents, formulés par le prévenu sans avoir lu l’ordonnance en cause, et ne se présentaient pas comme une critique du raisonnement juridique adopté, le prévenu assimilant tout à une opinion politique. Elle estimait qu’ils imputaient un fait précis, celui de rendre un jugement en ne se fondant pas sur des considérations juridiques, caractérisant un manquement déontologique.

Le conseil de la défense, reprenant les termes de ses conclusions écrites et y ajoutant, sollicitait la relaxe, au motif, à titre principal en ce que les propos de Jean-Yves LE GALLOU s’analysaient en un jugement de valeur critique, voire en un procès d’intention, mais ne constituaient pas l’imputation d’un fait précis susceptible de preuve, le prévenu listant les hypothèses permettant de comprendre les ressorts de la décision et ne mettant pas en cause l’impartialité de la magistrate. Subsidiairement, il sollicitait oralement le bénéfice de la bonne foi, et faisait valoir que le propos du prévenu, s’inscrivant dans le droit à la libre critique des décisions de justice et dans un débat d’intérêt général relatif à l’immigration, relevait de son droit à la liberté d’expression protégé par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Sur le caractère diffamatoire des propos poursuivis

Il sera rappelé que l’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé.

Il doit s’agir d’un fait précis, susceptible de faire sans difficulté l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité, ce qui distingue ainsi la diffamation, d’une part, de l’injure — caractérisée, selon le deuxième alinéa de l’article 29, par toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait —, et, d’autre part, de l’expression subjective d’une opinion ou d’un jugement de valeur, dont la pertinence peut être librement discutée dans le cadre d’un débat d’idées mais dont la vérité ne saurait être prouvée.

L’honneur et la considération de la personne ne doivent pas s’apprécier selon les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci, mais en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse, que le fait imputé soit pénalement répréhensible ou manifestement contraire aux règles morales communément admises.

La diffamation, qui peut se présenter sous forme d’allusion ou d’insinuation, doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent.

Par ailleurs, ni les parties, ni les juges ne sont tenus par l’interprétation de la signification diffamatoire des propos incriminés proposée par l’acte initial de poursuite et il appartient aux juges de rechercher si ceux-ci contiennent l’imputation formulée par la partie civile ou celle d’un autre fait contenu dans les propos en question, les juges étant également libres d’examiner les divers passages poursuivis ensemble ou séparément pour apprécier leur caractère diffamatoire.

Il résulte des articles 30 et 31 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 qu’est punie de 45 000 euros la diffamation publique commise, à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, envers le Président de la République, un ou plusieurs membres du ministère, un ou plusieurs membres de l’une ou l’autre Chambre, un fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l’autorité publique, un ministre de l’un des cultes salariés par l’État, un citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public, temporaire ou permanent, un juré ou un témoin à raison de sa déposition.

Il convient de préciser à cet égard que les dispositions précitées ne punissent de peines particulières les diffamations dirigées contre les personnes revêtues des qualités qu’elles énoncent que lorsque ces diffamations, qui doivent s’apprécier, non d’après le mobile qui les a inspirées ou d’après le but recherché par leur auteur mais selon la nature du fait sur lequel elles portent, contiennent la critique d’actes de la fonction ou d’abus de la fonction, ou encore établissent que la qualité ou la fonction de la personne visée a été soit le moyen d’accomplir le fait imputé, soit son support nécessaire.

En revanche, si le fait imputé ne constitue ni un acte, ni un abus de la fonction ou du mandat public, la diffamation n’atteint que la personne privée.

En l’espèce, afin d’apprécier le caractère diffamatoire des propos, il convient de les replacer dans leur contexte.

Florence NIKOLIC est magistrate au tribunal administratif de Paris. Elle était membre de la formation collégiale ayant été amenée à apprécier la requête en référé formée par l’imam IQUOUISSEN à l’encontre d’un arrêté ministériel en date du 29 juillet 2022 ordonnant son expulsion du territoire national. Par ordonnance du 5 août 2022, cette formation a prononcé la suspension de cet arrêté.

Cette décision, fortement médiatisée, a donné lieu à de vives réactions sur les réseaux sociaux où elle a été commentée et critiquée, les propos poursuivis, publiés par Jean-Yves LE GALLOU, s’inscrivant dans le cadre de ces commentaires.

Jean-Yves LE GALLOU est présenté par la partie civile comme « ancien inspecteur général du ministère de l’intérieur et militant d’une extrême droite particulièrement radicale » (D4). Il est titulaire du compte @Jylgallou sur la plateforme Twitter, devenue depuis X, dont la présentation était à l’époque des faits « Ancien député européen / Président de Polémia / Essayiste / Animateur d’i media sur TV Libertés / Cofondateur de l’Institut Iliade / Alpiniste ».

Il ressort du constat d’huissier produit par la partie civile que ce compte aborde des thématiques relatives à l’actualité et à l’immigration, adoptant une position hostile à celle-ci (« non ceux qui posent la question de l’immigration ne “vocifèrent” pas, ils refusent simplement le déni du réel. Voir radoter le même baratin (accélération des procédures, évaluation des besoins etc) est aussi fatigant que consternant, D2/27 »).

Le 5 août 2022, il a publié plusieurs messages relatifs à l’ordonnance du tribunal administratif de Paris, contenant les propos poursuivis, graissés ci-après par le tribunal pour les besoins de la motivation :

 

À 15h28, le message suivant, ayant été retweeté 128 fois, cité 6 fois et ayant reçu 244 « j’aime » :

« Il est permis de s’interroger sur la motivation réelle du juge qui a autorisé #HassanIquouissen à rester en France :

  • Surinterprétation des textes ?
  • militantisme idéologique ?
  • trouille des islamistes ? Un petit juge a-t-il le droit d’abolir les frontières de la France ? » (propos n°1)

Ce message a suscité comme réaction, de @mourad91800 « Peut-être juste l’état de droit » et de @moucheaviande « le militantisme idéologique prime certainement les autres facteurs » (D3-1).

 

À 16h33, le message suivant, ayant recueilli 105 retweet, 5 citations et 177 « j’aime » :

« Par l’ordonnance 22-16-413 la juge FLORENCE NIKOLIC a ouvert un droit à l’immigration aux étrangers indésirables en France en faveur de l’imam #Hassaniquouissen. Conseiller de tribunal administratif depuis 2002 elle fut détachée comme sous-préfet à la ville dans le Pas-de-Calais » (propos n°2).

Ce message a suscité plusieurs réactions critiques :

  • de @Kocoricoo : « le djihad judiciaire ! » ;
  • de @moucheaviande : « Sous-Préfet à la ville = poursuite et accentuation des politiques favorables aux zones d’immigration » ;
  • De @FBoisard1533 : « la féminisation (de plus bourgeoise, gauchiste et urbaine) de la magistrature est une catastrophe » ;
  • De @Treyens3 : « Elle fait partie de la 5ème section » ;
  • De @Tanguy_Cornec : « Florence Nikolic devra être jugée par le tribunal du peuple, à la libération de la #France du socialo-macronisme ! » ;
  • De @Jalopi : « Une collabo. Traître ».

 

Il ressort des captures d’écran produites que Jean-Yves LE GALLOU a commenté la décision susvisée dans d’autres messages non poursuivis : « En autorisant le maintien en France sans titre de séjour et indésirable #Hassaniquissen une “justice” devenue folle confirme que nous sommes passés d’un droit de l’immigration à un droit A l’immigration » et « Les “souverainistes” ont passé leur temps à dire que c’est l’UE qui contrôlait la politique de l’immigration en France. C’est manifestement faux. C’est une affaire franco-française : un pouvoir politique à l’abandon a tout cédé à la #DictatureDesJuges #Iquouissen ».

Il sera relevé à titre liminaire que les propos poursuivis se présentent comme la critique d’une décision de justice, laquelle est librement admissible dès lors qu’elle ne dégénère pas en abus de la liberté d’expression notamment sous la forme de la violation des dispositions des articles 29 alinéa 1 et 31 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881, de sorte qu’il convient d’examiner ici si les propos poursuivis comportent, comme avancé par la partie civile, une imputation diffamatoire la visant en sa qualité de magistrate.

Ces derniers, contenus dans deux messages publiés sur le réseau social Twitter, librement accessible à tous les internautes, présentent un caractère public.

Il convient en outre de les analyser de manière commune dès lors qu’ils ont été mis en ligne à une heure de distance et sont susceptibles d’être lus ensemble par les internautes consultant le compte Twitter de Jean-Yves LE GALLOU.

Ainsi, si le premier message poursuivi n’évoque que « le juge » ou « le petit juge » qui a rendu l’ordonnance commentée, le deuxième identifie quant à lui précisément Florence NIKOLIC, nommément citée et présentée comme le seul magistrat ayant rendu cette décision, de sorte que celle-ci est bien visée dans les deux propos poursuivis.

Il sera relevé, en premier lieu, que l’affirmation selon laquelle Florence NIKOLIC aurait « aboli la frontière de la France » (fin du premier message poursuivi) et « ouvert un droit à l’immigration aux étrangers indésirables en France » (deuxième message poursuivi) constitue un jugement de valeur découlant de l’interprétation par Jean-Yves LE GALLOU de la décision rendue et de ses conséquences, dont la pertinence peut être librement débattue mais dont la vérité ne saurait être prouvée.

En outre, la dernière partie du deuxième message, rappelant que la partie civile a été détachée comme sous-préfet à la ville dans le Pas-de-Calais, est formulée de manière purement descriptive sans que soit perceptible sans difficulté, pour le lecteur, le lien que le prévenu a pu exposer à l’audience entre ces fonctions et l’attribution de subventions à des associations.

Jean-Yves LE GALLOU sera dès lors renvoyé des fins de la poursuite s’agissant du propos n°2, qui ne présente aucun caractère diffamatoire.

En second lieu, dans le premier message, sous couvert d’une interrogation en réalité purement rhétorique, Jean-Yves LE GALLOU affirme que le juge a rendu une décision dont les motivations ne sont pas celles reproduites dans l’ordonnance (« s’interroger sur la motivation réelle »), formulant à ce titre trois hypothèses tenant à la surinterprétation des textes appliqués, à la peur des islamistes et au « militantisme idéologique ».

Ces propos, qui s’inscrivent dans une interprétation personnelle de l’office du juge et du processus d’application des règles de droit, que Jean-Yves LE GALLOU assimile à tort à un acte de nature politique, et dans une contestation du principe même de la possibilité pour le juge administratif de connaître des décisions administratives touchant au domaine de l’immigration, constituent en l’espèce l’expression d’une opinion critique reposant sur une interprétation subjective, ainsi qu’en atteste la référence à l’abolition des frontières de la France, et non la formulation d’une imputation diffamatoire.

En effet, les trois hypothèses mises en avant par le message litigieux, formulées de manière vague et lapidaire, n’imputent aucun fait précis à Florence NIKOLIC qui pourrait faire, sans difficulté, l’objet d’un débat sur la preuve de sa vérité.

Ainsi, la mention du militantisme idéologique comme origine de la décision est ici trop imprécise et générale, en l’absence d’indication sur la nature du militantisme invoqué et la manière dont il se serait traduit dans la décision, pour faire l’objet d’un débat sur la preuve de sa vérité, étant précisé qu’à aucun moment Jean-Yves LE GALLOU ne fait explicitement le lien entre les considérations politiques dont il postule l’existence et une possible violation des obligations déontologiques de la partie civile.

Il en va de même de la surinterprétation des textes, nullement explicitée, étant précisé qu’en outre la mauvaise application d’une règle de droit, qui n’est pas ici présentée comme volontaire, ne constitue ni une infraction pénale, ni la violation d’une obligation déontologique ni un comportement unanimement réprouvé, et n’est dès lors pas attentatoire à l’honneur et à la considération, pas plus que la mention de la « peur des islamistes », qui spécule sur les possibles ressentis intimes de la magistrate.

Les propos poursuivis se présentent ainsi comme de simples extrapolations personnelles, exprimées à l’aune de ses propres convictions, sur les raisons cachées susceptibles d’expliquer une décision avec laquelle le prévenu est en désaccord, et donc comme un vif procès d’intention dont la pertinence est susceptible d’être débattue mais dont la vérité ne peut être prouvée.

Ainsi, si la partie civile a pu légitimement être heurtée par les propos litigieux, formulés sur un ton vif par le prévenu en la ciblant nommément et ayant suscité de ce fait des messages hostiles voire menaçants à son endroit, ces derniers ne sont pas susceptibles, faute de lui imputer un fait précis susceptible de preuve, de présenter un caractère diffamatoire.

Jean-Yves LE GALLOU sera dès lors renvoyé des fins de la poursuite.

Sur l’action civile

Florence NIKOLIC sera reçue en sa constitution de partie civile mais déboutée de ses demandes en raison de la relaxe intervenue.

 

PAR CES MOTIFS

contradictoirement à l’égard de LE GALLOU Jean-Yves, prévenu, et NIKOLIC Florence, partie civile,

Renvoie Jean-Yves LE GALLOU des fins de la poursuite ;

Reçoit Florence NIKOLIC en sa constitution de partie civile ;

Déboute Florence NIKOLIC de ses demandes en raison de la relaxe intervenue ;

***

Le jugement au format PDF : Jugement Nikolic c Le Gallou

Polémia
13/04/2028

Jean-Yves Le Gallou

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