Par Frédéric Malaval, essayiste ♦ Frédéric Malaval est un contributeur régulier de Polémia. Il vient de réunir quelques textes dans un livre disponible en version numérique chez Amazon sous le titre Vers l’EcoHumanisme. Dans cet ouvrage, l’auteur analyse et tente de concilier deux points de vue en apparence opposés. Voici une présentation de cet ouvrage, rédigée par Frédéric Malaval lui-même.
Deux camps ennemis
Ces lignes portent un vœu; celui de trouver un compromis entre deux composantes de nos sociétés dont l’antagonisme n’a cessé de croître depuis la Seconde guerre mondiale. D’un côté des groupes sociaux envisageant l’avenir de l’écosphère dans une mondialisation dissolvant les identités biosociales. Ils œuvrent à la création d’un méga-écosystème ultra-artificialisé peuplé d’humains indéterminés ; l’Homme nouveau en est l’acmé. De l’autre, des identitaires aspirent à maintenir la diversité de l’anthroposphère. Ils sont désormais alliés à des écologistes combattant pour la biodiversité comme garantie de l’avenir de l’écosphère, et donc de l’Humanité. Pour les uns comme pour les autres, l’aboutissement de la vision du camp d’en face conduirait à une crise majeure fatale pour tous. Craignant que cet antagonisme ne soit résolu dans un bain de sang préjudiciable, l’auteur de ces lignes cherche à promouvoir la notion d’EcoHumanisme, envisagée comme la synthèse des aspirations des uns et des autres.
En effet, la mondialisation est désormais un constat porté par une perspective théotéléologique animant tous les nootypes de la Modernité. On citera les religions issues du Livre: judaïsme; christianisme, etc. et leurs versions sécularisées: libéralisme, socialisme, développement durable, etc. Mais l’histoire des lignées animant la biosphère, elle, est une réalité indéniable qu’il est délicat de transgresser pour les Identitaires. Le mouvement écologiste s’est bâti, lui aussi, sur une conviction similaire; détruire la Nature nous condamne.
Aujourd’hui, cette dialectique anime de nombreux espaces de la noosphère. Ainsi, en médecine, transhumanistes et bioconservateurs ont des points de vue a priori irréconciliables. D’où le parti-pris de ces lignes d’espérer à terme une dialectique vertueuse alors qu’apparaissent déjà les signes prémonitoires d’une montée aux extrêmes.
EcoHumanisme et politique
Vingt-et-un articles structurent ces pages. Deux axes les portent, sans hiérarchie. Le premier expose la nécessité d’un EcoHumanisme à inventer face à des mutations de l’écosphère dont la crise écologique, – c’est-à-dire la disparition de la Nature – est le défi majeur. Le second tente d’éclairer les enjeux politiques actuels avec un constat. L’alternative fondamentale oppose désormais des Identitaires à des Mondialistes. L’EcoHumanisme tente d’opérer un lien entre сes deux pôles. Cette contribution conclut un travail initié dans les années 1980 pour qualifier les enjeux écologiques et environnementaux actuels. Cela avait abouti à la nécessité d’intégrer les SurEnvironnement dans nos pratiques sociales.
Le but de tout cela est de montrer qu’il y a là le défi essentiel que l’anthroposphère doit relever face à une Modernité triomphante fondée sur le réductionnisme anthropique. La création de SurEnvironnement en est la manifestation la plus explicite. La Nature envisagée comme l’ensemble des ‘biens inappropriés’ est le SurEnvironnement fondamental qu’elle a créé. Or, ces SurEnvironnement disparaissent avec la globalisation et le développement de l’anthroposphère.
La Nature, indépassable préalable
Pourtant, la Nature est nécessaire à l’existence de l’anthroposphère. Une multitude d’études le démontre. On évoquera celle de l’économiste Robert Costanza. Son équipe avait estimé dans les années 1990 que la valeur des services rendus par la Nature était supérieure à celle du Produit national brut mondial. La conclusion était claire : sans Nature, pas d’économie, donc pas d’artificialisation de l’écosphère… L’expérience Biosphère II, quant à elle, s’est conclue sur un échec. Ce site expérimental construit pour reproduire un système écologique artificiel clos construit dans le désert de l’Arizona avait comme vocation de préparer une présence humaine en dehors de la terre. Or, cette expérience a montré, qu’actuellement, il est impossible de faire cela. La survie de l’anthroposphère impose la Nature comme une de ses composantes irréductibles. D’innombrables recherches étayent cette assertion. Or, le fondement de la Modernité, – dont la mondialisation cosmopolite est la conséquence -, est de la détruire. Tout ceci a été développé dans les productions précédant ces lignes. On citera notamment « Symphonie n°6 – Impressions sur le concept ‘environnement' », pierre angulaire de tout ce qui a suivi.
Passe de l’adolescence à l’âge adulte
Enfin, ces lignes tentent de montrer que la fin de l’Histoire est une illusion. Nous sommes encore loin du stade climacique de l’anthroposphère. Mais alors que la Modernité s’est pensée depuis plus de 3000 ans à travers des mythes fondateurs comme celui de l’Atlantide ou du Paradis, – représentations d’un monde parfait -, nous n’avons pas encore inventé les utopies de la PostModernité. Or, une des caractéristiques de notre civilisation fondée sur la Modernité est que demain sera mieux qu’aujourd’hui. Ce travail de prospective est donc à faire, ouvrant des perspectives réjouissantes aux générations suivantes.
En effet, il s’agit désormais de penser une anthroposphère à son apogée forcée de changer ses desseins et pratiques sociales. Nous passons de l’adolescence à l’âge adulte. Ce livre tente donc de contribuer à l’élaboration d’un EcoHumanisme centré sur une écoresponsabilité, dans le prolongement d’un humanisme dont les Droits de l’Homme et le Code civil animent nos pratiques socio-politiques. Mais depuis leur consécration, l’écosphère a muté engendrant une critique de ces piliers de la Modernité. Cette réflexion fut engagée depuis les années 1960 par des pionniers visionnaires. On mentionnera Hans Jonas, Jacques Ellul, Arne Næss, etc.
Quel sera le bon signe que l’EcoHumanisme se réalise ? La réponse est le jour où toutes les formes de vie viables naturellement vivront dans les espaces naturels les ayant engendrées. Ce n’est pas une utopie, mais une nécessité pour une humanité demain encore plus nombreuse qu’aujourd’hui et qui aura besoin de la Nature pour survivre. Cela imposera un droit écocentré, dans le prolongement du droit anthropocentré animant la Modernité. Un de ses aspects sera de respecter les déterminismes naturels envisagés comme vitaux pour la pérennité de l’anthroposphère. Ainsi une girafe en Afrique, au même titre qu’un Africain de souche, bénéficieraient de droits ‘naturels’ que n’auraient pas des européens en Afrique, car étrangers aux déterminismes naturels animant ces territoires; idem en Europe pour les formes de vie propres à ce continent. D’autres aspects de ce droit écocentré seraient à évoquer.
Après le temps du découplage Homme-Nature que la Modernité a réalisée, le temps du recouplage se profile. Il passe par l’intégration des SurEnvironnement dans nos pratiques sociales. Cela sera le fondement de la PostModernité.
L’anthropocentrisme ayant animé la Modernité sera alors envisagé comme une parenthèse d’une humanité forcée d’être écocentrée pour survivre. Faire le deuil d’un humanisme anthropocentré au profit d’un humanisme écocentré en est l’étape incontournable. C’est l’esprit animant l’EcoHumanisme à inventer. Les textes réunis dans cet ouvrage ont comme ambition d’apporter une petite pierre à l’édifice que chacun d’entre nous a désormais la responsabilité de construire.
Frédéric Malaval
19/06/2018
Source : Correspondance Polémia
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