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Une photo au service du désarmement moral

Une photo au service du désarmement moral

par | 10 septembre 2015 | Politique

Une photo au service du désarmement moral

Instrumentalisant à des fins immigrationnistes la mort d’un enfant, les professionnels de l’émotion idéologique ont déclenché à l’échelle planétaire une offensive sans précédent. En France, cette manipulation des masses a-t-elle réussi ? Pas tout à fait.

Résumant un avis ou plutôt une exigence très répandue dans les médias, The Independent titrait le 3 septembre :

« Si ces images extraordinairement puissantes d’un enfant syrien mort échoué sur une plage ne changent pas l’attitude de l’Europe face aux réfugiés, qu’est-ce qui le fera ? »

L’influent quotidien londonien a été entendu : la Hongrie, qui s’efforçait à ses confins méridionaux de défendre la frontière balkanique de l’Espace Schengen et de maintenir dans des camps de rétention les hordes entrées illégalement sur son territoire, recevait l’ordre de Berlin et de Bruxelles de… les transporter — gratuitement — en bus puis en train vers l’Autriche qui, dans la seule journée du 5 septembre, a été submergée de dix mille allogènes, et, de là, vers une Allemagne ployant sous le poids de crimes sans cesse ressassés depuis 1945. D’où un formidable appel d’air dont nous n’avons pas fini de mesurer l’ampleur.

Le poids sélectif de la vie d’un enfant

La souffrance, et a fortiori la mort d’un enfant, est toujours une chose atroce et il est difficile de rester insensible devant la photo du petit Aylan Kurdi gisant inanimé sur une plage turque après le naufrage du canot pneumatique sur lequel il avait pris place à partir de Bodrum avec ses parents et son frère aîné pour gagner l’île grecque de Kos et la « liberté ». Mais toute vie se vaut : cinquante enfants meurent chaque année de noyade en France ; conséquence fréquente de la décomposition programmée de la famille, 98 000 autres y sont bon an mal an victimes d’une maltraitance entraînant « 600 à 700 décès » — cf Le Figaro du 14/6/2013 ; parallèlement, le délit d’entrave à l’avortement est depuis 2013 criminalisé et passible de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende car « le droit à l’avortement est un acquis majeur des femmes et le fruit d’un long combat pour leur droit à disposer de leur corps », peut-on lire sur le site du ministère de la Santé (1) qui constate avec une sérénité toute spartiate que « chaque année en France, environ 220 000 femmes ont recours à l’IVG pour interrompre une grossesse non désirée ».

Fabricants d’émotion, faiseurs d’opinion

Devant un tel mépris de l’enfant (occidental) né ou à naître, pourquoi la photo d’un petit mort kurde a-t-elle donc fait l’objet d’une orchestration internationale, les sanglots longs des violons journalistiques se répondant d’un pays à l’autre et notre audiovisuel d’Etat se distinguant dans le lamento et augmentant de jour en jour la pression pour assurer le succès de la grande journée européenne d’action pour l’accueil aux réfugiés prévue le 12 septembre ?

Tout simplement parce que noyer les opinions publiques sous des flots d’émotion est le meilleur moyen d’obscurcir la raison des Européens et de subvertir la conscience de l’héritage inestimable reçu de leurs ancêtres et qu’ils ont mission de transmettre aussi intact que possible. Cette raison raisonnante qui, juste avant le drame de Bodrum, faisait dire à 56 % des Français par exemple qu’ils sont hostiles à l’accueil aux migrants, opportunément rebaptisés réfugiés. Alors que beaucoup d’entre eux sont des envahisseurs, comme en témoignent les cris « Allahou Akbar » vengeurs surgis de la foule exotique à la gare de Budapest.

Les lobbys immigrationnistes à la manœuvre

Comme ce nouveau terme de réfugié désormais préféré à celui de migrant jugé porteur de « froideur lexicale » (2), l’omniprésente photo du malheureux Aylan participe au désarmement moral des pays dits riches. Ce dont se félicitent tous les vétérans du devoir humanitaire, tel l’inusable Bernard Kouchner désolé que « la France n’accueille pas assez de migrants » (3), et tous les lobbys mondialistes. En particulier le petit dernier, AVAAZ, qui mérite qu’on s’y arrête : se présentant comme « le mouvement qui permet aux citoyens de peser sur les décisions politiques partout dans le monde », il est considéré par le quotidien bavarois (mais de gauche) Suddeutsche Zeitung « supranational, plus démocratique, et peut-être être plus efficace que l’ONU » (alors que le site français Liberterre.fr voit en revanche en lui « une tête de pont de la CIA, un gigantesque écran de fumée occultant les bombes libératrices à uranium appauvri de l’Impérialisme occidental »). Dans un courriel envoyé le 5 septembre aux millions d’internautes qu’il a réussi à rameuter grâce aux innombrables pétitions lancées depuis sa création en 2007, AVAAZ se réjouit ainsi : « La mort tragique d’Aylan a été un déclencheur, et plus de 800 000 personnes ont déjà rejoint notre appel […] à plus d’humanité » pour rejeter « les politiques de la porte close que beaucoup de décideurs veulent instaurer » et procéder à « une augmentation urgente et drastique de la relocalisation et de la réinstallation de réfugiés, qui répartit la responsabilité entre pays européens, et réunit les familles ».

Un appel auquel François Hollande a répondu :

« L’Union européenne doit faire davantage, elle doit répartir, c’est le mot qui est choisi, un certain nombre de personnes qui demandent refuge. […] Il s’agit de sauver des vies », a déclaré le chef de l’État.

Sous les applaudissements de Mgr Jean-Michel di Falco Léandri, évêque de Gap et d’Embrun, qui avait crié sa « honte des chrétiens prompts à descendre dans la rue pour d’autres causes mais semblent ignorer cette tragédie ». « Mais qu’est donc devenue la Manif pour tous ? Si elle est pour tous elle est aussi pour les migrants ! » s’indigne le prélat qui, sans crainte de l’emphase, affirme que « c’est le Christ que l’on crucifie une nouvelle fois dans la mort de cet enfant » (4).

Culpabilisation et sidération, les deux manettes du mondialisme

Devant cette entreprise couplée de culpabilisation et de sidération, qui oserait poser et se poser des questions gênantes ? Par exemple sur l’écrasante responsabilité du triumvirat Sarkozy-Fillon-Juppé (respectivement président, Premier ministre et ministre des Affaires étrangères à l’époque) dans la chute du régime de Muammar Khadafi et de l’anarchie qui s’ensuivit en Libye devenue porte de l’Afrique profonde vers l’Italie et, de là, l’Europe du Nord. Ainsi que sur la responsabilité plus accablante encore des États-Unis qui, en vitrifiant l’Irak de Saddam Hussein et en en confiant les rênes aux chiites, avait jeté vers la Syrie deux millions d’Irakiens sunnites qui, déracinés, paupérisés et donc aigris, sont depuis devenus des proies — et des combattants — de choix pour l’Etat islamique que nos démocraties d’apparence prétendent aujourd’hui combattre… après l’avoir armé pour abattre Bachar al-Assad.

Parmi les intellectuels homologués, le philosophe Michel Onfray est ainsi bien seul qui, après que Bernard-Henri Lévy eut pleurniché sur la dépouille de l’enfant Aylan en battant sa coulpe sur nos poitrines, l’a vivement rembarré le 3 septembre sur BFMTV :

« Il n’a pas honte lui ? Il ferait mieux de rester caché. […]. Voilà quelqu’un qui a invité à bombarder la Libye. On ne peut plus rien faire avec la Libye, c’est une base extraordinaire pour le terrorisme aujourd’hui. Responsable de rien ? Coupable de rien, Bernard-Henri Lévy ? Il vient nous expliquer qu’il faudrait ceci, il faudrait cela […] Il y a un moment où il faut un peu de pudeur […] Tous ces gens qui ont rendu possible cet enfant mort, et Bernard Henri Lévy en fait partie […] il est complice […], ces gens-là sont des criminels. »

On ne saurait mieux dire, sinon en posant d’autres questions, sur la noyade de Bodrum elle-même et sa transposition photographique qui, selon BHL, a eu « l’immense mérite d’éveiller les consciences ».

Pourquoi le pater familias kurde Abdullah Kurdi, qui avait quitté Damas pour la ville syro-kurde de Kobané, puis choisi il y a trois ans non de combattre les islamistes bombardant la cité mais d’aller vivre en Turquie, a-t-il tout à coup décidé de passer en Grèce ? Pour sauver sa peau et celle des siens ? Non, pour… se faire placer gratis des « implants dentaires en Europe », de l’aveu même de sa sœur Tima installée à Vancouver et interviewée par SkyNews (5) !

Pourquoi, ayant versé « 1 200 dollars par personne » aux passeurs pour quitter la Turquie, n’avait-il pas muni son épouse et ses enfants, qui ne savaient pas nager, de gilets de sauvetage ?

Pourquoi enfin a-t-il fait rapatrier les cadavres des siens à Kobané, comme si rien n’était plus facile que de regagner cette ville assiégée ?

La résistance au tsunami lacrymatoire

Autant d’ambiguïtés, qui ne semblent cependant pas gêner les plus affutés de nos commentateurs, anxieux de rivaliser dans la compassion et la générosité, évidemment aux dépens de leurs compatriotes mais aussi des immigrés plus anciennement installés. Par exemple ceux qui résidaient au 4 de la rue Myrha (18e arrondissement de Paris), cible le 1er septembre d’un incendie criminels où huit d’entre eux, dont deux enfants, ont péri brûlés vifs. Une mort aussi abominable que celle du petit Aylan mais vite emportée par celle-ci dans le tourbillon médiatique. Pourtant, les photos des petites victimes de la rue Myrha n’auraient-elles pas elles aussi « éveillé les consciences » ? Certes, mais il aurait alors fallu s’étendre un peu sur leur tortionnaire présumé, qui a été écroué le 5 septembre. Un trentenaire au lourd passé psychiatrique mais aussi au casier judiciaire très chargé (trafics de stupéfiants, vols avec violences, dégradations de biens privés, etc.), de nationalité algérienne et nommé Mourad Saïdi (6) — ce que s’obstine à dissimuler le site institutionnel francetvinfo.fr

Or, on se souvient de la réaction sur Tweeter du « journaliste politique » Nicolas Chapuis, du Nouvel Observateur, après que l’auteur des tueries de Montauban et de Toulouse en mars 2012, d’abord décrit comme « blond aux yeux bleus » (malgré le casque de moto dissimulant son visage), se révéla être Mohamed Merah :

« Putain, je suis dégoûté que ça soit pas un nazi ! »

À quoi son confrère Tristan Dessert répondit, également sur Tweeter :

« Ça aurait été plus simple évidemment. »

Ç’aurait été plus simple évidemment si le petit Aylan avait été noyé par un « nazi » de l’Aube Dorée grecque mais, bien instrumentalisée, la triste banalité peut aussi être efficace. Et ce sont ces moralistes bouffis d’ethnomasochisme et de sectarisme qui viennent nous donner des leçons d’humanité !

Leur imposture commence toutefois à éclater au grand jour : réalisé en plein tsunami lacrymatoire, un sondage Odoxa pour Le Parisien-Aujourd’hui en France confirme les résultats antérieurs de celui de BFMTV : 55% des Français restent opposés à l’assouplissement des règles d’accueil. Preuve qu’ils n’ont pas encore perdu leurs défenses immunitaires, qu’on s’efforce en haut lieu de saper avec un acharnement digne d’un meilleur sort.

Camille Galic
10/09/2015

Notes

  1. [LIEN MORT]
  2. Voir la chronique de Françoise Monestier sur « L’arme du langage », quotidien Présent du 4 septembre 2015.
  3. « La France n’accueille pas assez de migrants » : le cri d’alarme de Bernard Kouchner, francetvinfo.fr, 04/09/2015
  4. Monseigneur di Falco : “J’ai honte !”, ledauphine.com, 04/09/2015
  5. [LIEN MORT]
  6. [LIEN MORT]
Camille Galic

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