« Je voudrais être considéré comme quelqu’un qui a fait son maximum pour le bonheur et la prospérité de son pays et de sa nation. »
L’interview de Vladimir Poutine par Jean-Pierre Elkabbach pour Europe 1 et Gilles Bouleau pour TF1, diffusée le 4 juin dernier au 20h de TF1 a été tronquée : le temps de cette diffusion fut de 24 minutes, quand l’interview intégrale a duré 40 minutes. Que manque-t-il ? Le blogueur Olivier Berruyer a tout simplement consulté le site du Kremlin, puis publié une version française en indiquant clairement les passages caviardés. On verra, par exemple, que tous les passages concernant la Crimée ont été écartés, tout comme la référence aux médias français. On trouvera ci-après la version française de la transcription originale de l’interview donnée par Vladimir Poutine aux deux journalistes français et retransmise par le site du Kremlin.
Polémia
La transcription de l’interview de Vladimir Poutine en version intégrale : le scandale des coupes de TF1 (05/06/2014), par Olivier Berruyer.
Voici la transcription de l’interview de Poutine d’hier. C’est la traduction de la version intégrale issue du site du Kremlin (ou ici en russe, ou là). En effet, pour faire tenir cette interview de 41 minutes en 24 minutes, TF1 a sabré largement dans certaines parties. Comme il a été décidé de couper des éléments essentiels sur la Crimée, l’opposition dans les médias français, et de laisser des propos sans intérêts genre sur la langue qu’il utilise avec Hollande, le mot censure me semble adapté – vu qu’il y a rétention d’informations importantes qui éclaireraient le public français. D’autant que rien n’empêchait de mettre en ligne sur le web la version complète… Et je reviendrais sur la faute inacceptable de traduction quand il parle d’Hillary Clinton. Ceci étant, reconnaissons qu’il est salutaire que TF1 et Europe 1 aient interviewé Vladimir Poutine… Tout est donc traduit ici – les passages censurés sont en exergue – à vous de voir s’ils méritaient de l’être.
La version de TF1 (24 minutes)
TF1.fr l’appelle « la version intégrale »
La vraie version intégrale « intégrale » (en russe, traduit pour les-crises.fr) de 41’00.
La vidéo avec seulement les coupes (tout ce que TF1 n’a pas jugé de bon de montrer)
Retranscription
Question (Bouleau) : Bonsoir, M. le président. Merci beaucoup d’accueillir Europe 1 et TF1 dans cette résidence, dans votre résidence de Sotchi pour cet entretien exceptionnel. Jeudi soir, vous serez reçu à l’Élysée par le président François Hollande et le lendemain, le 6 juin, vous participerez aux commémorations du Débarquement. Ce sera la première fois pour vous que vous irez sur les plages de Normandie. Mais c’est aussi la première fois qu’un président russe participera et sera invité à ces cérémonies. Qu’est-ce que cela vous fait en tant que citoyen russe d’être invité à cette commémoration exceptionnelle ?
Vladimir Poutine : C’est un événement important pour l’Europe et le monde entier. Nous allons rendre hommage à ceux qui ont empêché les nazis de réduire l’Europe en esclavage. Je pense que la participation de la Russie à cette commémoration est chargée de symboles. Je veux dire par là que la Russie et les autres pays de la coalition antihitlérienne, y compris la France, étaient alliés dans cette lutte pour la liberté. La participation de notre pays a été très importante, voire décisive pour vaincre le fascisme.
Mais nous n’oublierons jamais non plus les combattants français de la Résistance, notamment ces soldats français qui sont venus combattre à nos côtés sur le front de l’Est, le front germano-soviétique. Et il me semble que c’est quelque chose qui doit nous rappeler notre passé et, en même temps, nous servir à construire nos relations d’aujourd’hui et de demain.
Question (Elkabbach coupant Poutine) : Justement, vous avez, avec la Russie, votre place sur les plages de la Normandie. Jusqu’à l’âge de quarante ans, vous viviez en Union soviétique. Vous avez vu son effondrement. Et vous participez, vous, activement à la renaissance de la Russie. Qu’est-ce que vous voulez ? Qu’est-ce que vous cherchez ? Votre stratégie est-elle une stratégie de dialogue ou d’expansionnisme et de conquête ?
Vladimir Poutine : Non, bien sûr. Je suis persuadé que dans le monde contemporain une politique basée sur l’expansionnisme et les conquêtes n’a aucun avenir. Il est évident que la Russie, dans le monde d’aujourd’hui et de demain, peut être et doit être partenaire de ses alliés historiques dans le sens large du terme. C’est cela que nous voulons et nous allons continuer d’œuvrer en ce sens. C’est la seule manière dont nous pouvons concevoir nos relations avec nos voisins et tous les autres pays.
Question (Elkabbach) : Mais vous voulez être l’avocat de la nation russe ou le symbole d’un nationalisme russe, d’un empire russe ? On se sait ce que vous avez dit quand l’Union soviétique s’est écroulée : « L’éclatement de l’empire soviétique a été la pire catastrophe géopolitique du XXe siècle. » Cela a été beaucoup interprété. Et vous avez dit : « Celui qui ne regrette pas l’Union soviétique n’a pas de cœur et celui qui veut la reconstituer n’a pas de tête. » Or, vous avez une tête. Qu’est-ce que vous proposez : le nationalisme russe ou un empire russe sur les frontières d’avant ?
Vladimir Poutine : Nous n’envisageons ni de soutenir le nationalisme russe ni de reconstituer un empire. Quand je disais que la disparition de l’URSS était une des plus grandes catastrophes du XXe siècle, je parlais d’une catastrophe humanitaire avant tout. Je voulais dire qu’en URSS existait une population qui – quelle que soit son origine ethnique – vivait dans un pays uni. Par contre, après sa dissolution, 25 millions de Russes se sont soudain retrouvés dans des pays étrangers. Et cela a été une vraie catastrophe humanitaire. Ni politique, ni idéologique, mais un problème d’ordre humanitaire. Des familles ont été séparées, beaucoup de gens ont perdu leur emploi et se sont retrouvés sans ressource, sans moyen de communiquer. C’est là qu’était le problème.
Question (Elkabbach) : Et à l’avenir ? Voulez-vous reconstituer l’empire dans ses anciennes frontières ou voulez-vous continuer à développer votre pays à l’intérieur de ses propres frontières ?
Vladimir Poutine : Nous souhaitons développer notre pays à l’intérieur de ses frontières, bien sûr. Mais – et ceci est très important – comme d’autres pays dans le monde, nous voulons utiliser des moyens modernes pour devenir plus compétitifs, notamment grâce à l’intégration économique. C’est ce que nous faisons dans l’espace de l’ex-URSS dans le cadre de l’Union douanière et de l’Union eurasiatique.
Question (Bouleau) : Président Poutine, alors que nous discutons ici un pays voisin qui n’est pas très lointain, l’Ukraine, est en état de guerre. Il n’y a pas d’autre mot. Les pro-russes affrontent ceux qui veulent garder les frontières actuelles de l’Ukraine. Qui va les arrêter et voulez-vous arrêter cette guerre ?
Vladimir Poutine : Vous savez, personnellement, je ne parlerais pas de ces gens-là comme des pro-russes ou des pro-ukrainiens. Il y a des personnes qui ont des droits, politiques, humanitaires et ils ont besoin de pouvoir en jouir.
Par exemple, en Ukraine, jusqu’à aujourd’hui les gouverneurs de toutes les régions sont encore nommés par le pouvoir central. Or, après le coup d’État inconstitutionnel qui a eu lieu à Kiev en février de cette année, la première chose que le nouveau pouvoir a tenté de faire était de supprimer le droit des minorités d’utiliser leur langue maternelle. Cela a provoqué une grande inquiétude chez une grande partie de la population en Ukraine orientale.
Question (Elkabbach) : Et cela vous ne l’avez pas accepté. Mais est-ce que vous dites, président Poutine, que nous sommes rentrés dans une nouvelle phase de la guerre froide, même glaciale entre l’Est et l’Ouest ?
Vladimir Poutine : Premièrement, j’espère qu’il n’y aura pas une nouvelle phase d’une guerre froide. Deuxièmement, et j’insiste là-dessus, les gens, où qu’ils vivent, ont des droits et doivent avoir la possibilité de les défendre. Voilà ce qui est en jeu.
Question (Elkabbach) : Y a-t-il un risque de guerre ? Maintenant, alors que des chars font route depuis Kiev, de nombreuses personnes en France se posent cette question : « Avez-vous été tenté d’envoyer des troupes à l’Est de l’Ukraine ? »
Vladimir Poutine : Il s’agit d’un entretien ce qui suppose des questions courtes et des réponses courtes. Mais si vous êtes patient et me donnez une minute, je vais vous dire comment nous voyons les choses. Voici notre position. Qu’est-ce qui s’est réellement passé là-bas ? Il existait un conflit et ce conflit est survenu parce que l’ancien président ukrainien a refusé de signer un accord d’association avec l’UE. La Russie a une certaine position sur cette question. Nous avons estimé qu’il était en effet déraisonnable de signer cet accord, car il aurait eu un grave impact sur l’économie, y compris l’économie russe. Nous avons 390 accords économiques avec l’Ukraine et l’Ukraine est un membre de la zone de libre-échange au sein de la CEI. Et nous ne serions pas en mesure de poursuivre cette relation économique avec l’Ukraine en tant que membre de la zone de libre-échange européenne.
Nous en avons discuté avec nos partenaires européens. Au lieu de poursuivre avec nous ce débat par des voies légitimes et diplomatiques, nos amis européens et américains ont soutenu une prise du pouvoir armée et anticonstitutionnelle. Voilà ce qui s’est passé. Nous n’avons pas provoqué cette crise. Nous aurions voulu que les choses se passent autrement, mais après le coup d’État anticonstitutionnel – avouons-le, après tout…
Question (Elkabbach coupant Poutine) : Mais on voit tant de tensions dans la vie politique. Pourtant, malgré cela, vous serez en Normandie pour parler de paix alors que Barack Obama continue d’exhorter l’Europe à s’armer.
Vladimir Poutine : Eh bien, il faut continuer de parler de paix, mais il faut comprendre les causes et la nature de cette crise. Le fait est que personne ne devrait être porté au pouvoir par un coup d’État anticonstitutionnel armé, plus particulièrement dans l’espace post-soviétique, où les institutions gouvernementales n’ont pas encore atteint leur pleine maturité. Quand cela s’est produit, certaines personnes ont accueilli avec joie ce régime tandis que d’autres, disons, dans l’Est et le Sud de l’Ukraine ne veulent tout simplement pas l’accepter. Il est essentiel de parler avec ces gens qui n’ont pas accepté cette prise de pouvoir au lieu de leur envoyer des chars, comme vous le dites vous-même, au lieu de tirer à partir d’avions des missiles sur des civils et de bombarder des cibles non militaires.
Question (Bouleau) : Les États-Unis affirment détenir la preuve que, vous, la Russie, intervenez en Ukraine en laissant des combattants franchir la frontière et même en fournissant des armes à ce que les États-Unis appellent des sécessionnistes. Ils disent avoir des preuves. Vous croyez à ces preuves ?
Vladimir Poutine : Preuves ? S’ils ont des preuves, ils n’ont qu’à les présenter. Nous avons vu, et tout le monde a vu, le secrétaire d’État des États-Unis agiter en 2003 au Conseil de sécurité de l’ONU les preuves de détention d’armes de destruction massive en Irak. Ils avaient montré une éprouvette avec une substance inconnue qui était peut-être n’importe quelle poudre…. Finalement, les troupes américaines ont envahi l’Irak, ils ont fait pendre Saddam Hussein, suite à quoi nous avons appris qu’il n’y avait pas, qu’il n’y avait jamais eu en Irak d’armes de destruction massive. Il y a donc une grande différence entre faire des déclarations et avoir des preuves réelles. Je vous le répète : il n’y a pas de militaires russes en Ukraine.
Question (Elkabbach coupant Bouleau et Poutine) : Vous voulez dire que, là, ils sont en train de mentir les Américains ?
Vladimir Poutine : Ils mentent. Il n’y a pas de militaires, aucun instructeur russe dans le sud-est de l’Ukraine. Il n’y en a pas eu et il n’y en a pas.
Question (Elkabbach) : Vous n’avez pas envie d’annexer l’Ukraine ? Et vous n’avez jamais tenté de déstabiliser l’Ukraine ?
Vladimir Poutine : Non. Nous ne l’avons jamais fait et ne le faisons pas maintenant. Et le pouvoir qui est aujourd‘hui en place en Ukraine devrait établir le dialogue avec sa propre population. Et pas à l’aide d’armes, de chars, d’avions et d’hélicoptères, mais en lançant des négociations.
Question (Bouleau) : Le nouveau président ukrainien a été élu le 25 mai par un vote démocratique. Considérez-vous M. Porochenko comme un président légitime ?
Vladimir Poutine : Je vous ai déjà dit et le répète : nous respecterons le choix du peuple ukrainien et nous coopérerons avec les autorités ukrainiennes.
Question (Bouleau) : En d’autres termes, si vous le rencontrez le 6 juin sur les plages de Normandie, et si le président Hollande contribue à rendre possible cette rencontre, vous lui serrerez la main ? Lui parlerez-vous ?
Vladimir Poutine : Vous savez, je n’ai pas l’intention d’éviter quiconque. Le président Hollande m’a gentiment invité à participer à cette commémoration en tant que représentant de la Russie, même si l’événement commémoré fut tragique. C’est avec joie que j’ai accepté son invitation et je suis reconnaissant au Président de m’avoir invité. Il y aura d’autres invités, et je n’en éviterai aucun. Je suis prêt à parler avec chacun d’eux.
Question (Elkabbach) : Mais allez-vous rencontrer M. Porochenko ? Vous avez dit que vous ne travailleriez avec lui qu’à la condition qu’il ne soumette pas totalement à l’influence américaine.
Vladimir Poutine : Je n’ai pas dit qu’il ne doit pas céder à l’influence américaine. Il est libre d’accepter l’influence qu’il désire. Les Ukrainiens l’ont élu et il est libre d’adopter une politique qui lui est propre. S’il choisit d’accepter la forte influence d’un pays tiers, libre à lui. Mais je ne le ferais pas…
Question (Elkabbach coupant Bouleau) : Mais vous acceptez la souveraineté de l’Ukraine et, peut-être, son indépendance entre la Russie et les Occidentaux ? Sa neutralité, son indépendance ? Ça, on peut le dire ?
Vladimir Poutine : Bien sûr, nous reconnaissons la souveraineté de l’Ukraine ! En outre, nous aurions aimé qu’elle se sente elle-même comme un état souverain.
Parce que la participation à un bloc militaire, quel qu’il soit, ou à une structure rigide d’intégration signifie une perte partielle de souveraineté pour ce pays. Maintenant, si l’Ukraine accepte cela et accepte cette perte, c’est son choix. Mais quand nous parlons de l’Ukraine et des blocs militaires, il est évident que cela nous inquiète. Parce que si, par exemple, l’Ukraine rejoint l’OTAN, les infrastructures militaires de cette organisation se retrouvent à côté de nos frontières, et nous ne pouvons y rester indifférents.
Question (Bouleau) : Monsieur le Président, les troupes russes ont récemment annexé la Crimée. Allez-vous jamais la rendre ?
Vladimir Poutine : Il est faux de croire que les troupes russes ont annexé la Crimée. Les troupes russes n’ont rien fait de la sorte. Franchement…
Question (Bouleau coupant Poutine) : Mais la Crimée a été ajoutée à la carte de la Russie, le genre de cartes utilisées à l’école. Elle fait partie de la Russie maintenant. De quoi s’agit-il ? D’une annexion ou d’une réunification ? Quel mot faut-il utiliser ?
Vladimir Poutine : Si vous me permettez de terminer, je pense que vous verrez ce que je veux dire.
Les troupes russes étaient en Crimée en vertu du traité international sur le déploiement de la base militaire russe. Il est vrai que les troupes russes ont aidé la Crimée à organiser un référendum sur leur (a) l’indépendance et (b) son désir de rejoindre la Fédération de Russie. Personne ne peut empêcher ces personnes d’exercer un droit qui est prévu à l’article 1 de la Charte des Nations Unies, le droit des peuples à l’autodétermination.
Question (Elkabbach coupant Poutine) : En d’autres termes, vous ne rendrez pas la Crimée ? La Crimée fait partie de la Russie, c’est ça ?
Vladimir Poutine : Conformément à l’expression de la volonté des personnes qui y vivent, la Crimée fait partie de la Fédération de Russie et de son entité constitutive.
Je veux que chacun comprenne cela clairement. Nous avons mené un dialogue exclusivement diplomatique et pacifique – je veux le souligner – avec nos partenaires européens et américains. Nos tentatives d’organiser un tel dialogue et de négocier une solution acceptable n’ont eu pour toute réponse que leur soutien pour un coup d’État anticonstitutionnel en Ukraine. Nous ne savions donc pas si l’Ukraine ne deviendrait pas une partie de l’alliance militaire de l’Atlantique Nord. Dans ces circonstances, nous ne pouvions pas permettre qu’une partie historique du territoire russe avec une population majoritairement russe puisse être intégrée dans une alliance militaire internationale, en particulier parce que la Crimée voulait faire partie de la Russie. Je suis désolé, mais nous ne pouvions pas agir autrement.
Question (Elkabbach) : François Hollande vous a invité en France, à Paris et en Normandie. Vous le connaissez très bien. Pouvons-nous aller plus loin et dire qu’il existe entre vous une relation de confiance ?
Vladimir Poutine : Oui, je le pense.
Question (Elkabbach) : Le pensez-vous ou en êtes-vous sûr ?
Vladimir Poutine : Je l’ai toujours pensé. Je n’ai pas de raison de penser le contraire. Nous avons de très bonnes relations interétatiques, mais nous avons encore beaucoup à faire pour promouvoir nos relations économiques. Mais nos relations personnelles ont toujours été fondées sur la confiance, ce qui aide également sur le plan professionnel. J’espère que cela continuera.
Question (Bouleau) : Vous parlez de relations basées sur la confiance — à la fois pour ce qui est de la défense et de l’économie.
Vous avez acheté (et même payé) plus d’un milliard d’euros deux porte-hélicoptères Mistral à la France et des marins russes doivent arriver à Saint-Nazaire dans quelques jours, quelques semaines. Est-ce que vous allez autoriser ces marins russes à aller en France dans quelques jours ?
Vladimir Poutine : Oui, bien sûr. J’espère que nous vivons dans un monde civilisé et tout le monde respecte ses obligations contractuelles. J’ai beaucoup entendu parler de l’opinion qui a été exprimée selon laquelle la France ne devrait plus nous vendre ces bâtiments. Et à cela je peux vous dire qu’en Russie également il y a eu beaucoup d’opposants à ce contrat. Si la France décide d’annuler ce contrat – elle peut le faire – nous exigerons alors un dédommagement. Mais cela ne contribuera pas positivement au futur développement de nos relations dans le domaine de coopération technique et militaire. Mais en principe, nous sommes ouverts à la coopération, éventuellement à signer de nouvelles commandes si nos partenaires français souhaitent continuer la coopération.
[Passage coupé] [Note OB. : merci pour les habitants de St-Nazaire]
Question (Elkabbach coupant Poutine) : En dépit des pressions externes, vous avez commandé à la France ces navires d’assaut – et si la France les livre, vous pourriez en commander d’autres, n’est-ce pas ?
Vladimir Poutine : Nous attendons de nos partenaires français qu’ils s’acquittent de leurs obligations contractuelles, et si tout se passe comme convenu, nous n’excluons pas la possibilité de nouvelles commandes, et pas nécessairement dans la construction navale, elles peuvent concerner d’autres secteurs. Dans l’ensemble, nos relations dans ce domaine se développent favorablement, et nous aimerions continuer à les renforcer, dans l’aviation, la construction navale et d’autres secteurs. Nous avons une expérience de coopération réussie dans l’exploration spatiale, au Centre spatial guyanais près de Kourou.
Question (Elkabbach) : La France est-ce qu’elle est pour vous une puissance souveraine, indépendante qui est écoutée ? Il y a l’Allemagne. Vous parlez le russe et l’allemand avec Mme Merkel. François Hollande ne parle aucune des deux langues, est-ce que vous pouvez vous comprendre ? Est-ce que la France a ce statut ?
Vladimir Poutine : La langue n’est pas une barrière, le fait que je ne parle pas français ne nous empêche pas, François Hollande et moi, de dialoguer. Nous avons des interprètes si besoin et, en général, nous pouvons toujours très bien nous comprendre.
Pour ce qui concerne la souveraineté, je répèterai : un pays qui rejoint une organisation militaire consent à céder une partie de sa souveraineté à une institution supranationale. Pour la Russie cela est inacceptable, pour les autres pays, à eux de décider, cela ne nous regarde pas. Mais cela me rappelle la France, la tradition gaulliste, de Gaulle qui était un défenseur de la souveraineté française et qui, selon moi, mérite du respect. Un autre exemple est celui de François Mitterrand qui parlait d’une Confédération européenne où, d’ailleurs, même la Russie pourrait participer. Je pense que rien n’est encore perdu en ce qui concerne le futur de l’Europe.
Question (Bouleau) : Je voudrais qu’on parle des États-Unis. Dans quelques jours vous serez à côté à quelques mètres de Barack Obama. Apparemment, il ne souhaite pas vraiment vous parler. Comment les choses vont-elles se passer entre deux des plus grandes puissances du monde ? Le pays le plus riche du monde, les États-Unis, et de très loin le pays le plus grand, le plus vaste du monde, le vôtre. On image mal que vous ne parliez pas l’un avec l’autre, d’autant plus qu’on a un besoin impérieux puisque la guerre n’est pas très loin à quelques centaines de kilomètres d’ici.
Vladimir Poutine : D’abord, je pense que vous exagérez un peu en disant qu’une guerre approche. Vous êtes un peu agressif comme journaliste, pourquoi pensez-vous qu’une guerre approche ? Pourquoi essayez-vous de faire peur à tout le monde ?
Question (Elkabbach coupant Poutine) : Parce que l’Ukraine n’est pas loin d’ici.
Vladimir Poutine : Et alors ?
Question (Elkabbach) : C’est là qu’il y a la guerre. (pointant vers l’Ukraine) Et quand il (l’autre journaliste) mentionne la guerre, elle est là.
Vladimir Poutine : Ce n’est pas une guerre, mais une opération de représailles que mène le pouvoir de Kiev contre cette partie de sa population. Il ne s’agit pas d’une guerre entre États, il y a là une grande différence…
Question (Elkabbach coupant Poutine) : Mais cela doit cesser ? Cette opération punitive pour vous, Vladimir Poutine, elle doit cesser, vite ?
Vladimir Poutine : Je pense que M. Porochenko a une chance unique : pour l’instant ses mains ne sont pas tachées de sang, et il peut suspendre cette opération punitive et commencer un dialogue direct avec ses propres citoyens à l’Est et au Sud de son pays.
Quant à mes relations avec M. Obama – je n’ai pas oublié votre question –, je n’ai aucune raison de penser qu’il ne souhaite plus du tout communiquer avec le président de la Russie. Mais c’est à lui de décider après tout. Je suis toujours prêt pour le dialogue, car le dialogue est le meilleur moyen de se comprendre. Jusque-là nous étions toujours en contact, nous avons régulièrement parlé au téléphone…
Question (Bouleau) : La Russie et les États-Unis connaissent des difficultés. S’agit-il d’un différend entre deux puissances ou deux personnes, entre Barack Obama et Vladimir Poutine ?
Vladimir Poutine : Il existe toujours des tensions entre pays, plus particulièrement avec des pays aussi vastes que la Russie et les États-Unis. Des problèmes se posent toujours, mais je ne pense pas que nous devrions aller à l’extrême. En tout cas, ce ne serait pas notre choix. Je suis toujours prêt à parler à l’un de mes partenaires, y compris le président Obama.
Question (Elkabbach) : Alors vous êtes prêt à discuter et vous regrettez ce qui se passe ? Mais ne pensez-vous pas que les États-Unis tentent d’encercler la Russie, pour vous affaiblir en tant que dirigeant et peut-être vous isoler du reste du monde ? Vous êtes très diplomatique maintenant, mais vous connaissez les faits.
Vladimir Poutine : Les faits ? Vous l’avez dit vous-même : la Russie est le plus grand pays dans le monde. Il est très difficile de l’encercler et le monde change si vite que ce serait essentiellement impossible, même en théorie.
Bien sûr, nous pouvons voir les tentatives des États-Unis qui font pression sur leurs alliés en utilisant leur position dominante évidente dans la communauté occidentale, dans le but d’influer sur la politique de la Russie.
La politique de la Russie est fondée uniquement sur ses intérêts nationaux. Bien sûr, nous prenons les opinions de nos partenaires en compte, mais nous sommes guidés par les intérêts du peuple russe.
Question (Bouleau) : M. le président, il est heureux d’une certaine manière que vous ayez affaire le 6 juin à Barack Obama. Si vous aviez affaire à Hillary Clinton, les choses tourneraient peut-être mal : elle a dit, il y a quelques jours, que ce que faisait la Russie en ce moment en Europe centrale ressemblait à ce qu’Hitler faisait dans les années 30. Vous avez pris cela comme une injure suprême en tant que citoyen et président russe ?
Vous savez, avec les femmes, mieux vaut ne pas s’entêter, et mieux vaut ne pas entrer avec elles dans des altercations verbales.
[Vous savez, avec les femmes, mieux vaut ne pas s’entêter, et mieux vaut ne pas entrer avec elles dans des altercations verbales.]
Vladimir Poutine : Vous savez, il vaut mieux de ne pas trop se chamailler avec une femme. [sourire – à 13’55] Et Mme Clinton, même auparavant, ne se distinguait pas par une exceptionnelle élégance de ses propos. Mais ce n’est pas très grave, nous nous rencontrions quand même lors des différents évènements internationaux après [ses propos] et avions de paisibles conversations. Et je pense que même dans ce cas-ci, il serait possible de s’entendre. Mais lorsque les gens franchissent certaines frontières – les frontières de la bienséance -, cela démontre non pas leur force, mais leur faiblesse. Mais après tout, [geste d’ indulgence avec ses épaules], pour une femme, la faiblesse, ce n’est pas le plus mauvais des défauts [sourire].
Donc Mme Clinton, ancienne chef de la diplomatie américaine et candidate à la succession d’Obama, a la débilité crasse de comparer à Hitler le chef d’État du pays qui a battu Hitler, au prix de 25 millions de morts (ce qu’elle ne ferait pas du Premier Ministre israélien, j’imagine). Poutine aurait dû protester avec véhémence à ce stade (le terme « grosse conne » aurait été approprié à mon sens, mais il a dû hésiter…), mais il a choisi une pirouette d’humour russe.
Comme il semble assez logique (si, si, réfléchissez) de penser qu’il ne pense pas vraiment qu’il ne faut pas discuter avec les femmes (je rappelle que le Sénat Russe est présidé par une femme – Valentina Matvienko – prévoir un délai pour la France…), il est clair qu’il fait une boutade, et que « chamailler » est le bon terme… Que le traducteur se trompe sur le moment, cela se comprend, mais comme l’interview était enregistrée, cette erreur aurait du être corrigé, car il est évident que cette petite phrase ferait réagir… Ce qui n’a pas manqué, les médias s’étant jeté dessus comme la vérole sur le bas-clergé… Mission accomplie, on n’a presque pas parlé de ses propos – cf Libération ou ci-après… Notons que France Télévision emploie « se disputer », ce qui est bien plus correct…]
Question (Elkabbach) : Il faut respecter les femmes, bien sûr, et je suis certain que vous les respectez. Mais vous pensez qu’elle est allée loin ? Il y a beaucoup de caricatures des dirigeants du monde et sur vous aussi, vous n’êtes pas épargné. Votre première réaction spontanée, c’est la colère ? Une certaine maîtrise de vous, l’envie de punir ? Ou peut-être un jour de rire ? On ne vous a jamais vu rire.
Là, il raconte une blague :
Vladimir Poutine : Oh, je ne voudrais pas vous priver de ce plaisir et je pense qu’un jour nous pourrions avoir l’occasion de rire ensemble d’une bonne plaisanterie. Mais quand j’entends des déclarations de ce genre qui dépassent un peu les limites, j’en conclus que les gens n’ont simplement plus d’arguments. Les déclarations de ce genre ne sont pas un très bon argument.
En ce qui concerne la politique des États-Unis, ce n’est un secret pour personne que le pays qui mène la politique internationale la plus agressive, la plus dure, pour défendre ses intérêts comme ses dirigeants les voient, ce sont les États-Unis. Et ce depuis de nombreuses années.
Nous n’avons pratiquement pas de présence militaire à l’étranger alors que les bases de l’armée américaine sont présentes sur toute la planète. Et partout où ils sont, ils décident activement du sort des autres peuples, à des milliers de kilomètres de leurs frontières. Alors, nous reprocher de ne pas respecter des règles me semble un peu étrange de la part de nos interlocuteurs américains.
Question (Elkabbach) : Mais vous avez fait des efforts en matière de budget militaire. Est-ce que, en ce moment, le président de la Russie, le président Poutine prend des décisions particulières sur la sécurité et la défense, parce que le climat est dangereux ?
Vladimir Poutine : Oui, en ce qui concerne les budgets militaires tout le monde ne le sait pas – sauf peut-être quelques spécialistes – mais le budget militaire des États-Unis est plus élevé que les budgets de tous les autres pays du monde pris ensemble. Et qui mène une politique agressive alors ? En ce qui concerne notre budget militaire : en termes de pourcentage du PIB, il n’augmente pratiquement pas, de quelques dixièmes de pour cent peut-être. Il est vrai que nous souhaitons rééquiper notre armée et notre flotte avec des technologies de pointe, réduire la quantité et améliorer la qualité. Nous avons tout un programme de rééquipement qui ne date pas d’hier, mais qui n’a aucun lien avec les évènements en Ukraine, c’est un projet à long terme que nous allons poursuivre.
Question (Bouleau) : M. le président, le président syrien Bachar el-Assad vient de s’offrir une nouvelle réélection sans suspense. Vous avez de l’influence sur lui. Pourquoi ne lui demandez-vous pas d’arrêter les atrocités que son armée commet et d’arrêter de s’acharner sur son peuple ?
Vladimir Poutine : Saviez-vous que toutes les parties du conflit commettent des atrocités et que les organisations extrémistes, qui sont désormais très nombreuses, ne sont pas en dernière place ? Mais plutôt à la première sur ce point. Mais savez-vous ce qui nous inquiète le plus ?
Question (Elkabbach coupant Poutine) : Religieuses, extrémistes, islamistes?
Vladimir Poutine : Oui, tout à fait. Ce sont des organisations liées directement à Al-Qaïda et il y en a une multitude. Personne n’essaie même plus de démentir cela. C’est un fait connu de tout le monde. Ce qui nous inquiète le plus, c’est que si nous agissons avec trop d’imprudence, la Syrie peut devenir une sorte de deuxième Afghanistan, un nid de terroristes totalement incontrôlable. D’ailleurs, c’est une menace pour les États européens également, parce que les extrémistes présents maintenant en Syrie vont se rendre un jour dans d’autres pays, y compris ceux d’Europe.
Question (Elkabbach) : Ce qu’on ne comprend pas c’est pourquoi vous, Vladimir Poutine qui voulez moderniser la Russie, vous continuez à soutenir, peut-être à donner des armes, à quelqu’un qui continue à massacrer son peuple et qui est comme Macbeth les mains couvertes de sang ? Comment ça se fait ? Et jusqu’à quand ?
Vladimir Poutine : Je vous donnerai une explication courte et facile à comprendre. Et je pense que la plupart des téléspectateurs et des auditeurs français me comprendront. Ce que nous craignons avant tout, c’est le démembrement de la Syrie à l’image de ce qui s’est produit au Soudan. Nous craignons que la situation y devienne similaire à celle que nous voyons aujourd’hui en Irak. Et nous craignons également que la Syrie devienne une sorte de nouvel Afghanistan. C’est pourquoi nous tenons à y conserver le pouvoir légitime, pour ensuite progressivement, avec la participation du peuple syrien et de nos partenaires européens et américains, réfléchir sur la façon de réformer cette société pour la moderniser et l’humaniser.
Question (Bouleau) : Je voudrais vous poser une question sur votre pays, la Russie. Comment décririez-vous son régime politique actuel ? Certains le décrivent comme une Démocratie, tandis que d’autres affirment que la Russie est tellement vaste qu’elle a besoin d’un homme à la poigne de fer. Comment Vladimir Poutine définit-il le régime de Poutine ?
Vladimir Poutine : Le régime actuel n’est pas lié à une personne en particulier, y compris le président sortant. Nous avons des institutions politiques démocratiques habituelles, même si elles reflètent les besoins de la Russie. Lesquels ? L’écrasante majorité des citoyens russes ont tendance à compter sur leurs traditions, sur leur histoire et, si je puis dire, leurs valeurs traditionnelles. Je vois cela comme le fondement et un facteur de stabilité pour l’État russe, mais rien de tout cela n’est lié au Président en tant qu’individu. En outre, il convient de rappeler que nous n’avons commencé à introduire ces institutions démocratiques habituelles que récemment. Elles continuent d’évoluer.
Question (Bouleau) : Est-il possible d’être un opposant en Russie sans mettre en danger ses relations et sa réputation ou éviter la sanction du système judiciaire russe ?
Question (Elkabbach) : Monsieur le Président, est-ce qu’on peut s’opposer à vous en Russie sans risque ?
Vladimir Poutine – Mais nous avons plein d’opposants, de nombreux partis d’opposition, nous avons tout récemment libéralisé la création de nouveaux partis politiques. D’ailleurs, plusieurs dizaines de partis sont apparus, ils ont participé aux élections municipales ou régionales.
[Passage coupé]
Question (Elkabbach) : Monsieur le Président, est-ce qu’on peut s’opposer à vous en Russie sans risque ?
Vladimir Poutine : Si vous écoutez certaines de nos stations de radio ou regardez certaines de nos émissions de télévision, je vous assure que vous avez peu de chance de trouver quelque chose de semblable à ce genre d’opposition en France.
Question (Elkabbach) : Il y a toujours eu dans la période de la Russie, avec les tsars ou après, l’ordre et l’autorité. Est-ce qu’à l’époque d’Internet, un pays peut s’épanouir sans avoir toutes les libertés ?
Vladimir Poutine – Non, ce n’est pas possible. Et, d’ailleurs nous ne limitons pas Internet. Quoi qu’on fasse il se trouve tout de suite quelqu’un qui commence à chercher des violations de principes démocratiques. Y compris pour ce qui est d’Internet. Avons-nous limité Internet ? Non, à mon avis. Certains de nos contradicteurs vont affirmer cela, dire qu’il existe des limitations intenables. Lesquelles ? Par exemple, nous avons une interdiction de propagande du suicide et des méthodes de suicide, de l’utilisation de stupéfiants, de pédophilie – voilà nos interdictions. Qu’y a-t-il d’exagéré ?
Question (Bouleau coupant Poutine) : Et de l’homosexualité qui est une chose très distincte de la pédophilie. La propagande en faveur de l’homosexualité a été interdite…
Vladimir Poutine : Non, ce n’est pas le cas. Nous n’avons pas de loi interdisant l’homosexualité, nous interdisons la promotion de l’homosexualité auprès d’un public de mineurs, ce sont deux choses tout à fait distinctes. Comprenez-vous ? Par exemple, certains États des États-Unis ont des lois, qui punissent pénalement les relations homosexuelles. Nous n’avons pas de peines de ce genre. Seulement quand il s’agit de propagande destinée à des mineurs, nous avons le droit de défendre nos enfants et nous allons le faire.
Question (Bouleau) : M. le président, j’aimerais qu’on parle de libertés publiques en Russie. Est-ce que, d’ici la fin de votre mandat en 2018, vous avez l’envie de fermer les camps de travail ? Il y a des gens dans ce pays qui sont condamnés non seulement à une peine de prison, mais à des camps de travail ce qui nous, en Occident, nous étonne. Les Pussy Riot, par exemple, ont été condamnées, me semble-t-il, à deux années de camp de travail avant que vous ne fassiez en sorte qu’elles ne soient libérées. Ce n’était pas une prison normale. Est-ce que vous allez fermer ces camps ?
Vladimir Poutine : Écoutez. Il ne s’agit pas de « camps » à proprement parler. Il s’agit d’endroit où les personnes sont, en effet, privées de liberté, mais peuvent mener une vie plus ou moins normale. Ce ne sont pas des prisons, où la personne, au contraire, n’a pas la possibilité de travailler. Une prison où l’individu ne peut pas travailler est justement la pire punition, et je ne pense pas que tous les condamnés doivent être placés dans ce type d’établissement. Je pense que c’est encore pire que les établissements que vous mentionnez.
Question (Elkabbach) : Qui vous a convaincu un jour que vous aviez une mission pour la Russie ? Que vous étiez destiné à vous occuper de la Russie ?
Vladimir Poutine : Pourquoi êtes-vous persuadé que je pense avoir une mission particulière ? J’ai la confiance de mes électeurs. Plus de 63 % ont voté pour moi. Je pense avoir le mandat me permettant de gérer la politique intérieure et extérieure de mon pays, et je travaillerai conformément à ce mandat.
Question (Elkabbach) — Avez-vous un modèle dans l’histoire de la Russie ? Êtes-vous guidé par la politique soviétique ou la politique russe ?[Note OB : mais pourquoi ne demande-t-il pas s’il est guidé par la politique nazie – pour être bien sûr… ?]
Vladimir Poutine — J’ai un grand amour et respect pour l’histoire et la culture russes. Mais le monde change, tout comme la Russie. La Russie est une partie du monde moderne, pas du passé, mais plutôt du monde moderne. Et je crois qu’elle jouera un rôle encore plus important à l’avenir que d’autres pays qui ne prennent pas soin de leurs jeunes, des nouvelles générations, de leurs enfants, et qui pensent qu’ils peuvent simplement se contenter du laisser-faire.
Question (Bouleau) : Et la dernière question, Monsieur le Président. En 2013, [le magazine] Forbes vous a classé comme la personne la plus puissante dans le monde. Avez-vous été flatté par ce titre ?
Vladimir Poutine — Vous savez, je suis adulte et je sais ce que signifie le pouvoir dans le monde moderne. Dans le monde moderne, la puissance est principalement définie par des facteurs tels que l’économie, la défense et l’influence culturelle. Je crois que sur le plan de la défense, la Russie est sans aucun doute l’un des chefs de file parce que nous sommes une puissance nucléaire et que nos armes nucléaires sont peut-être les meilleures dans le monde.
Quant à l’économie, nous sommes conscients que nous avons encore beaucoup à faire avant d’atteindre le sommet. Bien que, ces derniers temps, nous ayons fait d’énormes progrès et que nous soyons désormais la cinquième économie dans le monde par sa taille. C’est un succès, mais nous pouvons faire mieux.
Question (Elkabbach) : Vladimir Poutine, l’Histoire ne sait pas encore ce qu’elle retiendra des années Poutine. Elle attend et ces années s’écrivent. Qu’est-ce que vous voulez qu’il reste ?
Voulez-vous qu’on se souvienne de vous comme d’un dirigeant démocratique ou autoritaire ?
Vladimir Poutine : Eh bien, je voudrais être considéré comme quelqu’un qui a fait son maximum pour le bonheur et la prospérité de son pays et de sa nation.
Question (Elkabbach et Bouleau) : Merci beaucoup de nous avoir reçus tous les deux. Bon voyage en France ! Au revoir.
Vladimir Poutine : merci.
Note
« Et ce qui est aussi frappant, dans la préparation de l’entretien, c’est que, autant ils ont été très regardants sur le nombre de minutes, le fait qu’ils ne voulaient pas que les réponses soient coupées – Poutine est très exigeant là-dessus, il ne veut qu’aucune réponse soit coupée, il ne veut aucun montage, il ne veut pas qu’on travestisse ses propos -, en revanche, quand on lui a dit “nous journalistes français, habitués à dire ‘Pour les thèmes, voilà comment on imagine les choses’…”, on nous a dit “Pas de problème pour les thèmes, apprenez vos dossiers, parce que lui, il les connait, donc pas la peine de nous donner les questions à l’avance, de toute façon, il saura y répondre. Ça aussi, ça nous a beaucoup étonné, par rapport à ce qu’on pouvait attendre de lui, à ce qu’on pouvait imaginer. »
Fabien Namias, directeur général d’Europe 1
Source : les-crises.fr, Olivier Berruyer
Traduction : Patrick pour les-crises.fr
05/06/2014
P.S. : À reprendre en entier sur vos blogs, diffuser, propager comme bon vous semblera – c’est copyleft…