Par Frédéric Malaval, essayiste, auteur de Vers l’EcoHumanisme ♦ La crise du Covid-19 est loin d’être terminée. L’épidémie s’étend dans le monde entier et les conséquences directes et indirectes seront nombreuses en Europe dans les mois à venir. Mais il est déjà possible de tirer des enseignements de cette grande crise sanitaire. Dans une série de textes, Frédéric Malaval analyse la situation avec un regard écologique. Voici le quatrième texte de cette série.
Polémia
Le virus sont vulnérables, mais invincibles
Êtres fragiles par nature, les virus rencontrent deux obstacles majeurs dans leur ‘existence‘: l’air libre et le système immunitaire des hôtes.
L’immense majorité de ces germes redoutent la vie au grand air. Aussi, leur temps de présence dans l’air que nous respirons est plus ou moins long. L’air est constitué à +/- 20 % d’oxygène pur dont le pouvoir oxydatif les carbonise. Ils n’y survivent que protégés par un miasme, une squame, une selle, une goutte d’eau, etc. Une population-hôte peu dense est donc plus à l’abri de leur action délétère que des populations à la répartition serrée.
Le deuxième obstacle à la diffusion de ces germes est le système immunitaire des organismes susceptibles de permettre leur duplication. Une fois identifiés, celui-ci détruit ces germes n’ayant alors plus le temps de les utiliser comme vecteur. La diffusion de ces germes est alors bridée.
La première réaction perceptible du système immunitaire est d’augmenter la température du corps. Structure protéinique dont la conformation dépend de liaisons électro-chimiques très sensibles à la chaleur, les virus sont détruits par une augmentation de température supportable pour un organisme homéotherme. Ce chiffre est connu: 40°C +/-. Ainsi, l’augmentation de la température corporelle basale due à un exercice physique soutenu est mauvaise pour les virus. Un effort augmente de 2 à 3 degrés cette température. Une fois atteint, le processus de transpiration maintient le corps à une température supportable pour ses protéines constitutives. Au-dessus, elles seraient déstructurées, elles aussi. La fièvre, sans avoir fait d’effort avant, est le signe d’une infection virale.
Ces deux obstacles essentiels pris en compte, il est aisé de comprendre le rôle que ces germes jouent dans la dynamique des populations. Ils permettent leur maintien à des seuils de densité sanitairement viables en éliminant les individus ‘fragiles’.
La prédation, garante de la bonne santé des populations
Dans la Nature, ce rôle, globalement, est dévolu à la prédation. Ainsi, les écologues ont souligné le rôle des requins dans l’hygiène de l’océan, qui en dévorant systématiquement les individus faibles et malades les extraient de leur population et ainsi contribuent à son hygiène en ne conservant que des individus utiles à la perpétuation des lignages. Comme espèce archaïque, les requins sont dotés de systèmes immunitaires très efficaces leur permettant de consommer des proies infectées. Or, une des spécificités écologiques des humains est d’être à l’abri de ces phénomènes de prédation. Nos maternités, nos maisons de retraite et nos hôpitaux sont rarement attaqués par des fauves. Il est donc peu probable, dans toutes les parties du monde, qu’un humain termine sa vie dévoré par un prédateur, ceci indépendamment de son âge ou de son état sanitaire.
Les biologistes ont depuis longtemps alerté sur les conséquences de la disparition des requins, cela engendrant une fragilisation des populations de leurs proies qui par rétroaction entraîne une baisse de la qualité et de la quantité des poissons pêchés pour la consommation humaine. L’exemple du requin a été choisi présentement, mais cette approche est valable pour toute forme de prédation. A court terme, le maintien dans une population d’individus ‘fragiles’ met en péril des individus viables et finalement toute la population.
Brochets et gardons
La volonté d’éliminer les virus est patente. Envisagé comme une menace, c’est une réaction ‘humaine’ moralement nécessaire. Or, l’Ecologie montre que cela serait fatal pour ces humains, comme il est fatal que le prédateur d’une proie disparaisse.
Interrogé sur la gestion d’un étang, un écologue avait donné l’exemple de la relation pêcheurs, gardons, brochets pour souligner les contributions de l’Ecologie à des situations très concrètes. Souhaitant pêcher uniquement les gardons dans cette pièce d’eau, les pêcheurs avaient estimé opportun d’éliminer les brochets. Conséquence ; baisse de la population des gardons au mécontentement final des pêcheurs. L’écologue sollicité leur conseille alors de réintroduire des brochets. Ce qu’ils font malgré leur étonnement. Et la population de gardons retrouve sa prospérité…
Même situation avec les cerfs quelque part aux USA. Éliminer les loups devait favoriser la population des cerfs au profit des chasseurs ayant plus de gibiers dans leurs mires. Conséquence, les cerfs périclitent. Solution: laisser revenir les loups pour que la population de cerfs retrouve sa splendeur.
On pourrait multiplier à l’infini de tels exemples où l’élimination d’un organisme exerçant une pression sur une population entraîne en fin de compte sa disparition. Très schématiquement, en l’absence du prédateur, les proies se multiplient maintenant en leur sein des individus ‘fragiles’, exerçant eux aussi une pression sur les ressources obérant la capacité reproductive de la population, l’amenant finalement à sa perte. C’est l’asélection naturelle.
C’est un schéma fondamental de l’Écologie. Une pression sur une population quelle qu’elle qu’elle soit favorise paradoxalement son dynamisme. On évitera d’évoquer toutes les civilisations ‘riches’ ayant succombé à leur prospérité.
Hygiène écologique et valeur écosystémique
Les explications sont connues. En maintenant dans une population des individus n’ayant aucune fonction écosystémique, celle-ci est fragilisée. La consommation des ressources est surdimensionnée sans contre-partie écosystémique, détruisant finalement le milieu dans lequel cette population prospère qui conséquemment s’affaiblit alors ou disparaît si aucun évènement salutaire vient rétablir les équilibres écologiques. La concurrence des individus sans ‘utilité écosystémique ‘fragilise’ la dynamique des individus ‘sains’. Là est le fond de la pensée écologiste face à un modèle politique ayant conduit à une démultiplication de la population humaine surconsommant son capital naturel pour exister et artificialiser à l’excès les écosystèmes pour s’extraire des déterminismes naturels. Or, les époustouflantes performances de la médecine contemporaine permettent de maintenir en vie des individus qui hier auraient succombé à la maladie ou à la vieillesse. A cela s’ajoute la présence durable de migrants dotés d’appareils immunologiques étrangers aux déterminismes écosystémiques animant nos territoires. La relation aux virus est à ce titre exemplaire.
Les biologistes s’intéressent particulièrement à ce qu’ils qualifient de charge virale, c’est-à-dire la quantité de virus actifs à l’instant. Plus cette quantité est importante, plus les systèmes immunitaires sont débordés, même ceux des individus les plus performants immunologiquement. Par une analogie facile, cette situation est comparable à celle d’une bataille. Une armée de 10 000 hommes peut résister à une attaque de 20 000 à 30 000 hommes. Mais si ces derniers sont trop nombreux, les défenseurs seront submergés quelles que soient leurs qualités guerrières. La saturation des défenses est une tactique très répandue chez les attaquants.
Fonction écologique du virus
Paradoxalement en se diffusant et en tuant les individus fragiles infectés, les virus se condamnent à terme car ils vont rencontrer des systèmes immunologiques de plus en plus performants. De surcroît, comme leur conformation ne cesse de se transformer, un jour ou l’autre une souche émergente n’est plus en phase avec la population-hôte que ses ‘aïeux’ avaient l’habitude de parasiter. Hasard ou nécessité, la nouvelle souche ne peut alors prolonger son existence qu’en parasitant un autre hôte… ou disparaît.
Laisser vivre des individus virosensibles contribue à l’entretien de l’épidémie. Dans la Nature, la mort rapide des individus infectés bloque l’épidémie assez vite. Mais l’humain est ainsi fait qu’il met tout en œuvre pour retarder cette issue, entretenant ainsi les conditions de diffusion des virus.
Les savants s’occupant de ces questions ont aussi averti qu’en termes évolutionnistes conserver artificiellement en vie des individus que les virus auraient condamnés obère l’amélioration du système immunitaire de la population. Nous rappelons qu’en écologie, une population réunit des individus semblables, c’est-à-dire ayant une grande proximité génétique et phénotypique les différenciant d’autres lignages. S’opposer à une épidémie revient en quelque sorte à brider l’amélioration de l’Homme et l’empêcher de devenir un Être aussi accompli immunologiquement que les serpents ou les requins…, dans plusieurs millions d’années !
Dans d’autres lignes avait été évoquée la situation des isards d’une réserve de chasse des Pyrénées (« L’Humanisme, c’est la Guerre (V/VI) », Polémia, février 2017). A l’abri des chasseurs et des prédateurs, ceux-ci sont périodiquement affectés par une maladie, – chaque fois différente -, qui replace la population dans des conditions écosystémiquement viables. Il en est ainsi partout. Les germes, et en particulier les virus, participent salutairement à la dynamique des populations en limitant leur taille et en éliminant les individus les plus sensibles aux infections qu’ils provoquent.
La conclusion de cette approche, très brève, sur le rôle écologique des virus est que ceux-ci ont une importance vitale pour l’hygiène des populations humaines, leur viabilité écologique et leur évolution.
En résumé, les virus sont utiles à l’Humanité…, sur le long terme. C’est muni de cette vision que se pose la question du traitement des épidémies sur une planète dont la population humaine a plus que triplé le temps d’une vie. Et cela ne serait pas fini !
La fin d’une épidémie
Une épidémie s’arrête lorsque la densité de la population est revenue à des niveaux créant une distance létale de diffusion pour les germes entre les individus potentiellement hôtes et quand les plus immunodépressifs sont morts.
En combattant les virus, paradoxalement, cela risque à terme de fragiliser tous les écosystèmes, qu’ils soient naturels ou anthropiques jusqu’à menacer leur existence. Aussi, il est réjouissant de savoir que les virus sont à l’abri des mesures les plus drastiques. Êtres faibles et vulnérables, leur pérennité est due à une vitesse de mutation extraordinaire. Alors que le lignage d’un mammifère se déploie sur plusieurs millénaires, un virus a quelques mois pour se perpétuer avant que le système immunitaire de son hôte ait appris à l’éliminer. C’est dans le changement perpétuel qu’il se pérennise.
Il ne sert donc à rien de lutter contre les virus pour bloquer une épidémie. Si les conditions sont réunies, un jour ou l’autre une nouvelle épidémie fera ce travail d’hygiène de la population-hôte. La solution est ailleurs. S’imprégner des principes de fonctionnement des écosystèmes permet d’envisager d’autres issues.
Frédéric Malaval
31/07/2020