Par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia ♦ Transgression est le titre du livre que viennent de publier Pierre Cassen et Bernard Germain, deux anciens trotskystes, pour expliquer leur passage du « camp du bien » au « camp du mal ». Un livre à lire pour comprendre. Jean-Yves Le Gallou – qui n’est évidemment pas trotskyste – a préfacé l’ouvrage des deux vainqueurs de la bataille de Callac où les immigrationnistes ont été mis en échec. Nous mettons ce texte à la disposition de nos lecteurs.
Polémia.
J’ai croisé bien des trotskystes dans ma vie politique.
Ce ne fut pas toujours sympathique.
Je pense au lambertiste Jean-Christophe Cambadélis, auteur du Manifeste contre le Front National (1990). J’ai rencontré ses sbires sur de nombreux marchés et lors du congrès de Strasbourg du Front national en 1997. Le « harcèlement démocratique » fut un grand succès politico-médiatique par la mise en œuvre d’une méthode simple : des nervis attaquent une manifestation du Front National, les manifestants se défendent et se protègent et les médias diabolisent… l’agressé. Imparable !
Je pense aussi à Julien Dray, l’un des plus beaux produits de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). Rallié à François Mitterrand, il créa SOS Racisme. Cette association fut un chef d’œuvre d’efficience.
Sa recette ? Un volume de subventions inversement proportionnel au nombre d’adhérents. Pas de militants, juste des communicants. Dray fut aussi à la manœuvre en 1986 : il organisa l’agitation de rues qui déboucha sur la mort de Malik Oussékine et le retrait des projets de lois de réforme de l’université et du code de la nationalité. Une reculade dont feu la droite parlementaire ne s’est jamais remise. J’ai assidument fréquenté Julien Dray au conseil régional d’île-de France de 1998 à 2004 : il était en charge de la politique de la ville et nous ferraillions alors sur les politiques de l’immigration et du logement (c’était un peu pareil) et les subventions aux associations. Aujourd’hui, Julien Dray accommode ses restes de révolutionnaire professionnel en faisant des ménages sur CNews. Et le farouche immigrationniste reconnaît – il n’est jamais trop tard – que l’immigration pose quelques problèmes. Depuis son fauteuil de politiste de plateau, le loup s’est fait agneau et l’incendiaire se verrait bien pompier.
Pierre Cassen, lui, n’a pas attendu la retraite pour sonner le tocsin. Typographe – l’aristocratie ouvrière d’hier qui connaissait mieux le français que les bacs + 7 d’aujourd’hui –, c’est un homme de gauche. Militant LCR, délégué syndical CGT, il a compris dans les années 2000 que la gauche trahissait ses idéaux. Que l’immigration faisait les choux gras du patronat en pesant sur les salaires à la baisse. Et que l’islam charriait la soumission et menaçait la liberté de pensée. Vous connaissez la formule de Charles Péguy : « il est difficile de dire ce que l’on voit et encore plus difficile de voir ce que l’on voit ». Avec la féministe Christine Tasin de Résistance républicaine, il a ouvert les yeux et son cœur, vu ce qu’il voyait et dit ce qu’il voyait. Une formidable transgression qui l’a conduit du « camp du bien » au « camp du mal ». Un camp qu’il a rejoint en organisant avec les Identitaires un fameux apéro-saucisson-pinard en haut des Champs-Élysées en juin 2010. Succès médiatique et diabolisation furent au rendez-vous. Récidive en décembre avec les Assises de l’islamisation en présence du suisse Oskar Freyssinger et du grand écrivain Renaud Camus. Tous deux ayant rejoint eux aussi depuis peu le « côté obscur de la force ».
Je ne connais Bernard Germain que par le téléphone et l’échange épistolaire. Il est, lui, issu des rangs lambertistes et je suis admiratif du travail qu’il a accompli avec Pierre Cassen pour s’opposer sur le terrain à l’implantation de foyers d’immigrés dans les bourgs et les villages de la France profonde. Pérorer dans les assemblées c’est bien. S’agiter sur les réseaux sociaux n’est pas inutile. Mais, alors que les flux migratoires ne cessent de s’intensifier (280000 entrées en 2012, 500000 en 2022) et que Macron veut repeupler les campagnes avec des migrants, il est urgent de remporter des victoires concrètes.
Et c’est bien ce qui est arrivé à Callac, petit bourg breton de 3 500 habitants ! Pierre Cassen et Bernard Germain ont obtenu du maire qu’il renonce au projet Horizon d’accueil d’une centaine de migrants.
Ces victoires-là sont plus que rares, elles sont exceptionnelles. Ce sont des faits d’arme qui peuvent servir d’exemples. Bravo aux vainqueurs de Callac, la mère des batailles.
Il est étrange que cette victoire soit due à deux (ex) trotskystes. Certes labellisés aujourd’hui « extrême droite » mais enfin ayant fait leurs classes à la LCR ou chez les Lambertistes.
Il y a incontestablement là la signature d’un certain « métier ».
D’abord, un grand professionnalisme dans le militantisme consistant à aller chercher sur le marché et dans les rues les gens opposés au projet pour les pousser à sortir de chez eux et à s’engager. Car c’est d’abord sur les habitants du cru qu’il faut s’appuyer.
Ensuite, il faut le sens de l’agit-prop.
Surtout, il faut être imperméable à la diabolisation : la force de la gauche c’est que toutes ses chapelles se mobilisent pour les combats communs ; la faiblesse de la droite c’est que chacun a peur d’être compromis par le voisin. À droite on a peur de la présence d’un « crâne rasé », à gauche on tergiverse pour condamner un Blackbloc qui transforme un policier en torche vivante (le 1er mai 2023).
La règle du succès c’est de coaliser ses forces et de diviser celles de l’adversaire : ce qui a été obtenu à Callac où le maire immigrationniste fut lâché par la majorité de sa population et une partie de conseil municipal.
Bravo messieurs les (ex) Trotskystes ! Et merci pour le transfert de technologie.
Jean-Yves Le Gallou
14/06/2023
Transgression. Voyages du camp du “bien” vers le camp du “mal”, Synthèse nationale – Collection “Idées”, 222 pages, 22 €
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