Eric Blanc, Français résidant en Allemagne avec sa famille
Le mois passé semble avoir été en Allemagne une succession de 1er avril. Deux affaires ont défrayé la chronique terroriste dont le côté ubuesque pourrait nous faire sourire si la manière dont elles ont été racontées et analysées ne confirmait encore une fois le danger de ne jamais remettre en question la grille médiatique de lecture.
Le 11 avril, trois bombes explosent sur le trajet emprunté par le bus d’un club de foot, le Borussia Dortmund, alias BVB, faisant 2 blessés, alors que l’équipe rejoignait le stade pour affronter Monaco. Quand un attentat fait plusieurs morts en ville parmi de malheureux quidams, c’est certes bien triste, mais quelques centaines de bougies nous consolent et les psalmodies médiatiques savent nous convaincre de refuser l’amalgame.
Quand les terroristes s’attaquent à des footballeurs, blessant l’un des (demi- ?) dieux du stade au poignet et provoquant le report d’un match, l’apogée du tragique est atteint et le pays grince des dents. Un pas est franchi. La foule réclame des comptes et le débat fait rage : faut-il ou non disputer le match dès le lendemain au risque de voir les joueurs du club allemand diminués par le traumatisme ? Le courage l’emporte : le Borussia Dortmund jouera bien pour prouver aux criminels que notre civilisation sait défendre ses valeurs !
Le président du club peut déclarer : « Nous ne céderons pas. L’essentiel est que la démocratie et notre ordre libéral résistent ». La chancelière qualifie l’attentat d’acte odieux. La police révèle à la presse que des courriers de revendication ont été trouvés sur place au nom de l’Etat Islamique. On arrête immédiatement un Irakien dont les officiels noteront qu’il n’aurait pas dû se trouver sur le sol allemand compte tenu d’un dossier refusé. Le procureur annonce cependant que le courrier de revendication s’écarte des standards islamistes et que l’on ne peut encore garantir son authenticité.
Quelques heures plus tard, une seconde revendication est mise en ligne, au nom d’un groupement d’extrême gauche « antifas ». Le verdict des autorités et de la presse est immédiat et sans appel : c’est une manœuvre de l’extrême droite pour nuire à l’extrême gauche dont nul ne peut supposer qu’elle se cache derrière un attentat. Qui oserait évoquer les années de plomb ?
Le 16 avril, le ministre de l’intérieur de NRW parle d’engins de forte puissance préparés par des professionnels. Compte tenu des doutes confirmés sur l’origine des revendications précédentes, la piste d’extrême droite est privilégiée. Les banderoles se préparent. Les premiers appels à manifester contre l’hydre sont lancés. Les porte-voix s’échauffent.
Je ne nie pas que cette allégation ait pu être fondée sur de solides éléments de l’enquête : j’admire seulement l’unanimisme de la presse qui sait parfois laisser au vestiaire (du stade ?) son esprit critique et sa prudence pour se faire au plus vite l’écho d’une thèse conformiste. Si l’on peut parfaitement admettre que quelques fanatiques de chaque bord seraient capables d’une telle action, cette hypothèse vieillissante doit cesser de nous aveugler sur la nature du groupe qui représente aujourd’hui une menace organisée pour nos pays.
Hélas pour les semelles des manifestants abonnés, impatientes de battre le pavé, le pot aux roses est découvert le 21 avril, avec l’arrestation d’un jeune « Allemand russe » : Sergej W., discret technicien électricien dans la centrale thermique de l’hôpital de Tübingen, s’est endetté pour miser sur une chute des cours de l’action du club de football de Dortmund. Afin de toucher le jackpot boursier, il a monté seul cet attentat qui devait entraîner la baisse espérée. La presse, surprise de cet épilogue inattendu, déplore que la population ait eu le réflexe de considérer d’abord cet attentat comme d’origine islamique. En effet, sur quels faits récents pouvait-on bien se permettre une telle supposition ?
Fin avril, la presse révèle qu’un jeune officier de la Bundeswehr a été arrêté. Il est suspecté d’avoir préparé un attentat avec comme objectif de mettre en cause les migrants islamiques. Les enquêteurs et la presse découvrent que le lieutenant Franco Albrecht nourrissait des idées extrémistes et que ses supérieurs auraient dû les détecter lorsqu’il présenta à Saint-Cyr sa thèse de Master intitulée « Changements politiques et stratégie de la subversion » dont le contenu aurait été « incompatible avec les principes de la démocratie libérale ». Il n’en fallait pas plus pour enflammer les politiques et les officiels et les mettre en quête de réseaux extrémistes dissimulés dans l’armée allemande, armée qui par essence reste suspecte… La ministre de la Défense multiplie les mises en accusation. Il est vrai que la Grande Muette se doit d’être exemplaire et qu’un tel projet d’attentat par l’un de ses officiers, s’il est avéré, entache sa réputation.
Encore une fois, le propos n’est pas de contester la réalité d’une initiative potentiellement criminelle, mais de tirer les bonnes conclusions des éléments ouverts de l’enquête. Notre priorité est-elle de rechercher une conspiration de l’ombre quand :
- Franco Albrecht, de nationalité allemande, a pu se faire enregistrer comme réfugié syrien en 2015 sous le nom de David Benjamin, fils d’un marchand de fruits de Damas ;
- Sur la seule foi de sa capacité à parler à peu près le français, son histoire a été acceptée (avec l’aide d’un interprète !), y compris la fable d’une blessure qui n’a pas été vérifiée ;
- Il est certes difficile de distinguer sur les photos diffusées ce que révèlent ses traits, mais…
- Aucun test de langue arabe ou de culture syrienne n’a été réalisé ;
- Il a ainsi touché une aide mensuelle de 400 € pendant plusieurs mois en sus de sa solde de lieutenant ;
- Le propriétaire du logement qui lui a été attribué en tant que David Benjamin avait scrupuleusement collé une étiquette à son nom sur la sonnette mais reconnaît ne l’avoir jamais vu ! Il nous explique naïvement que ce n’est pas le seul cas de logement attribué et non occupé…
N’importe quel observateur béotien comprend que l’on peut ainsi, avec un peu de culot, se faire enregistrer comme faux réfugié auprès d’une administration allemande pourtant réputée tatillonne, soit pour en vivre abusivement (au mieux) soit pour préparer une action criminelle (au pire). Combien sont-ils sur le sol allemand à avoir usé de ce grossier stratagème ? Nous savons que le recensement des réfugiés et migrants assimilés pose actuellement un grave problème, certains ayant disparu des radars de l’administration et d’autres se promenant avec plusieurs identités. Dans les petites villes où s’édifient des logements pour ces nouveaux arrivants, on ne cache pas le fait que certains restent vides.
Notre apprenti conspirateur a été pris pour avoir caché dans les toilettes d’un aéroport autrichien un revolver français vieux de… 70 ans. Faut-il vraiment être soutenu par un puissant réseau occulte pour être ainsi armé ? A la même heure, combien de kalachnikovs et de kilos de TNT se trouvent dissimulés sur le sol allemand ?
Au nom de la sécurité des citoyens et au nom de la lutte contre la gabegie, l’Etat ne devrait pas se tromper de cible. Mais certains phantasmes posent moins de problèmes existentiels que d’autres et peuvent donner l’impression de s’effacer en nourrissant l’inflation d’anathèmes, de lois et règlements pour conjurer les fantômes du passé quand les spectres présents paraissent ô combien plus menaçants.
Eric Blanc
11/05/2017
Correspondance Polémia – 13/05/2017
Image : Un « Bidonnage » qui a fait des petits !