La revue de presse du Libre journal de Dominique Paoli sur Radio Courtoisie du 31 août 2020 porte notamment sur les tensions récentes en Méditerranée. Par Michel Leblay et Laurent Artur du Plessis.
L’aire la plus conflictuelle de la planète
Depuis la première guerre israélo-arabe de 1948, le Proche et le Moyen-Orient constituent certainement, sur la longue durée, l’aire la plus conflictuelle de la planète. La nature de ces conflits a profondément évolué avec le temps. Pendant un quart de siècle ce furent les guerre israélo-arabes, quatre au total de 1948 à 1973. Puis un processus de paix fut engagé à partir de la fin des années soixante-dix. Des accords de paix furent ainsi conclus par Israël avec l’Égypte en 1978, avec l’OLP en 1993, avec la Jordanie en 1994. Depuis plusieurs années des relations informelles ont été établies entre les États du Golfe persique et Israël. Le 13 août 2020, sous l’égide des États-Unis, les Émirats Arabes Unis et Israël ont décidé d’une normalisation de leurs relations.
Pour autant, la paix n’a pas été rétablie dans la région, au contraire. D’autres évènements sont intervenus qui en ont profondément modifié la géopolitique. En 1979, ce fut la révolution islamique iranienne suivie par la guerre irako-irakienne, puis dans les années quatre-vingt-dix la montée des islamistes sunnites tandis que le nationalisme arabe perdait de son influence avant de s’effacer progressivement de la scène politique. Par leur intervention militaire en Irak en 2003 qui aboutit au renversement du régime de Saddam Hussein, les États-Unis ont contribué encore à accroître le niveau de belligérance dans la région, l’apparition de l’Etat islamique étant une conséquence. Puis ce furent les révolutions arabes de 2011 et les erreurs commises par les pays occidentaux vis-à-vis de la situation qui prévalait en Syrie.
Par l’association de l’islamisme, celui des Frères musulmans, et d’ambitions néo-ottomanes, Recep Erdogan, nommé Premier ministre de Turquie en 2003 puis élu président de la République turque en 2014, est devenu une nouvelle cause de tensions et de conflits dans la région. A son initiative, l’armée turque est présente au nord de la Syrie mais aussi en Irak et plus récemment, directement et indirectement, en Libye.
Les tensions en Méditerranée orientale
Ces dernières semaines, la tension s’est portée sur la Méditerranée orientale et elle implique la France.
Les recherches en hydrocarbures conduites dans les années deux-mille ont conduit à la découverte de très importants gisements gaziers notamment au large d’Israël (Leviathan 2010) et de Chypre (Aphrodite 2011) (voir Les Clés du Moyen-Orient, partie 1 et partie 2).
Au mépris du droit international et de la convention de Montego Bay de 1982 dont elle n’est pas signataire, la Turquie entend faire prévaloir des droits de prospection, violent délibérément les eaux territoriales chypriotes et grecques. Alors qu’aucune des deux parties n’avait le droit de le faire, la Turquie et le gouvernement de Tripoli en Libye, soutenu militairement par la première, ont conclu, le 27 novembre 2019, un accord de délimitation de leurs zones économiques exclusives respectives qui chevauchent les zones légalement accordées à la Grèce et à Chypre. Ce partage turco-libyen pourrait entraver la construction d’un gazoduc destiné à acheminer le gaz extrait des champs israélien et chypriote vers l’Europe par la voie de la Grèce. En riposte à l’accord du 27 novembre, le 2 janvier 2020, la Grèce Chypre et Israël ont formellement décidé la construction d’un gazoduc East-Med traversant la Méditerranée orientale.
La tension s’est encore accrue au mois d’août. Alors que la Turquie menait des prospections en mer Egée au large des îles grecques, pénétrant dans les eaux territoriales de celles-ci, une collision est intervenue, le 13 août 2020, entre une frégate de la marine grecque et une autre de la marine turque.
La France s’oppose à la pression exercée par la Turquie en Méditerranée orientale. Le 10 juin 2020, la marine française a été victime d’une action agressive de la part de navires turcs au large des côtes libyennes où elle participait à une mission de contrôle du respect de l’embargo sur les armes décidé par le Conseil de sécurité à l’encontre de la Libye. La frégate Courbet a fait l’objet d’un éclairage radar (action précédant normalement le tir) de la part des navires turcs. Le 13 août, en soutien à la Grèce, Emmanuel Macron a décidé d’envoyer deux Rafale, basés à Chypre, avec leur avion ravitailleur et la frégate Lafayette en appui du porte-hélicoptères Tonnerre, lequel participe à l’assistance aux populations sinistrées de Beyrouth.
Si la France a adopté vis-à-vis de la Turquie une position courageuse d’appui à son partenaire de l’Union européenne, la Grèce, l’Allemagne au contraire s’est montrée distante. Dans le titre d’un article publié le 26 août 2020, Le Monde résume fort bien cette attitude : L’Allemagne exhorte la Grèce et la Turquie à ne pas « jouer avec le feu » en Méditerranée. Dans ce contexte , Jean-Loup Bonnamy est fondé à intituler son article publié le 19 août 2020 sur Figarovox : « Le couple franco-allemand n’existe plus : le refus de Merkel de soutenir la Grèce et la France face à Erdogan le prouve ».
Michel Leblay et Laurent Artur du Plessis
31/08/2020
Source : Correspondance Polémia
Crédit photo : Frégate La Fayette [CC 3.0]