Après avoir été victime de bobardements, la Syrie risque de subir des bombardements. Hollande s’est engagé dans cette opération où la France ne peut jouer qu’un rôle de supplétif – de supplétif d’intérêts étrangers : ceux des pétromonarchies, des États-Unis d’Amérique et d’Israël. Un rôle détestable, déshonorant et dangereux. Michel Geoffroy fait le point pour Polémia.
« La France est prête à punir ceux qui ont pris la décision infâme de gazer des innocents » déclarait François Hollande dès le 27 août 2013 lors de la conférence des ambassadeurs.
« La France » dont il est question dans la bouche de François Hollande a donc rompu les amarres de sa politique étrangère traditionnelle. Par contre, quand on interroge nos concitoyens seulement 32% d’entre eux seraient favorables à une intervention militaire française en Syrie (sondage IFOP-/-le Figaro des 4 et 6 septembre). Manifestement cette « France »-là ne correspond pas non plus à celle de François Hollande.
Hier champion de l’autodétermination des peuples et de la souveraineté des États, voilà que « la France » hollandisée se range de plus en plus nettement dans « le camp du bien », c’est-à-dire sous la suzeraineté des Anglo-Saxons, spécialistes de ce genre de dualisme primaire et bombardeur. Un grand classique des socialistes, il faut bien le dire.
Notre pays abandonne ainsi la realpolitik européenne pour la politique sentimentale, qui produit rarement de bons résultats.
Les précédents fâcheux : Serbie, Libye
Servi par les bobards accusant les Serbes d’atrocités, Chirac a décidé de nous lancer dans la piteuse opération du Kossovo, sans aucun mandat international et sous les ordres de l’OTAN, avec le brillant résultat que l’on sait : la rupture avec la Serbie, allié historique de la France, l’épuration ethnique des Serbes et la promotion du séparatisme des mahométans kossovars, sans aucun gain pour notre pays ni pour l’Europe, mais un gros gain pour les États-Unis qui achevaient ainsi l’isolement stratégique de la Russie.
Soucieux de poursuivre en aussi bonne voie, Sarkozy nous a fait complètement réintégrer l’OTAN – sans rien changer à sa vassalité américaine. Après avoir menacé à plusieurs reprises l’Iran, il a décidé finalement de s’attaquer au leader libyen, moins dangereux. Avec également d’excellents résultats : nos Rafale ne se sont pas mieux vendus à l’exportation et les réfugiés ont proliféré dans la région. En outre les armes que nous avons distribuées aux insurgés se sont retrouvées chez les islamistes du Mali, nécessitant une intervention armée ultérieure de la France.
La démocratie… version 1793
En prime de cette intervention de la France, un autre État du pourtour méditerranéen se retrouve déstabilisé, dans la suite du « Printemps arabe » qui a déjà mis KO l’Egypte et la Tunisie. A la place de la « démocratie » et des « droits de l’homme » – présentés par nos médias comme la finalité de ces interventions – on a vu le terrorisme, les règlements de compte, les exécutions sommaires, la persécution des minorités religieuses et la guerre civile prospérer. La démocratie version 1793 en quelque sorte.
Fort de tous ces heureux précédents, sans parler de l’Afghanistan, François Hollande a, lui, décidé de punir tout seul avec son allié Obama, Bachar el-Assad, présenté comme un nouvel Hitler syrien, avant même de connaître les résultats des investigations des enquêteurs de l’ONU.
A chaque fois nos présidents de la République ont fait franchir à notre pays une nouvelle et douteuse étape. Car la Syrie risque de se révéler bien pire que la Libye.
Des aventures inutiles et dangereuses
Mais qu’est ce que la France réelle peut bien gagner dans ces aventures militaires ?
Certes, nos armées y déploient leurs capacités mais elles y usent aussi leur crédit et leur matériel alors que la liste des « opérations extérieures » ne cesse de s’allonger. S’agit-il donc du meilleur emploi de nos faibles forces ?
Nos intérêts stratégiques sont-ils en jeu à Tripoli ou à Damas ? Les nôtres, sûrement pas. Par contre, la déstabilisation des États laïcs mais autoritaires ouvre partout la voie à la guerre civile religieuse. Avons-nous vraiment intérêt, nous autres Européens, déjà confrontés à l’islamisme sur notre sol, à prendre parti dans les luttes politiques et religieuses qui secouent les pays musulmans sur le pourtour de la Méditerranée ?
Les bons apôtres médiatiques nous expliquent qu’il en va de notre prétendue responsabilité de « protéger » des populations soumises à un clan sanguinaire : un rideau de fumée qui s’ajoute aux innombrables bobards dont on inonde l’opinion publique occidentale. Comme hier ces mêmes MM. Kouchner et BHL nous vendaient le « droit d’ingérence humanitaire ». Voilà qui devrait nous rassurer de voir ces si belles consciences prendre parti pour une intervention armée en Syrie !
D’autant qu’à ce train-là nous n’avons pas fini. Car après la Syrie pourquoi pas la Corée du Nord, le Zimbabwe, Haïti et tous ces États africains où règnent des despotes peu respectueux des droits de la personne ? Leurs citoyens ne méritent-ils pas, eux aussi, une « protection » occidentale ?
Mais curieusement la conscience universelle devient myope quand certains intérêts ne sont pas en jeu.
Un engrenage redoutable
En « intervenant », en « frappant » ou en « punissant » les gouvernements de pays souverains, nous créons un précédent et un engrenage redoutables.
Qui nous dit que demain nous ne serons pas accusés à notre tour de ne pas « protéger » notre « population » (par exemple à la suite d’émeutes urbaines violentes) ?
En s’arrogeant le droit d’intervenir dans les affaires des autres États, pour des motifs « humanitaires » (principe qui n’est pas véritablement reconnu par la majorité des États), en se lançant dans des coalitions hasardeuses, l’oligarchie au pouvoir oublie surtout les leçons de l’histoire : car l’ingérence appelle l’ingérence et celle-ci conduit à l’extension des conflits. C’est bien pourquoi l’ordre européen né du Traité de Westphalie et des horreurs des guerres de religion fondait la paix sur un principe diamétralement opposé à l’ingérence : celui de la souveraineté des États.
La France n’a d’ailleurs jamais rien gagné à conduire des guerres qui n’étaient pas les siennes, ni à contracter des alliances avec des pays lointains et instables : que ce soit en Espagne, au Mexique ou en Afghanistan. Relisez l’histoire de notre pays pour vous en convaincre !
Les supplétifs des pétromonarchies, des États-Unis et d’Israël
Hélas notre pays n’est plus maître de sa politique étrangère, pas plus qu’il ne maîtrise sa législation, sa politique monétaire ou sa politique budgétaire. Car l’oligarchie a dilapidé tout l’héritage de l’indépendance nationale, pourtant nourrie des hécatombes des deux guerres mondiales et de la décolonisation.
L’oligarchie nous joue une nouvelle fois sur la Syrie la grosse caisse des crimes contre l’humââânité, des droits de l’hôôômme et de la démocrâââtie. Comme à chaque fois où l’on nous conduit au désastre et au carnage, il faut une musique pour faire marcher au pas le bon peuple.
Mais cela cache de plus en plus mal que notre pays est réduit au rôle de supplétif des intérêts des pétromonarchies, des États-Unis et d’Israël : intérêts, au contraire, bien concrets, mais qui ne sont pas ceux de la France cependant.
François Hollande, qui joue les chefs de guerre sous l’œil attendri des médias, devrait pourtant savoir que les supplétifs ont toujours eu un sort funeste dans l’histoire.
Michel Geoffroy
09/09/2013
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