L’Europe est consternée. Elle n’a rien vu venir. Comme d’habitude. Il faut dire qu’un pays donnant la parole au peuple et respectant son vote, c’est tout à fait contraire à l’esprit de Bruxelles. D’ailleurs nos dirigeants et les technocrates européens le savent bien. La même question posée aux membres de l’Union aurait reçu le même résultat que la Suisse avec un oui même très nettement supérieur. Pour rester ce que nous sommes, il faut en finir avec une immigration subie, de masse et de peuplement. C’est évident.
On a certes le droit de vouloir changer l’Europe et en faire un continent métissé tournant le dos à son identité historique mais il faut l’assumer face aux citoyens électeurs, ce que l’Union, contrairement à la confédération qui est en réalité une fédération, ne fait jamais. Les électeurs suisses se sont prononcés en faveur de la « fin de l’immigration de masse » à une très courte majorité (50,3 %), dimanche. Cette proposition du parti de droite populiste UDC visait à instaurer des quotas à l’immigration et renégocier la libre-circulation avec l’Union européenne.
On en rêve ! Les Suisses l’ont fait. Il faut dire que, comme les anglais, se sont de mauvais européens, pas dans lUnion pour les Suisses et même pas dans l’euro. L’initiative populaire du 9 février dite « contre l’immigration de masse » doit son existence à l’Union démocratique du centre (UDC). Cette initiative populaire permet à 100.000 citoyens réunis de proposer une modification de la loi. Le texte soumis au vote suggérait que la Suisse « gère de manière autonome l’immigration des étrangers ». Des « plafonds et contingents annuels » devront déterminer le nombre d’autorisations délivrées. Ceux-ci seront fixés « en fonction des intérêts économiques globaux de la Suisse et dans le respect du principe de préférence nationale » et l’étude d’une demande d’autorisation de séjour prendra particulièrement en compte « la demande d’un employeur, la capacité d’intégration (du demandeur) et une source de revenus suffisante et autonome ». Enfin, « aucun traité international contraire (…) ne sera conclu », conclut la proposition.
« Le peuple est souverain (…) le système est sain qui n’oblige pas la population à suivre des autorités politiques qui auraient des compétences démesurées », a estimé celui qui assure la présidence tournante de la Confédération, Didier Burkhalter. Il a admis qu’il s’agissait d’un désaveu par les Suisses de la politique du gouvernement. Il compte se rendre dans les capitales européennes pour expliquer le vote et son premier rendez-vous sera à Berlin, principal partenaire économique de la Suisse, a-t-il annoncé. M. Burkhalter a aussi mis en garde les dirigeants européens, estimant que ce rejet de certaines conséquences de l’immigration « n’est pas une spécificité suisse, on le rencontre dans d’autres pays qui n’ont pas l’occasion de l’exprimer » comme en Suisse.
Le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble a estimé que le vote allait « créer de nombreuses difficultés pour la Suisse dans beaucoup de domaines ». L’UDC, de son côté, s’est évidemment réjouie. « Nous avons gardé notre indépendance », a déclaré en son nom Christoph Blocher, ajoutant que le peuple suisse a dit « non » à la libre-circulation. L’initiative remet notamment en cause les accords de libre circulation conclus avec l’Union européenne (UE) et l’Association européenne de libre-échange (AELE), donnant aux citoyens des Etats membres de ces organisations un accès libre au marché du travail suisse. Ces accords devraient être renégociés.
La Suisse sera peut être l’objet de représailles, mais comme ils disent aux européens, « faites chez vous ce que nous avons fait et on reparlera après ». Pour cela il faudrait que l’Union européenne soit une démocratie qui accepte la volonté du peuple. Si c’était le cas, cela se saurait.
Jean Bonnevey
Source : metamag.fr
10/02/2014