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Rose Mafia, de Gérard Dalongeville, ancien maire d’Hénin-Beaumont

Rose Mafia, de Gérard Dalongeville, ancien maire d’Hénin-Beaumont

par | 29 novembre 2012 | Médiathèque

Rose Mafia, de Gérard Dalongeville, ancien maire d’Hénin-Beaumont

Ainsi ce que clament certains politiques depuis des années, à savoir la corruption des élus du Parti socialiste de la région Nord-Pas-de-Calais, est bien une réalité que décrit précisément Gérard Dalongeville qui fut le maire d’Hénin-Beaumont de 2001 à 2009. Celui-ci, dans un livre paru le 23 février dernier aux éditions Jacob-Duvernet, Rose Mafia, raconte ce que sont les mœurs jusqu’ici inavouées du Parti socialiste dans cette région. Ce premier livre a été suivi récemment d’un second : Rose Mafia 2, l’enquête. Ce qui est stupéfiant c’est l’ancienneté, la sophistication et surtout l’ampleur de ces malversations dont sera simplement rappelée la nature.

Quelles ont été et sont certainement toujours ces malversations ?

  • D’abord les emplois fictifs systématiques, à peine dissimulés et connus de la population. L’ancien maire a commencé sa carrière socialiste de cette façon et donne de nombreux exemples dûment nommés.
  • Ces emplois fictifs se marient d’une manière fréquente avec le népotisme familial très pratiqué dans la région et détaillé abondamment par l’ancien maire. C’est là que l’on retrouve l’édile de Béthune dont le chauffeur conduisait si vite. Ses fils, qui ont créé une entreprise de vente de matériel médical, et un entrepreneur impliqué depuis dans l’affaire du Carlton ont mis à profit leurs liens avec des élus socialistes pour placer ces matériels et obtenir la quasi-totalité des marchés, notamment dans les hôpitaux publics du département.
  • Les moyens municipaux et ceux des organismes semi-publics : sociétés d’économie mixte, associations, CCAS, offices d’HLM, etc., y compris les subventions de toutes origines et les prêts aidés du logement social issus du livret A, sont détournés au profit du PS et de ses élus au travers de graves abus de biens sociaux. Les collectivités et ces organismes se voient mettre à leur charge des dépenses personnelles d’élus, comme des voyages à l’étranger, des restaurants, des voitures de standing, des avions taxis vers le Luxembourg, des destinations lointaines de vacances, la construction d’appartements et de résidences secondaires au profit d’élus, etc.
  • Ces organismes donnent également lieu à des anomalies de gestion comme des rémunérations exagérées pour les dirigeants, des cessions de terrains à des valeurs en dessous du marché. Les comptes sociaux ne sont ni fiables ni sincères et leur déficit est souvent masqué par des artifices comptables. Dans ce domaine deux importantes sociétés d’économie mixte ont été particulièrement épinglées par la Chambre régionale des comptes.
  • Ces organismes sont également des fournisseurs de prébendes et attribuent à qui ils veulent logements, maisons individuelles et avantages divers. Les exemples sont nombreux et précis.
  • La législation de la mise en concurrence des entreprises pour les travaux et les marchés est détournée et les appels d’offres sont très souvent biaisés ou truqués pour attribuer les marchés à des entreprises amies, ce qui permet des retours, notamment financiers, au profit du PS et de ses élus. S’ensuivent des surfacturations qui compensent ces retours.
  • Corruption directe d’élus. L’auteur cite, entre autres, un cas précis (p. 39 de son livre) où il lui a été remis une enveloppe pour le PS et son prédécesseur à la mairie par une entreprise de TP.
  • Comptes de campagne manipulés.
  • Comptes bancaires d’élus et de responsables du PS au Luxembourg utilisés pour le blanchiment de l’argent détourné et liés en grande partie au financement du PS (p. 140).

Cette liste est longue mais elle est, en réalité, bien courte face au raz-de-marée de faits, de noms précis, de chiffres et de détails que fournit l’ancien maire dans son livre. Les pages consacrées aux trucages des appels d’offres (p. 86 à 90) sont particulièrement percutantes.

Les leçons et les conclusions générales

  • Tout d’abord le système du Parti socialiste dans le Nord-Pas-de-Calais est très ancien et, selon l’auteur, remonte aux années 1970/1980. A Hénin-Beaumont ce système a été mis en place par Jacques Piette, hiérarque de la vieille SFIO, qui fut un grand ami de F. Mitterrand. C’est à cette époque qu’une génération de jeunes socialistes est arrivée au pouvoir municipal, départemental puis régional en profitant de la quasi-disparition du Parti communiste. C’est cette génération qui a bâti et mis en marche cette organisation et ses procédures financières. Cette génération est représentée par un trio de personnages qui est au pouvoir depuis plus de 30 ans, contrôle le PS du Pas-de-Calais et, en fait, le département entier.
  • Le trio gère le département dans le cadre des collectivités territoriales et des municipalités mais surtout réalise ses affaires au travers de sociétés d’économie mixte de construction et d’aménagement, d’associations diverses et d’une Chambre de commerce et d’industrie. Ces cadres juridiques complètement contrôlés constituent de véritables usines de financement politique et des sources d’enrichissement personnel. L’économie mixte territoriale est ainsi pervertie et détournée par le Parti socialiste du Nord de la France de ses objectifs généreux.
  • Pour générer des retours au travers des appels d’offres il faut disposer de la complicité d’entreprises. Ce sont toujours les mêmes dont l’auteur cite les noms qui gagnent marchés et travaux au détriment d’autres entreprises peut-être moins chères et plus performantes. De ce point de vue, le système mis en place par le PS coûte cher, est antiéconomique et débouche sur des budgets municipaux déficitaires.
  • Pour huiler les rouages, le PS a installé en leur sein des personnages qui font fonctionner le système, jouent les intermédiaires, font de la communication, font pression et, pour certains, s’occupent de l’argent détourné. Ainsi le système des intermédiaires existe dans le Pas-de-Calais avec des enveloppes. Mieux : Dalongeville insiste sur le caractère violent des pressions qui sont parfois exercées et qui confèrent un caractère de quasi-gangstérisme au système.
  • Tous ces personnages, et ce point est souligné, font partie de la maçonnerie qui constitue un lien très fort qui unit ces bénéficiaires du système PS au sein d’ailleurs de loges différentes.
  • La région du Nord est une région durement touchée par la crise économique, la désindustrialisation et les dérives sociales. Liévin figure dans le peloton de tête des villes les plus pauvres du pays. C’est cette région, considérablement appauvrie, qui est pillée par ceux qui se proclament les défenseurs des classes modestes. La population au faible niveau de vie, quant à elle, est prisonnière de ce système qui est fondé sur un clientélisme financé par les détournements des édiles et les avantages divers déjà cités qu’ils lui allouent. Fermement tenue, elle se trouve coincée dans un système de nature mafieuse caractérisé notamment par une omerta sur laquelle insiste beaucoup l’ancien maire et qui permet des réélections favorables.
  • Autre aspect mafieux, c’est la corruption de juges. L’auteur indique qu’au cours de sa mise en liberté sous contrôle judiciaire, son avocat lui avait promis que tout était prévu et organisé, et qu’un juge qui devait présider une audience correctionnelle à Béthune toucherait 60.000 euros « apportés par les amis socialistes reconnaissants ».
  • Les errements du Pas-de-Calais ne sont que le reflet de ce qui se passe dans d’autres fédérations du Parti socialiste. L’ancien maire rappelle qu’un sénateur-maire de Lens fut mis en examen en 1997 pour atteinte à la liberté des marchés. Quant à un ancien maire de Lille, il fut condamné naguère pour emploi fictif. Mais surtout un concours est ouvert au sein du PS entre les fédérations du Nord et celle des Bouches-du-Rhône avec des affaires qui, si elles sont confirmées, relèvent du banditisme pur et simple, et celles d’élus de l’Etang de Berre. Sans oublier la fédération de l’Hérault et son sénateur et député européen. En fait le socialisme municipal dévoyé du PS, héritier de Jaurès, constitue un des vecteurs importants de la corruption de notre pays.
  • Et que font les autorités du PS face à toutes ces dérives ? L’auteur insiste sur l’inaction de la direction récente du PS malgré les alertes lancées par A. Montebourg concernant les fédérations sensibles. Quant à l’actuel président, qui est resté onze ans à la tête de Solférino, il connaissait la région, la fédération du Pas-de-Calais qui est une des premières du PS et où il se rendait souvent, et son mode de financement. La direction du PS de l’époque s’est révélée impuissante devant une fédération aussi importante dont le soutien a été nécessaire pour la primaire citoyenne. En réalité le PS savait, et sa gouvernance, qui a choisi de se taire, a été le complice implicite des dérives de la fédération du Pas-de-Calais et d’autres.

Bien entendu, il sera objecté qu’il en va de même dans d’autres partis. C’est possible, bien qu’une telle ancienneté dans l’organisation de la corruption se trouve principalement au Parti socialiste. Mais surtout, comme le souligne l’ancien maire, il y a chez le Parti socialiste de l’hypocrisie, certains parleront d’escroquerie morale, à toujours donner des leçons, à jouer au professeur de morale et se draper dans ses valeurs de solidarité et d’égalité et à tolérer sans réagir, voire être complice, des turpitudes de ses fédérations locales les plus puissantes.

Nicolas Reilhac
28/11/2012

Gérard Dalongeville, Rose Mafia, éditions Jacob Duvernet, février 2012 , 210 pages

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