Par Eric Delcroix, juriste, essayiste et écrivain ♦ La publication par Valeurs actuelles d’un récit fictionnel, accompagné de dessins descriptifs, transportant Danièle Obono au temps de la traite intra-africaine a provoqué une énorme indignation au sein de la gauche et de l’extrême gauche. Une réaction massive qui témoigne que la gauche semble plus que jamais mal à l’aise avec le réel… et avec le rire !
Polémia
En 2017, Danièle Obono, député de la France insoumise[i], avait publiquement défendu le chanteur Saïdou et de son groupe intitulé Zone d’expression populaire (ZEP), chantant « nique la France » : Pour défendre la liberté d’expression de ces artistes, oui. Parce que cela fait partie des libertés fondamentales (21 juin 2017).
Mais, selon cette « chance pour la France » (feu Bernard Stasi dixit), la liberté d’expression cesse lorsqu’elle est visée personnellement si l’on en croit ses cris d’orfraie relayés par la classe médiatique et le nouvel ordre moral anti-discriminatoire.
Un scandale artificiel
De quoi s’agit-il ? D’un scandale artificiel, car Valeurs actuelles ne l’a pas insultée, ne l’a pas diffamée, n’a pas appelé à la discrimination, à la violence ou à la haine. Dans des articles de fiction, pour meubler l’été de ses lecteur, l’hebdomadaire a imaginé une série de transports fantastiques dans le passé de personnalités contemporaines. Le député de la France insoumise est imaginé au XVIIIe siècle, femme africaine razziée par des congénères noirs, vendue comme esclave à des Arabes, puis libérée à la suite de son rachat par quelque œuvre chrétienne occidentale…
Aucune mésaventure sordide ni aucune attitude honteuse n’est prêtée à la dame Obono dans cette fiction qui reste très respectueuse de la personne de la victime. Mais, si l’on comprend bien, malgré le tintamarre et dans l’hystérie ambiante, il est surtout reproché à l’hebdomadaire d’avoir publié en illustration un dessin de l’intéressée, pas même caricaturée, dans les chaînes.
Les lâchetés d’agelastes des personnalités publiques
Le directeur de la rédaction de Valeurs actuelles, a eu bien tort de présenter ses excuses :
1° il n’avait moralement pas lieu de le faire ;
2° c’est quand on recule devant lui que le chien mord…
Des personnalités politiques de l’opposition dite « de droite », âmes de courtisans, se sont déshonorées, se croyant obligées de condamner la Plaisanterie (1967), pour reprendre le titre du livre de Kundera dans lequel on voit que le communisme ne supportait pas le rire…
Les gens qui ne rient pas, qui sont rétifs au rire, ceux que Rabelais appelle les agelastes[ii], et leurs méfaits sont historiquement récurrents. Sans remonter jusqu’à Platon, qui avait banni le rire de son Académie[iii], le rire est trop souvent ressenti comme subversif. Le rejet du rire par l’Inquisition a inspiré à Umberto Ecco son roman le Nom de la Rose (1980) dont Jean-Jacques Annaud a tiré un film a succès (1986).
J’ai déjà évoqué dans Polémia cette question du rire[iv]. L’Inquisition et la Terreur, hier, l’islamisme et le puritanisme toujours, le communisme et l’antiracisme se sont opposés ou s’opposent encore au rire. L’antiracisme se montre bien ici orphelin bien conformiste de ses géniteurs historiques, le puritanisme USA et le communisme URSS.
Rejetons le totalitarisme des nouveaux agelastes et leurs leçons de morale, rions de la plaisanterie, rions des plaisanteries.
Allons, rions de la plaisanterie de Valeurs actuelles, moquons-nous des pisse-froid du nouvel ordre moral, tels Macron et Mélanchon (oubliant ici les lâches « de droite », pour ne pas peiner davantage les gens de l’hebdomadaire diffamé), rions vous dis-je…
Oui, rions de toutes ces clowneries de la bien-pensance obséquieuse. Rions de Danièle Obono !
Eric Delcroix
31/08/2020
[i] Gabonaise naturalisée en 2011.
[ii] Mot forgé par Rabelais à partir du grec agelastoi.
[iii] Voyez plus généralement l’excellent livre de Daniel Ménager la Renaissance et le rire, PUF, 2018.
[iv] « Antiracisme et police : merde au nouvel ordre moral », mise en ligne 12 juin 2020.
Source : Correspondance Polémia
Crédit photo : Jérémie Silvestro [CC BY-SA 4.0]