Macron s’agite. Il est partout sur la défensive… avant de sonner le repli. Il n’y a pas que la mobilisation des grévistes, entamée par les manifestations du 5 décembre sur la réforme des retraites. Certes, ce sera très important et peut-être décisif pour le président. On verra si En Marche marque le pas définitivement. On verra si le président ose se mettre, défendue par Jean-Paul Delevoye, sur la ligne des 50 millions de jeunes immigrés indispensables pour sauver les pensions des vieux Européens. Une provocation faite bien sûr pou augmenter la confusion du débat et bouiller les cartes. Mais ce n’est pas le seul sujet sur lequel Emmanuel Macron irrite les Français !
Dans le bourbier malien
La deuxième partie de la présidence prend une tournure très inquiétante et cela va au-delà du front intérieur. Macron est fâché avec tout le monde, de Mélenchon à Trump, de Marine Le Pen à Erdogan et il est en outre de plus en plus dur à suivre. Quand le président évoque toutes les options sur notre présence au Mali, il y a comme une odeur de retrait qui serait une retraite. Une inflexion d’autant plus mal venue qu’elle s’est amorcée avant même le rapatriement de nos soldats tués et l’hommage — émouvant, comme toujours — aux Invalides. Si la liberté du monde est en danger au Mali, la France doit s’honorer d’être au feu. Mais il faut accepter les pertes sinon il faut rester chez soi.
On ne nous a sans doute pas dit toute la vérité sur cette collision d’hélicoptères. Quand on regarde qui était à l’intérieur, cela ressemble plus à une évacuation d’urgence qu’a un appui feu. Mais le problème n’est pas là. Il est dans la mort, le 25 novembre, de treize Français dans une opération militaire, plus qu’un accident. Les commentaires de certaines télés sur la diversité des morts est une imposture. Certes, il y a des Français par le sang versé, une tradition française glorieuse aux couleurs de la Légion. Mais quand on regarde les noms, comme l’a si bien noté Eric Zemmour devant la mine consternée des autres commentateurs, ce sont des Français de tradition militaire et parfois aristocratique qui composaient l’essentiel de l’équipage, même si l’un d’eux, le brigadier-chef Romain Salles de Saint-Paul, était un Colombien adopté. Bon sang ne saurait mentir…
A quoi sert l’OTAN ?
Le débat sur le retrait a donc occulté un temps le débat sur la retraite. La non-participation active de l’Europe à ce combat a télescopé les foudres d’autant en emporte Macron sur « l’OTAN en mort cérébrale ». Pour le président turc, c’est le président français qui est en mort cérébrale. Le retrait de l’OTAN comme sous de Gaulle n’est cependant pas envisagé. Mais à quoi sert l’OTAN ? Personne n’est d’accord. En 1949, lorsque le Traité de l’Alliance atlantique Nord fut signé à Washington par les douze pays fondateurs, dont la France (la Turquie, elle, n’adhéra qu’en 1952), les choses étaient simples : l’ennemi, c’était l’Union soviétique — même si l’OTAN n’intervint pas lors de la brutale répression de Budapest en 1956 ni lors de la construction du mur de Berlin en 1961 ni la « normalisation » de Prague en 1968. Mais, depuis la fin de la Guerre froide, l’Alliance s’adapte mal, intervient sur des théâtres comme la Bosnie (1993) ou le Kossovo (1999) où, sous l’impulsion des présidents Clinton et Chirac, l’aviation alliée bombarde l’ex-Yougoslavie.
Objectivement, désormais, l’OTAN, c’est avant tout la guerre en Europe au profit objectif de l’islam politique. De même, la France participe en 2001 aux opérations en Afghanistan, l’Américain Bush ayant activé après les attentats du 11 septembre le fameux article 5 du Traité, prévoyant que si l’un des membres est attaqué, les autres lui prêtent assistance. Mais la France est attaquée par le terrorisme islamique, et pas seulement elle. Que fait l’OTAN contre Daech au Moyen-Orient ou au Sahel ? Le chef de l’Etat français a ainsi été ulcéré d’apprendre par un simple tweet la décision de Trump de retirer ses troupes du nord-est syrien, tandis que le Turc Erdogan n’a pas pris la peine d’avertir ses partenaires de l’OTAN de son offensive contre les Kurdes. Mais tout cela révèle que dans l’OTAN, comme en Europe, la Macronie ne pèse pas lourd.
Quant à l’autre guerre, la commerciale, elle peut aussi nous faire très mal. Mais là, pas question de retraite sur les Gafa. L’arrière tiendra-t-il ?
L’Administration Trump envisage en effet d’imposer des droits de douanes additionnels pouvant aller jusqu’à 100% sur les importations de champagne, de sacs à main et de fromages français pour riposter contre la mise en œuvre par la France d’une taxe sur les services numériques. Les produits français de luxe de LVMH (l’habilleur favori de Mme Macron) et les produits de beauté de L’Oréal, qui avaient été épargnés jusqu’à présent par d’autres sanctions américaines — autorisées celles-là par l’Organisation mondiale du commerce, au titre des subventions publiques illégales à Airbus —, sont donc désormais directement visés. Notre luxe sur la sellette juste avant les fêtes de fin, d’années menacées sur le plan intérieur par les grèves ça fait beaucoup. Bruno Le Maire, a haussé le ton, s’élevant contre ces menaces américaines « inacceptables »: « Ce n’est pas le comportement que l’on attend des États-Unis vis-à-vis de l’un de ses principaux alliés, la France, et d’une manière générale, l’Europe », s’est-il insurgé. Le ministre de l’Économie a discuté de ce sujet avec l’Administration américaine, en expliquant que le dispositif français visait « juste à rétablir la justice fiscale », et touchait des entreprises de toutes nationalités. « Il faut éviter d’entrer dans ce conflit », a-t-il prévenu, en ajoutant qu’une escalade n’était pas dans l’intérêt du commerce ni de la croissance. Mais qui a peur de Bruno Le Maire ?
Macron irrite. Il irrite les français, les Européens, les alliés et les grands groupes mondiaux. Le charme des premiers mois paraît d’un autre monde. L’Elyséen a une image d’agité et une démarche chaotique ; un comble, Trump le trouve insultant ! Toutes les lignes craquent.
Passera-t-il l’hiver ? Il pourrait se retrouver à la retraite bien avant que le régime de celle-ci ne soit réformé.
Pierre Boisguilbert
06/12/2019
Source : Correspondance Polémia
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