« Rétablir », le terme est surprenant. Pourquoi un rétablissement de la liberté d’expression qui dans l’esprit du public semble être toujours d’actualité. Les tout derniers événements survenus à Paris avec l’attentat perpétré dans les locaux de Charlie Hebdo démontrent l’attachement du peuple à cette liberté et il aura fallu que le président de la République lui-même prenne les choses en mains pour que le peuple se mobilise afin de réagir contre la menace qui pèse sur cette liberté d’expression.
Or qu’en est-il exactement ? En réalité, le peuple se trompe ou plus exactement est trompé. En effet, cette liberté est menacée, déjà écornée, mais par qui ? Tout simplement par l’État lui-même.
Petit à petit notre démocratie fonctionne à coup d’oukases, imposés par l’oligarchie dominante. Il a suffi d’entendre Madame Valérie Pécresse, députée des Yvelines, sur les ondes d’Europe1 : « Il faudra bien entendu un Patriot Act à la française » parmi les propositions sécuritaires pour combattre le terrorisme. Ceux-là mêmes qui « crient leur amour de la liberté d’expression n’ont de cesse de priver Dieudonné de spectacles [et de le mettre en garde à vue pour un mauvais jeu de mots], Camus et Millet d’éditeurs, Zemmour, Ménard ou Soral de tribunes médiatiques, le Printemps français ou Jour de colère du droit de s’assembler et le FN d’exister » (Stephan A. Brunel).
Or, précisément, le Club de l’Horloge avait fait preuve de prémonition en choisissant ce thème pour ses travaux de son université annuelle qui se tenait les samedi 15 et dimanche 16 novembre 2014.
Polémia est heureux de présenter ces travaux, qui se sont déroulés en neuf interventions dont nous mettons en ligne les comptes rendus sous forme d’articles, selon nos schémas habituels.
En voici le découpage pour les deux journées
- Ouverture des travaux, par Pierre Millan, secrétaire général du Club de l’Horloge
- Introduction : la superclasse mondiale contre les libertés, par Jacques Violette
- La liberté de pensée, première des libertés publiques, par Patrick Simon
- La conquête de la liberté de pensée en Occident, par Philippe Nemo
- Liberté d’expression et débat démocratique, par Jean-Philippe Feldman
- La liberté d’expression source de la vérité scientifique ou historique, par Henry de Lesquen
- L’État censeur : lois scélérates et jurisprudences orientées qui étouffent la liberté d’expression, par François Wagner
- Police de la pensée : comment coterie ou groupe de pression ont colonisé les médias et assujetti l’État, par Jean-Yves Le Gallou
- La liberté d’expression à l’ère de la communication numérique : faut-il domestiquer internet ? par Yves Duhamel
- Pourquoi et comment l’Amérique a confisqué la liberté d’expression ? par Ivan Blot
Polémia
15/01/2015
Pierre Millan, secrétaire général du Club de l’Horloge, a ouvert les travaux de la XXXe Université annuelle qui est celle du quarantième anniversaire du Club, celui-ci ayant été fondé en 1974 par Yvan Blot, Jean-Yves Le Gallou, Henry de Lesquen et Bernard Mazin. Texte n°1 : Rétablir la liberté d’expression : ouverture des travaux.
Rétablir la liberté d’expression : ouverture des travaux
Par ses publications, ses universités, ses conférences et ses colloques, les prix Lyssenko qu’il attribue, le Club est un socle idéologique pour une droite authentique, nationale et libérale.
Face à la pensée dominante, sectaire et exclusive, dont le but, plus ou moins avoué, est la transformation de l’humanité en une masse d’individus indifférenciés, atomes parmi les atomes, le Club est un axe de propositions pour une société rénovée, assise sur des valeurs traditionnelles, celles sur lesquelles l’homme a bâti, au fil des temps, sa vie personnelle et collective.
Dans le prolongement de la réflexion sur le cosmopolitisme, thème de l’Université de 2013, la réunion de 2014 avait pour propos le rétablissement de la liberté d’expression. En effet, aujourd’hui, cette liberté d’expression est sans cesse plus menacée par les tenants de l’utopie mondialiste, l’expression contemporaine du cosmopolitisme. En France, depuis la loi « Pleven » de 1972, un empilement de textes (loi Gayssot et les autres lois dites « mémorielles ») vise à brider les paroles et les écrits de ceux qui refusent la réduction de la pensée au moule du dogme dominant. Mais, cette volonté de contraindre la réflexion n’est pas seulement d’ordre juridique, elle touche les différents modes de diffusion des idées et des opinions. D’abord, le monde médiatique, uniforme ou presque dans son discours, qui exclut les journalistes, les intellectuels ou les polémistes dont le verbe marque un écart avec ce que le peuple doit croire. L’édition n’est pas en reste puisque des écrivains au talent reconnu mais à la plume dissidente sont évincés par les moralistes agréés qui clament, et c’est le comble, là et ailleurs, leur dévotion à la liberté d’expression.
La libre manifestation des idées est l’un des fondements de notre civilisation. Elle est à la source de son essor, de la richesse et du rayonnement de sa culture et de sa suprématie dans le domaine des sciences. Sans le droit à la contradiction ou à la contestation, le progrès serait impossible. Ce progrès suppose une recherche permanente de la vérité. Mais, aujourd’hui, au nom d’une fin à laquelle une oligarchie nous assigne, l’unité d’une humanité formée d’individus déracinés et indifférenciés, une véritable entreprise d’atrophie de la liberté intellectuelle est en cours. Elle a d’abord des formes juridiques et judiciaires et elle use d’officines qui traquent les déviationnistes et qui en tirent, à l’occasion, un bénéfice. Le légicentrisme français place notre pays dans une situation plus précaire que d’autres, notamment les États-Unis où la liberté d’expression relève d’une protection constitutionnelle. Au-delà de la règle de droit, l’allégeance à la morale jugée convenable conduit à la censure de la parole et de la plume.
Il faut dire cependant, que cette chaîne qui entrave la libre expression de l’esprit ne représente qu’un moment de l’histoire. Déjà, internet et les nouvelles techniques de communication ont ouvert une brèche qui va en s’élargissant et que nul ne pourra réellement fermer quelles que soient les intentions. En brisant, par un retour aux principes originaux de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, un cadre juridique qui musèle et en inscrivant dans la Constitution la libre expression des pensées et des jugements, le pas obligé serait franchi. Privés de leur rempart, les disciples et les chantres de l’idéologie exclusive devront alors substituer l’argument à l’anathème.
Les neufs orateurs qui sont intervenus au cours des deux journées de l’Université ont exposé les différents aspects politiques, juridiques, philosophiques et scientifiques qui pressent à rétablir la liberté d’expression.
Pierre Milan