Par Eric Delcroix, juriste, essayiste et écrivain, auteur de Droit, conscience et sentiments ♦ J’ai appris par la presse que le deuxième ligne du XV de France, Bastien Chalureau, a été dénoncé par Les Insoumis (LFI) comme raciste pour le bannir des stades. Les gens de LFI sont des parangons de la nouvelle morale anti-discriminatoire, s’agissant de gens passés du matérialisme marxiste à l’idéalisme messianique.
En fait, M. Chalureau s’est battu dans la rue avec des Jeunes, avec un grand J comme il convient au regard d’une définition ethnique. Le comment et le pourquoi de la rixe ne semble guère intéresser les dénonciateurs tant ils sont vertueux, car Sébastien Chalureau aurait dit « ça va les bougnoules ». Aïe ! Horreur, malheur.
Confusion ordinaire du droit et de la morale
Depuis les lois Pleven (1972), Lellouche (2003) et Perben II (2004), que nous devons à la droite, insidieusement, le mobile a été intégré à l’intention criminelle, libérant la subjectivité du juge, en rupture avec les acquis des Lumières (Beccaria, Kant). La question posée au juge n’est plus objectivement le sujet a-t-il voulu l’acte ? Mais subjectivement pourquoi l’a-t-il voulu ? Avait-il une pensée, une arrière pensée, même secrète peut-être, voire des fantasmes peccamineux ? C’est à dire relevant du péché ; c’est à dire de nos jours contraire à la morale suprême, savoir la morale anti-discriminatoire qui annule et remplace les sept péchés capitaux.
Les faits n’ont que peu d’importance, seule la vertu antiraciste intime du sujet compte. Il aurait volé un scooter pour arriver plus vite à une séance d’entraînement, ce ne serait pas grave, mais là on est en puissance d’excommunication majeure…
Sébastien Chalureau sera-t-il condamné en justice ?
Sébastien Chalureau n’ayant été condamné qu’en première instance, quelques voix se sont risquées à invoquer sa présomption d’innocence puisqu’il a interjeté appel. Naïveté ! Beccaria disait, déjà en 1766, qu’en présence d’actes ressentis comme atroces « les plus légères conjectures suffisent et il est permis d’outrepasser les lois ». La morale n’a en effet que faire des règles juridiques, la passion et la casuistique suffisent à la vertu triomphante. A bas le raciste, à bas le Blanc !
Bien sûr le juriste n’est plus écouté s’il dit que même condamné, par hypothèse, le deuxième ligne du XV de France ne devrait pas faire l’objet d’une interdiction de jouer. Par ailleurs, on ne voit pas, dans son cas de faute disciplinaire permettant à la Fédération française de rugby de le sanctionner, puisque les faits sont sans rattachement avec la pratique de son sport. Mais il sera néanmoins très certainement éliminé des terrains, interdit à vie, relégué en enfer.
Il aurait mieux fait de voler un scooter… à condition de ne pas le voler à un Jeune ! M. l’abbé Mélenchon y verrait alors, appuyé par les lois héritées de la droite, un acte raciste.
Eric Delcroix
19/09/2023