Par André Murawski, conseiller régional (ex-FN/RN) des Hauts-de-France ♦ Le 1er tour des élections régionales de 2021 dans les Hauts-de-France a mis en évidence une relative stabilité de l’offre politique même si les têtes de liste ont changé dans la plupart des cas. La baisse de la participation du corps électoral s’est cependant traduite très différemment suivant les listes, allant jusqu’à inverser l’image apparue après le 1er tour de 2015.
Une offre politique presque inchangée…
En 2015, les électeurs des Hauts-de-France ont été appelés à choisir parmi 9 listes. A l’extrême droite, on trouvait la liste du Front national conduite par Marine Le Pen. A droite, une liste de la droite et du centre emmenée par Xavier Bertrand. Les souverainistes étaient représentés par DLF avec Jean-Philippe Tanguy, ainsi que par l’UPR avec Eric Mascaro. A gauche, on trouvait une liste PS menée par Pierre de Saintignon et une liste EELV conduite par Sandrine Rousseau. A l’extrême gauche, Fabien Roussel représentait le PC et Eric Pecqueur Lutte ouvrière. Enfin, la société civile était représentée par Sylvain Blondel.
En 2021, cette offre politique apparaît peu changée pour ce qui concerne les formations partisanes, à l’exception de LREM, nouveau venu sur l’échiquier, et de l’UPR qui n’a pas présenté de liste. Les écologistes et les communistes n’ont pas disparu mais ont fait liste commune avec les socialistes. En revanche, à l’exception de Xavier Bertrand pour la droite et le centre et d’Eric Pecqueur pour Lutte ouvrière, toutes les têtes de liste ont changé. Ainsi, la liste du Rassemblement national a été conduite par Sébastien Chenu, la liste DLF par José Evrard, la liste d’union de la gauche par Karima Delli et la liste de la société civile par Audric Alexandre. Pour le parti présidentiel, la liste LREM était menée par Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites, puis de la protection des salariés de l’épidémie de covid-19.
Les atteintes à la liberté de réunion justifiées par la crise sanitaire ont donc conduit à perpétuation du système des partis, notamment en empêchant l’émergence de toute liste indépendante.
… qui n’a pas également subi les effets de l’abstention…
Ayant légèrement dépassé 45 % en 2015, l’abstention a atteint 67,16 % en 2021. Bien des raisons peuvent être avancées pour expliquer ce phénomène. Certains ont évoqué le début de l’été et le beau temps. D’autres ont soulevé la question de la crise sanitaire. D’autres encore ont rappelé la médiocre connaissance des attributions des Régions, et la faible visibilité de conseillers régionaux élus au scrutin de liste et peu représentatifs d’un territoire donné. Surtout, il semble que les Français ont marqué un certain désintérêt, voire un rejet du système des partis et des représentants des formations politiques.
Pour autant, l’abstention n’a pas produit les mêmes effets sur chacune des 7 listes concurrentes dans les Hauts-de-France. Ainsi, tandis que la participation a baissé de 40,5 % entre 2015 et 2021, la plupart des listes ont subi des pertes de voix bien supérieures à cette moyenne. Avec une perte de 260 000 électeurs, l’union de la gauche a vu ses suffrages baisser de 50,8 %. Passant de 67 000 à 27 000 voix, le vote DLF a diminué de près de 60 %. Avec une évolution de 158 000 voix à 47 000 voix, le vote communiste et d’extrême gauche a baissé de 70 %. Evoluant de 30 000 à 6 700 voix, la liste de la société civile a pratiquement disparu avec une baisse de 78 %. Mais c’est surtout entre les deux favoris de l’élection que l’évolution a été le plus significative. En effet, tandis que le RN perdait 584 000 voix passant de 909 000 suffrages en 2015 à 324 000 en 2021 (- 64,3%), la liste de la droite et du centre menée par Xavier Bertrand a, seule, pratiquement confirmé son poids de 2015 en passant de 558 000 voix à 550 000, soit un très léger recul de 1,3 %. C’est la grande exception de ce premier tour de scrutin.
… mais qui a abouti à l’inversion du rapport de forces de 2015
A l’issue du premier tour de 2021, trois listes sont en mesure de se maintenir pour le second tour. Il s’agit de la liste de la droite et du centre qui a recueilli 41,39 % des suffrages exprimés, de la liste du RN qui a obtenu 24,37 % des voix et de la liste d’union de la gauche qui a atteint 18,99 % des votes. Avec 9,14 % des suffrages, la liste présentée par LREM a été éliminée, malgré les candidatures de cinq ministres ou secrétaires d’État. Un camouflet pour le parti présidentiel.
Dépenses élevées, charges de personnel énormes… Le RN est-il bien géré ?
L’autre changement majeur que le premier tour a dévoilé est l’effondrement du vote RN qui, confronté à la bonne résistance du vote de la droite et du centre, a conduit à l’inversion du rapport de forces observé en 2015. Ainsi, tandis que Marine Le Pen a recueilli 40,64 % des suffrages en 2015, Sébastien Chenu n’en a recueilli que 24,37 % cinq ans et demi plus tard. A l’inverse, alors que Xavier Bertrand a obtenu 24,96 % des suffrages en 2015, il en a recueilli 41,39 % en 2021. Ces résultats ne seront vraisemblablement pas sans conséquences à court et à moyen terme. A court terme, Xavier Bertrand peut espérer remporter les élections régionales et s’appuyer sur une majorité confortable, même si elle comptera sans doute un peu moins d’élus qu’en 2015. En revanche, Sébastien Chenu verra le nombre des élus RN diminuer dans des proportions qui pourraient atteindre le tiers de l’effectif de 2015, et le RN ne sera plus la seule opposition à la majorité régionale. A moyen terme, Xavier Bertrand pourra s’appuyer sur son succès pour poursuivre sa marche vers les présidentielles tandis que l’échec de Sébastien Chenu, qui est aussi celui de Marine Le Pen, provoquera probablement bien des remous au sein d’un RN déjà fort mal en point.
André Murawski
25/06/2021