Jean-Paul Brighelli, ancien élève de Normale sup, agrégé de Lettres modernes, enseignant, révélé au public par sa publication de La Fabrique du crétin en 2005, suivie de nombreux ouvrages dont quatre fustigeant le déclin du système scolaire français, donne une recette commune à Paris-1 et au Qatar pour accueillir des étudiants « réfugiés » dans les universités françaises.
Comment accueillir les étudiants « réfugiés » syriens dans des universités françaises déjà submergées ? Paris-1 et le Qatar ont trouvé la solution
Philippe Boutry, président de Paris-1-Panthéon-Sorbonne, vient de publier (15 septembre) un communiqué dont chaque mot pèse lourd : « Alors que le président de la République vient de réaffirmer l’engagement de la France, terre d’asile, la situation de guerre que connaît le Moyen-Orient et la crise humanitaire qui affecte dramatiquement les populations civiles rendent urgente la mobilisation de tous.
Fidèle à ses valeurs de solidarité et d’humanisme, l’université Paris-1-Panthéon-Sorbonne, ses étudiants, ses enseignants et ses chercheurs, ses personnels administratifs et de bibliothèque, accueilleront une centaine d’étudiants « réfugiés ». L’université leur offre des parcours adaptés à leurs besoins pour accéder à des formations diplômantes.
Informé de cette initiative et désireux de contribuer à cette action humanitaire, l’émir de l’État du Qatar a proposé au président de l’université Paris-1-Panthéon-Sorbonne de la soutenir. Sa participation financière contribuera principalement aux frais de vie et de logement des étudiants « réfugiés » syriens.
Le président de l’université et le procureur général de l’État du Qatar ont signé lundi 14 septembre un protocole d’accord précisant les conditions de ce partenariat à hauteur de 600 000 € par an sur trois ans.
En ouvrant ses portes dans ses grands domaines de formation et de recherche, le droit et la science politique, l’économie et la gestion, les sciences humaines et les arts, l’université entend préparer les cadres dont le Moyen-Orient aura besoin pour sa reconstruction et son développement à venir. »
Un étrange marché
Le Qatar fait ainsi aumône à une université française, laïque par définition, d’une partie de la zakat – ce pourcentage de ses recettes dû par tout bon musulman pour soutenir les pauvres. Pour une monarchie pétrolière, 600 000 euros par an, cela n’est rien. L’opération communication n’est pas cher payée. Comme le rappelle Daoud Boughezala dans Causeur, « si la cité-État n’ouvre pas ses portes au moindre immigré d’Alep ou de Raqqa, la dynastie Al-Thani – déjà mécène du PSG, de l’Hôtel du livre et des djihadistes syriens – dispensera ses bienfaits au Quartier latin sans débourser un radis à domicile ».
Qui a donc accepté cet étrange marché qui piétine allègrement toutes les règles de la laïcité, et donnera l’occasion aux universités françaises d’accueillir de nouveaux contingents de musulmanes voilées ? Le président de Paris-1, Philippe Boutry, est un éminent historien des religions, spécialiste du curé d’Ars et de la foi au XIXe siècle, chrétien de gauche, qui s’est fait remarquer en mars dernier en censurant deux œuvres exposées par des étudiants en arts plastiques : un tapis de prière sur lequel devait être déposé un tas de viande et le portrait d’une femme en niqab dont le visage avait été remplacé aussi par de la viande – une matière qui ne pense pas. Je ne jugerai pas de la valeur d’œuvres que je n’ai pas vues, mais l’intention était claire – comme le fut aussi la censure de la présidence de Paris-1, qui a dépêché à la galerie Michel Journiac des policiers pour décrocher les œuvres. Décision qui a immédiatement été l’objet d’un référé-liberté devant le tribunal administratif de Paris. Le juge a statué en faveur des artistes, statuant que « le président de l’université Paris-1-Panthéon-Sorbonne a, dans l’exercice des pouvoirs de police qu’il détient en vue de la sécurité des usagers du service public et de la gestion des dépendances du domaine public, porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression des six étudiants dont les œuvres d’art devaient être exposées ».
C’est ce même brave homme ami de la liberté d’expression qui vient d’accepter l’offre d’un État wahhabite. À noter que, depuis le vote de la loi LRU, il a constamment refusé les partenariats avec des entreprises privées. Le privé non confessionnel, c’est mal, quand on est de gauche. Mais l’argent d’une monarchie fondamentaliste, ça n’a pas d’odeur. Pas d’odeur ? Si, celle du pétrole et un peu celle du sang, le Qatar ne cachant guère ses liens pour de sympathiques islamistes.
La grande misère des universités françaises
Les universités françaises sont globalement dans une grande misère, encore plus en cette rentrée où elles doivent brutalement accueillir 65 000 étudiants supplémentaires. À force de donner le bac, on repasse le problème en aval, où la procédure d’admission en ligne, dite APB, cafouille, où certaines filières manquent de place, et où la démagogie de « l’université pour tous » montre ses limites et son hypocrisie : partout les droits d’inscription augmentent notablement, de façon à dissuader les plus pauvres. Partout se mettent en place des systèmes aberrants de tirage au sort. Contrairement à ce qu’affirment les communiqués des rectorats, plusieurs milliers d’étudiants sont aujourd’hui en jachère, et trouvent rarement une inscription dans la filière de leur choix. Le système est à bout de souffle.
Ce n’est pas une raison pour enfreindre tous les principes laïques. Je sais bien que la loi de 2004 s’est malencontreusement arrêtée aux portes de l’université, comme je le rappelle dans mon dernier livre (Liberté Égalité Laïcité, Hugo doc, septembre 2015). De là à quêter l’aumône de pays soumis à la charia, il y a une marge que Philippe Boutry a allègrement sautée.
Soumission !
La part la plus réaliste du dernier roman de Houellebecq, paru le 7 janvier 2015, est, comme je l’ai souligné par ailleurs, sa description des mœurs universitaires. Le professeur d’université héros de son livre se vend à l’islam pour quarante deniers et la promesse de concubines fraîches. 1.800.000 euros, à l’échelle du Qatar, cela ne fait pas même quarante deniers. Mais faute de financements publics ou de partenariats privés honorables, on prostitue la laïcité au premier émir qui passe.
Est-ce de gauche ? Ma foi, oui : au même moment, le PS est en train de prendre des sanctions disciplinaires contre Céline Pina, la seule élue (locale) qui avait trouvé à redire au Salon de la femme musulmane qui s’est tenu dimanche dernier à Pontoise. À part elle, silence assourdissant de nos édiles : je laisse le lecteur penser ce qu’auraient publié les journaux du Camp du Bien s’il s’était tenu un Salon de la femme catholique.
Jean-Paul Brighelli
Source : Le Point
18/09/2015