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Réforme des rythmes scolaires : un des fruits empoisonnés de la « refondation de l’École »

Réforme des rythmes scolaires : un des fruits empoisonnés de la « refondation de l’École »

par | 10 septembre 2014 | Société

Réforme des rythmes scolaires : un des fruits empoisonnés de la « refondation de l’École »

« Il y a un excellent niveau, ne vous inquiétez pas… Ce qui nous soucie, c’est le bien-être de votre enfant… Les professeurs ne sont plus là pour faire un cours magistral mais sont à la disposition de vos enfants pour répondre à leurs questions… »

Nous ne pouvons pas rester insensibles à la mobilisation contre la réforme des rythmes scolaires et nous comprenons le désarroi des parents qui se rebellent dans l’intérêt de leurs enfants. Nous souhaitons, bien entendu, que cette mobilisation aboutisse mais, pour cela, il est nécessaire qu’elle s’inscrive dans une problématique beaucoup plus large qui est celle de la « refondation de l’École », car la réforme des rythmes scolaires n’en est qu’un des fruits empoisonnés.

Quid de la « refondation » de l’École ?

La « refondation » de l’École résultant de la loi du 8 juillet 2013, issue elle-même de la réforme révolutionnaire de Claude Allègre, est l’aboutissement d’un long processus de destruction de l’institution scolaire dont les fondements reposent, pour la période contemporaine, sur le plan Langevin-Wallon de 1947. Cette « refondation » a pour objet de métamorphoser l’École, lieu d’instruction, en simple « lieu de vie » où les enfants s’adonnent à des activités choisies sur la base de thèmes qui servent de programmes au cours desquelles ils sont censés s’instruire dans différentes disciplines à la fois – et ce, du primaire à l’université incluse ! Tout ceci emballé dans un discours désinformateur qui vise, au contraire, à nous faire croire que cette « refondation » a pour but de restaurer la qualité du système éducatif alors même qu’il n’est plus question de transmission des savoirs, de travail, d’effort, de résultat à atteindre, de réussite, d’échec… un vrai tour de force !

Dans cette perspective, l’enseignant qui n’enseigne plus devient un simple animateur, accompagnateur du projet de l’élève.

Un des fruits empoisonnés de la « refondation » de l’École

La refonte des rythmes scolaires s’inscrit donc dans la logique de la « refondation » de l’École et elle ne consiste pas à ajouter des heures de classe dévolues aux professeurs des écoles mais à les réduire – en principe d’une heure par jour, mais davantage à terme – pour les remplacer par des activités péri-scolaires organisées par les communes au sein même de l’école, activités devant être articulées avec les activités de classe et pour lesquelles les maires devront recruter des animateurs, c’est-à-dire des personnels sans qualification, de même qu’ils devront également choisir les horaires d’école. Autant dire que ce sont eux qui vont progressivement « avoir la main » sur l’école et non plus l’équipe « enseignante ».

Ainsi s’était exprimé Vincent Peillon, alors ministre de l’Éducation :

« Le temps scolaire sera articulé avec un temps péri-éducatif que les collectivités locales mettront en place au travers de projets éducatifs territoriaux dont la loi définit les principes et qui ont pour objectif un accès plus large à la culture, au sport, aux loisirs éducatifs… »

enchaînant ainsi :

 « …l’étalement de la semaine sur quatre jours et demi signifiera, pour tous les enfants, dès 2014, des journées moins longues, moins fatigantes, une organisation de la semaine plus propice aux apprentissages, un accompagnement des élèves en difficulté plus efficace… »

n’oubliant pas d’accompagner son discours de la « volonté d’une école ambitieuse pour faciliter la réussite de tous les enfants » (sic).

Or, qu’en est-il vraiment ?

Quantitativement, ce système aboutit, non seulement à la même charge horaire quotidienne pour les enfants (même nombre d’heures de présence quotidiennes à l’« école »), ce qui, contrairement à ce qu’avait prétendu le ministre, n’aboutit pas à « des journées moins longues, moins fatigantes », mais à un accroissement hebdomadaire d’une demi-journée.

Qualitativement, cette nouvelle organisation est le moyen qu’a trouvé le ministre d’accélérer la mise en œuvre de la « refondation » de l’école basée sur la suppression des cours et leur remplacement par des activités, facilitant le remplacement progressif du personnel enseignant par des « animateurs » sans formation professionnelle, qui ne seront donc pas « tentés » d’enseigner pour la bonne et simple raison qu’ils en seront bien incapables.

De plus, ce projet, prévoyant que les activités péri-scolaires se fassent au sein de l’école et soient articulées avec les activités de classe, va permettre de créer la confusion entre ces différentes activités, « noyer le poisson » de la mutation de l’école en centre d’activités et de loisirs tout en accélérant le processus.

Par surcroît, cette réforme des rythmes scolaires pour abrutir nos enfants coûte encore beaucoup d’argent : un fonds spécifique de 250 millions d’euros a été prévu pour accompagner les collectivités dans « la mise en œuvre de cette réforme “ambitieuse” (sic) ».

Une préparation au collège et au lycée « lieux de vie »

En réalité, cette refonte des rythmes scolaires va également permettre de poursuivre la politique déjà bien engagée du collège et du lycée « lieux de vie » et de procéder à la refonte des rythmes scolaires également à ce niveau, ainsi que Vincent Peillon l’avait annoncé.

À cet égard, nous avons pu apprécier le témoignage d’une mère d’élève relayant le discours d’un principal de collège présentant comme suit son nouveau programme aux parents :

« Il y a un excellent niveau, ne vous inquiétez pas… Ce qui nous soucie, c’est le bien-être de votre enfant… Les professeurs ne sont plus là pour faire un cours magistral mais sont à la disposition de vos enfants pour répondre à leurs questions… De toute façon, ils n’auront plus de notes, donc il n’y a plus de problèmes… On fait des grilles de compétences parce que les enfants sont là pour acquérir des compétences, c’est-à-dire reproduire avec leurs propres mots ce qu’ils ont compris de ce qu’on leur dit… »

Et la mère d’élève de préciser :

« En aucun cas il n’a été fait mention d’un enseignement… En fait de programme, c’est une carte : les enseignants font leur menu, ils choisissent, ils ne font pas tout. On nous dit : “Ce n’est pas grave, ils feront les années suivantes… de toute façon, en sixième, les enfants ont le temps, ils ont un an pour s’intégrer… Ne vous inquiétez pas, le niveau n’est pas si mauvais que ça, il y a des villes qui sont pires que nous ; donc, même un enfant en difficulté chez nous pourrait être un brillant élève dans une autre ville. »

La mère concluant :

« Le problème est vraiment que l’enseignement n’est plus là… J’ai l’impression de mettre mes enfants à la garderie quand je les mets à l’école. Qu’est-ce qu’on me propose et que peut-on faire comme parent ? »

Nous pouvons donc apprécier que les considérations pratiques d’emploi du temps sont totalement superfétatoires ; beaucoup plus grave est l’avenir du cursus intellectuel des enfants, des jeunes, l’avenir de notre société ainsi mise en péril par un système « éducatif » qui ne les prépare plus du tout à jouer leur rôle dans la société.

Conclusion

La mobilisation contre la réforme des rythmes scolaires doit donc nous amener à nous mobiliser pour rejeter le système éducatif dans son entier, système qui n’a d’autre but que d’abêtir nos enfants et les perturber dans la construction de leur personnalité pendant que, dans le même temps, une école structurante est proposée aux enfants des banlieues dans le cadre d’une « éducation prioritaire » (sic) pour laquelle des moyens financiers délirants sont consacrés sur notre dos.

Ces arguments décisifs doivent nous permettre d’aboutir à l’obtention des moyens de la liberté scolaire pour tous les enfants par un système de financement personnalisé car nous ne pouvons pas laisser nos enfants dans cette « École » qui n’en est plus une.

Claude Meunier-Berthelot
09/09/2014

Claude Meunier-Berthelot

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