Par Francis Goumain ♦ Qui a dit « La France est une grande nation musulmane » ? Quand ? Quel président de la République a assisté le premier à un « couscous républicain » ? En quelle année ? Depuis quand, au fond, les chantres du cosmopolitisme sont-ils à la manœuvre dans leur travail de sape de la France ?
Les Mémoires de Raymond Poincaré, président du Conseil en 1912 et 1913 (c’est-à-dire chef du gouvernement : 1er ministre en quelque sorte) puis président de la République de 1913 à 1920 sont riches pour illustrer les débuts du cosmopolitisme et il est possible de dresser un petit inventaire des extraits concernant l’attitude du gouvernement de la République vis-à-vis de l’Islam.
En 1912, Raymond Poincaré (RP dans la suite) forme son gouvernement et expose les grandes lignes qu’il entend suivre. Page 22 du tome 1 intitulé Le Lendemain d’Agadir – c’est déjà un signe, Agadir c’est au Maroc – on trouve :
« J’exposais, en quelques mots, les principes essentiels qui devaient, suivant moi, diriger notre politique : grouper pour une œuvre d’ordre intérieur et de paix extérieure toutes les fractions du parti républicain ».
Autrement dit, à l’exclusion des nationalistes réputés antirépublicains et des gens de l’internationale et des anarchistes, bref, le « En Marche » de l’époque et, par conséquent, on ne sera pas étonné de retrouver une attitude ou des déclarations et actions absolument semblables à ce que peut faire Macron aujourd’hui.
« La France, une grande nation musulmane »
Ainsi, toujours en 1912, dans le tome 2, Les Balkans en feu, à la page 6, il s’agit de savoir si l’Angleterre et la France peuvent apporter leur aide à l’Italie dans sa conquête de la Libye contre l’Empire ottoman et la réponse est non, car même si « La France avait, depuis dix ans, promis à l’Italie de la laisser faire », « Elle était elle-même, comme l’Angleterre, une grande nation musulmane ; sa politique orientale reposait sur l’intégrité de l’Empire ottoman ». On retiendra par conséquent que, pour RP, dès 1912, la France est une grande nation musulmane qui ne peut donc pas aider l’Italie catholique dans sa lutte contre la Turquie musulmane. Renversant.
Quant au principe de la défense de l’intégrité de l’Empire ottoman adopté par la France, cela va très loin : à la page 26 de ce même tome 2 RP se déclare contre « l’idée d’un agrandissement des Etats balkaniques (slaves) » et « pour l’intégrité de l’Empire ottoman », simplement « il est désirable que la Turquie se hâte d’améliorer son administration et de réaliser des réformes intérieures dans l’intérêt des populations chrétiennes ». C’est scandaleux, RP est prêt à tout faire – même contre la Russie – pour que des populations chrétiennes (slaves) restent sous le joug de la Turquie musulmane quitte à inciter la Turquie à adopter des réformes pour rendre ce joug supportable. Si déjà en 1912 le gouvernement de la République avait de telles conceptions, qu’est-ce que peuvent espérer les populations chrétiennes dans la France d’aujourd’hui ?
Quoi qu’il en soit, pour revenir à 1912, on apprend, page 269 du tome 2, que l’Allemagne se réjouissait des dissensions entre la Russie – qui soutenait l’émancipation des populations slaves – et l’Angleterre et la France – elles du côté de la Turquie – et soucieuses d’éviter « Le choc des races » : « La proclamation du roi de Bulgarie faisait appel au sentiment du tsar libérateur et au sentiment religieux des orthodoxes contre les musulmans; elle paraissait de nature à exciter les défiances d’une puissance musulmane comme l’Empire britannique », déclare M. de Kiderlen, diplomate allemand. (Pour « le choc des races et la désagrégation de la Turquie d’Europe » voir la page 172 du tome 2, c’est le rapport de l’ambassadeur de France en Turquie, monsieur Bompard).
« Le couscous de Poincaré »
Mais c’est le choc fratricide franco-allemand qui va avoir lieu : la guerre éclate et on apprend au début du tome 5, intitulé L’Invasion, que la France aligne 3,8 millions d’hommes dont 80.000 indigènes ; de l’aveu même de RP, la proportion des indigènes n’est donc pas énorme, et de plus il fallait les retirer du front durant les périodes hivernales. Pourtant, il ne ratera pas une occasion de les mettre constamment en valeur.
Page 235 du tome 6, Les tranchées, on trouve, à la date du 30 mai 1915, ce qu’on pourrait appeler « le couscous de Raymond Poincaré » :
« La Société l’Algérienne, dont sont membres tous les représentants de l’Algérie, a offert aujourd’hui le couscous à plus de quatre cents blessés africains. Cette fête – Zerda pour la victoire – se donnait dans un restaurant de l’avenue de la Grande-Armée. Après avoir envoyé des cigares et des cigarettes à tous les convives, j’ai fait au milieu d’eux, après le déjeuner, une courte apparition, qui a été chaleureusement accueillie ».
On retiendra donc que la première apparition d’un homme politique français d’importance à un couscous remonte au moins au 30 mai 1915 : Hidalgo ou Fillon n’ont rien inventé.
Les soldats extra-européens très en valeur dans ses Mémoires
Page 95 du tome 7, La Guerre de siège, à la date du 13 septembre 1915, on trouve : « La division marocaine, que commande le général Codet et qui est sur le point d’être transportée en Champagne pour y prendre part aux opérations projetées, est massée dans une vaste plaine, inondée de soleil. Nous passons en revue ces troupes magnifiques, que le feu va bientôt, hélas ! décimer. »
A la date du 22 septembre 1915, page 116, on trouve : « Je remets des médailles militaires et des croix de guerre aux blessés. Ils sont là au nombre de cent trente-six, Français et Musulmans ».
Et encore à la date du 26 octobre 1915, page 200 : « Nous montons tous deux dans une automobile fermée et nous nous rendons, non loin de là, à une vaste plaine où sont massées, dans un ordre splendide, les trois divisions du corps colonial. »
Or, on ne trouve quasiment pas de description d’unité française, même la division de fer n’est citée qu’une seule fois.
Mais RP n’est pas le seul cosmopolite à l’époque, et de loin. On se rappelle que, vers mai-juin 2017, on se demandait en France s’il fallait déchoir les djihadistes de la nationalité française et le Conseil d’Etat avait répondu que non, évidemment. Or, à l’époque de la première guerre, on se demandait s’il fallait ou non déchoir de la nationalité française les Français d’origine allemande récemment naturalisés, et voici ce qu’on trouve dans le tome 8, Verdun,à la date du jeudi 24 février 1916 page 83 : « Viviani se plaint que le Conseil d’Etat ne consente à donner un avis favorable à aucune dénaturalisation d’Allemand ; il propose un projet de loi nouveau dont le texte, plus rigoureux, forcerait le Conseil d’Etat à suivre le gouvernement et à retirer la naturalisation française à ceux qui auraient continué à manifester en France des sentiments allemands, conservé des attaches en Allemagne, etc. » Décidément, le Conseil d’Etat ne se déjuge jamais !
Un avertissement final ?
Pour terminer cette liste de citations, peut-être enfin une inquiétude, un avertissement de Raymond Poincaré aux générations futures, voici ce qu’on peut trouver dans le tome 10, Victoire et Armistice, à la date du 1er février 1918 page 33 :
« Mgr Lemaître, évêque du Soudan, croit qu’on ne peut guère espérer recruter plus de 40 ou 50.000 indigènes. Encore ne faut-il pas exclure l’hypothèse de révoltes partielles. Il me dit que 50 pour 100 des Noirs sont musulmans. L’islamisme les transforme totalement. Autant ils sont soumis tant qu’ils sont fétichistes, autant, devenus musulmans, ils sont orgueilleux ».
Merci de nous prévenir, Monsieur Poincaré, on transmet à Macron, sans illusions…
Francis Goumain
30/06/2018
Source : Correspondance Polémia
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