Robert Bibeau. Producteur.
♦ Dans un article intitulé « Les problèmes avec les profits trop élevés » le journal financier The Economist s’inquiète du niveau de profit engrangé par les multinationales ayant leur siège social aux États-Unis. Les tableaux ci-dessous montrent l’évolution de ce taux de profit à travers l’histoire et par catégorie d’entreprises.
Un capitalisme de plus en plus oligarchique ?
Pourquoi s’étonner que les oligopoles deviennent de plus en plus grands et puissants puisque c’est là une loi inéluctable de l’économie politique capitaliste? Le capital appelle le capital dans une roue sans fin jusqu’à l’implosion du système d’accumulation. Pourquoi s’offusquer que les taux de profit soient en hausse, ce qui apparemment contredit la théorie marxiste de la baisse tendancielle du taux de profit moyen ?
Le journal The Economist écrit : « L’Amérique était une terre d’opportunité et d’optimisme. Maintenant, l’opportunité semble être réservée à l’élite : deux tiers des étatsuniens croient que l’économie est pipée en faveur d’intérêts particuliers (…) le retour sur investissement des entreprises est 40% plus élevé à domicile qu’à l’étranger (…) L’Amérique est censée être le temple de la libre-entreprise. Elle ne l’est pas» conclu l’analyste du journal d’affaires. Il ajoute : «Le problème vient d’un manque de concurrence, du fait d’une vague de 10 000 milliards de dollars US de fusions donnant un pouvoir excessif à quelques oligopoles gigantesques sur le marché boursier. Il note aussi que les grandes plateformes techniques comme Google, Facebook, Microsoft, Apple, Uber, Alibaba, doivent être étudiées de près : «elles peuvent bien ne pas être encore des monopoles en captation de rentes, mais les investisseurs les valorisent comme si elles allaient un jour le devenir » et le journal financier accuse certains actionnaires d’entreprises concurrentes de pousser à des formes d’ententes de non-concurrence. Suit un dossier où le scribe rappelle le niveau record des profits et la concentration grandissante d’actifs sur les marchés boursiers. Le journal pointe aussi l’anomalie du maintien d’un tel niveau de profits, quand, dans l’histoire, les pics étaient rapidement suivis d’une forte baisse. Et c’est ici que The Economist sort le chat du sac.
Le quotidien de Wall Street en appelle à plus de concurrence et moins de règlements sur les marchés boursiers. En effet, les règles interboursières mondiales entravent les capacités, pour les multinationales n’ayant pas leur siège social aux États-Unis, de pénétrer aisément le marché boursier américain pour venir y mener la guerre financière aux dangereux oligopoles technologiques accaparant tout le capital circulant et même davantage, à savoir, du capital fictif et évanescent, une bombe à retardement déposé sur le parquet des bourses mondiales, particulièrement celles des États-Unis, pleurniche le journal financier.
The Economist n’est pas devenu l’organe officiel de la gauche occidentale, détrompez-vous. Le journal joue simplement son rôle de « lanceur d’alerte » auprès de sa classe capitaliste hégémonique. D’abord, il est plus qu’étrange que la récession s’éternisant aux États-Unis, comme dans tout l’Occident, et la production globale stagnant – les profits soient de 16% sur investissement en cette période de récession prolongée! D’où vient cette plus-value transformée en profit, en intérêt et en dividende ? Viendrait-elle des opérations d’émission d’argent de Monopoly, ces Quantitative Easing, et ces crédits bancaires que les banques centrales et les banques de second rang essaiment à tout vent boursier (FED et BCE, Banque du Japon, Banque de Chine, etc.)?
Il y aura nécessairement un prix élevé à payer quand la bulle financière éclatera inéluctablement pense le graphomane du quotidien financier. Ayant capté d’immenses valeurs capitalistiques, dont certaines ne sont que de la monnaie de crédit adossé à une pyramide de Ponzi, de la valeur fictive (de la dette sur de la plus-value anticipée qui risque de ne jamais capitaliser), des millions de porteurs seront jetés sur le pavé en moins d’une journée, ce qui aura des répercussions sur l’ensemble des marchés boursiers et particulièrement sur les titres manufacturiers qui seront alors en manque de liquidité – alors qu’ils en disposent de trop présentement – et seront coupés de leurs marchés effondrés. Ce krach s’amorçant aux États-Unis assurément, les autres marchés boursiers, ceux de Chine et de Russie notamment, moins bien intégrés au vaste marché boursier occidental par la faute de l’Occident qui les boycotte, bénéficieront de cet avantage pour fermer leurs marchés aux secousses sismiques américaines et européennes. Le boomerang financier de l’isolement se retournera contre les bourses d’Occident qui seront les premières à casquer avertit l’analyste financier. À contrario, les titres manufacturiers inscrits dans les bourses chinoises, russes, indiennes renchériront et les monopoles manufacturiers (producteurs de plus-value) de ces pays « émergents » en profiteront pour s’emparer des marchés qui leur étaient jusqu’ici fermés. Autant dire l’apocalypse pour l’Amérique.
Ne parlons pas de la déflation et du dollar US en chute libre, qui ne sera plus que l’ombre de lui-même fuit par tous y compris dans son pays d’origine (1). La Grande dépression à l’horizon dont bénéficieront les concurrents qu’ils seraient bons d’attacher immédiatement au char étatsunien plutôt que de les laisser naviguer librement. C’est la politique que préconise Donald Trump si vous ne le saviez pas « Laissez venir à moi nos plus grands concurrents que nous les étreignons fortement » disaient le capo di capi de la mafia de Wall Street.
Ce scénario catastrophe anticipé par les scribes du journal The Economist montre bien que ce ne sont pas les actionnaires ni les États bourgeois qui font la loi – ni les lois – du mode de production capitaliste. Ces lois sont inscrites dans le code génétique du système et le rôle des analystes bourgeois est de les comprendre et de lancer des alertes pour tenter de parer les coups anticipés ou du moins d’en amoindrir ou d’en répartir les retombées catastrophiques sur le plus grand nombre d’agents économiques – sur la classe des travailleurs salariés en priorité.
Les prolétaires du monde entier n’ont que faire de ces « alertes » aux profits bidons, non plus que de la chasse à l’évasion fiscale dans les paradis offshores où des monceaux de capitaux sans valeur transitent pour se purger de leur « citoyenneté » (2). La classe prolétarienne en prend acte comme d’un signe avant-coureur de la déflation qui précèdera la Grande dépression qui précèdera la prochaine guerre mondiale et alors nous serons en position de profiter de l’occasion pour chasser ces oligarques, les petits bourgeois à leur solde, et pour abattre ce mode de production décadent ?
Robert Bibeau
4/05/2016
Références :
(1) http://www.les7duquebec.com/7-au-front/deflation-le-dernier-tourment-avant-la-grande-depression/
(2) http://www.les7duquebec.com/7-au-front/les-panama-papers-la-fraude-frauduleuse/
Source : Les 7 du Québec
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/quel-est-le-probleme-avec-les-profits/
Correspondance Polémia – 5/05/2016
Images : graphiques