Accueil | Europe | Quand Thilo Sarrazin prévenait les Allemands de la crise énergétique

Quand Thilo Sarrazin prévenait les Allemands de la crise énergétique

Quand Thilo Sarrazin prévenait les Allemands de la crise énergétique

par | 21 octobre 2022 | Europe, Politique, Société

Quand Thilo Sarrazin prévenait les Allemands de la crise énergétique

Ancien secrétaire d’État au ministère des Finances de Rhénanie-Palatinat, ancien sénateur en charge des finances à Berlin, ancien adhérent au SPD (parti socialiste allemand) exclu en 2020, Thilo Sarrazin est l’une des personnalités politiques les plus « controversées » – c’est-à-dire « lucides » – outre-Rhin. Que ce soit sur les questions migratoires ou bien sur les questions énergétiques, il frappe toujours juste. Ce texte a été traduit publié par Nicolas Faure, essayiste et traducteur (à ne pas confondre avec Nicolas Faure d’I-Média et Sunrise !)
Ce texte prémonitoire écrit à l’automne 2021 – avant la guerre russo-urkrainienne – démontre par « a + b » l’absurdité de la politique énergétique allemande visant à la fois la sortie du nucléaire et la décarbonation de l’économie. La coupure du gaz russe n’a fait que précipiter une catastrophe inéluctable. Inéluctable aussi pour la France qui a adopté avec Hollande et Macron la même politique que nos voisins allemands sous la double pression des partis écologistes et des tenants de l’alarmisme climatique. Un article éclairant en ce qu’il souligne en creux à quel point il est difficile de tenir un discours rationnel dans un univers dominé par une propagande émotionnelle.
Polémia

La politique de transition énergétique et climatique menée en Allemagne consiste à :

a.) réduire fortement la consommation d’énergie dans son ensemble,
b.) à augmenter sensiblement le volume et la part de l’électricité dans le cadre de cette réduction de consommation d’énergie,
c.) à mettre fin le plus rapidement possible à la production d’électricité par le nucléaire, le charbon et le pétrole et à ne tolérer la production d’électricité à partir du gaz naturel qu’à titre transitoire dans le cadre de la production nette d’électricité devant être sensiblement augmentée.

Une forte augmentation de la production nette d’électricité est nécessaire pour le tournant énergétique,

a.) parce que les véhicules à moteur doivent être en grande partie remplacés par des voitures à batterie,
b.) parce que le système de chauffage des logements doit être remplacé par des pompes à chaleur électriques,
c.) parce que les processus à forte consommation d’énergie dans la chimie ou dans l’industrie de l’acier et de l’aluminium doivent également être convertis à l’électricité.

Par ailleurs, un grand espoir réside dans l’hydrogène de couleur bleue. Il pourrait être consommé dans des centrales à gaz. Sa production devrait être rendue possible par d’énormes quantités d’énergie éolienne et solaire.
Mais cela reste un projet bien lointain.

En 2021, une toute autre configuration s’est présentée à la réalité énergétique allemande : au cours des trois premiers trimestres, l’énergie éolienne a contribué à hauteur de 20,1 % et l’énergie solaire à hauteur de 11,0 % à la production d’électricité totale de l’Allemagne, soit 31,1 %. La contribution de l’énergie nucléaire et du charbon était en revanche de 45 %. Les capacités de l’éolien et du solaire devraient être multipliées par trois ou quatre en quelques années seulement pour compenser la disparition annoncée ou déjà effective de ces deux sources d’énergie et l’augmentation prévue de la production en électricité. Est-ce réaliste ? En janvier 2021, 31 115 éoliennes étaient en service en Allemagne, contre 30 617 en septembre, et leur puissance nominale totale a augmenté de 3 % durant cette période. La puissance nominale de l’énergie photovoltaïque a quant à elle augmenté de 7 %. Pour que la production d’électricité atteigne les objectifs fixés par le tournant énergétique d’ici 2030, il faudrait tripler la production d’énergie solaire et quadrupler la production d’énergie éolienne, et ce dès à présent. Même si toutes les parties concernées faisaient preuve de leur meilleure volonté et si la législation allemande en matière de planification devait être modifiée en profondeur en quelques mois, cela serait tout bonnement impossible.

Au cours des quelques jours qui ont suivi sa prise de fonction, le tout nouveau ministre vert de l’énergie, Robert Habeck, a manifestement compris dans quel piège il s’engouffrait. Il est déjà en train de faire marche arrière et a reconnu que la trajectoire de la transition énergétique ne pourrait pas être suivie lors des deux prochaines années. Il semblerait qu’il veuille gagner du temps. Mais sa situation n’est pas facilitée par l’annonce faite par la Commission européenne de vouloir considérer l’énergie nucléaire comme une source d’énergie durable et de vouloir encourager son développement en conséquence. En fermant les six centrales nucléaires restantes, l’Allemagne va se trouver confrontée à un défi de taille.

Le déficit de production qui en résulterait d’ici début 2023 est plus important que la production totale d’énergie solaire de l’Allemagne.  Les médias allemands traitent avec une grande indulgence les fractures logiques et les incohérences manifestes de la transition énergétique et climatique allemande, si tant est qu’elles deviennent un thème récurrent. Il n’y a toutefois pas lieu de craindre que les lumières s’éteignent de sitôt en Allemagne. Les solides excédents d’exportation allemands permettront encore longtemps d’acheter de l’électricité provenant du charbon polonais, de l’énergie nucléaire française et du gaz naturel russe en quantités illimitées. Mais dans quelques années, il apparaîtra que l’Allemagne gère bien moins bien le tournant énergétique que les pays qui continuent à miser sur l’énergie nucléaire et qui, comme la Grande-Bretagne et la Finlande, la développent carrément. L’opinion publique est un peu comme un enfant capricieux. Il ne faut pas la contredire au mauvais moment, sous peine de susciter la colère. Les politiciens verts doivent revoir en grande partie leur projets politique dans le domaine de l’énergie. L’opinion publique peut rapidement basculer. Que se passera-t-il si les projets d’éoliennes donnent lieu prochainement à des manifestations similaires à celles des opposants à la vaccination : enverra-t-on les services de protection de la Constitution pour surveiller les opposants à l’éolien qui ne pensent pas comme eux ? La gouvernance en Allemagne risque fort de se compliquer.

Thilo Sarazin
21/10/2022

 

Cet article vous a plu ?

Je fais un don

Je fais un donSoutenez Polémia, faites un don ! Chaque don vous ouvre le droit à une déduction fiscale de 66% du montant de votre don, profitez-en ! Pour les dons par chèque ou par virement, cliquez ici.

Voir aussi