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Quand la Mairie de Paris débaptise minutieusement ses rues pour qu’elles soient en « écho avec l’histoire des migrations »

Quand la Mairie de Paris débaptise minutieusement ses rues pour qu’elles soient en « écho avec l’histoire des migrations »
Quand la Mairie de Paris débaptise minutieusement ses rues pour qu’elles soient en « écho avec l’histoire des migrations »

Depuis plus d’une dizaine d’années, la Mairie de Paris s’est fait une spécialité : réviser les noms de rue, plaques et autres noms d’établissement selon les critères de la bien-pensance et du politiquement correct. Dernière victime en date : le compositeur Henri Dutilleux.

La bêtise, le dogmatisme et surtout l’ignorance de nos édiles parisiens n’ont pas de limite. Deux de ses élus socialistes, Monsieur Christophe Girard, maire du IVe arrondissement, et Madame Karen Taïeb, conseillère de Paris, se sont récemment couverts de honte avec l’affaire de la plaque commémorative du compositeur Henri Dutilleux. Ce triste épisode est révélateur de la guerre des mémoires et du révisionnisme qui ronge la société française.

« Voilà où nous conduit le quasi abandon des grands enseignements de l’Histoire, la baisse générale du niveau de culture de nos hommes politiques. Car la damnatio memoriae de Dutilleux en rappelle d’autres… »

Depuis plus d’une dizaine d’années, la Mairie de Paris s’est fait une spécialité : réviser les noms de rue, plaques et autres noms d’établissement selon les critères de la bien-pensance et du politiquement correct. Cette « chasse aux sorcières » traduit les obsessions, les phobies dont souffre la société et explique la grave crise d’identité que nous traversons actuellement.

Ce nouveau révisionnisme s’inscrit dans la lignée du rapport du conseiller d’État, Thierry Tuot, commandé par le gouvernement Ayrault qui demandait que l’on débaptise les rues et les places de nos villages pour les renommer « en écho avec l’histoire des migrations ».

Rappelons brièvement l’affaire du grand compositeur Henri Dutilleux, mort en 2013 dans le 4e arrondissement de Paris. Il était question d’apposer une plaque commémorative sur son ancien domicile. Le Comité d’histoire de la Ville de Paris s’y est opposé pour « faits de collaboration avec le régime de Vichy ». Dutilleux, collabo avec les Nazis, il ne manquait plus que cela ! Sous le prétexte d’avoir écrit la musique d’un film obscur, Forces sur le stade, réalisé par Marcel Martin en 1942 en direction des patrons d’usines pour les inciter à construire des terrains de sport près des lieux de travail des ouvriers, le voici voué aux gémonies. Alors que la vérité historique est l’exacte opposée. Henri Dutilleux s’est engagé dès 1942 dans un réseau actif de résistance. Membre du Front National des musiciens, il a mis en musique de nombreux textes clandestins en 1944. Puis aux côtés de Lucie et Raymond Aubrac, il a été membre du comité d’honneur du musée de la Résistance nationale (MRN). Mais le voilà banni parce qu’il a osé faire son métier durant les années sombres de l’Occupation.

Christophe Girard, le maire mondain du 4ème arrondissement de Paris, approuve le verdict de son comité et « tient à noter des faits de collaboration avec le régime de Vichy ». Son dernier tweet (bien peu courageux et retiré le 17 mars…) enfonce le clou en comparant la position de Dutilleux à celle de Céline …«Je ne fais que suivre les recommandations du Comité d’histoire de la Ville. L-F Céline est un grand écrivain mais…». Les points d’exclamations du responsable de l’ignominie sont éloquents…Anne Hidalgo renchérit en affirmant que « le temps n’est pas opportun… »

Le lynchage de la mémoire du grand compositeur soulève un tollé général. Jack Lang lui-même, déclare: «On est abasourdi par ce mélange d’incompétence et de veulerie ! ». Le coup de grâce étant asséné quand l’adjointe au maire en charge de la mémoire, Catherine Vieu-Charlier, publie un communiqué expliquant qu’après expertise, la mairie de Paris fait son mea culpa et reconnait le « caractère disproportionné et inadéquat de son avis initial qui mentionnait de supposés faits de collaboration » et rectifie « de premières indications hâtives ayant jeté le trouble de manière injustifiée ». Son communiqué se conclut en annonçant que la plaque commémorative devrait finalement être posée prochainement sur un immeuble de l’Ile Saint-Louis dans lequel vécut Dutilleux. Mais le mal est fait…

Triste équipe que celle de Madame Hidalgo et de ces personnes sensées représenter la «culture» à Paris, mais qui, au fond, la méprisent.

On savait déjà qu’elle n’aimait pas la musique classique avec la remise en cause récemment d’une partie du financement des conservatoires de musique jugés trop élitistes. Christophe Girard, tout puissant adjoint de Bertrand Delanoë de 2001 à 2012, conseiller régional d’Île-de-France depuis 2010, a passé dix ans aux affaires culturelles tout en cumulant, parallèlement à ses fonctions municipales, celle de directeur de la stratégie mode du groupe LVMH. Dix années qui sonnent creux. « Autant nommer Rika Zaraï ministre de la Santé », avait ricané son protecteur, Pierre Bergé. Dix années où l’on préfère subventionner l’opération Paris-Plage – 600 000 euros de crédits culture engloutis – les Nuits Blanches ou la Techno parade… plutôt que la culture dite « classique ». Mais voilà pas grand monde n’ose contester, l’important n’est-il pas que les électeurs bobos soient satisfaits.

L’attitude de Monsieur Girard comme de Madame Taïeb, dénotent autant la bêtise de l’inculture qu’une ignorance sectaire et idéologique. Le compositeur Henri Dutilleux comparable à Olivier Messiaen et Pierre Boulez, héritier de Ravel et de Debussy a fait rayonner la musique française. Ses œuvres sont joués dans le monde entier, c’est ce qui rend ridicule la décision de la Mairie. Refuser d’accrocher sa plaque commémorative, alors que Pablo Picasso, Jean-Paul Sartre ont, avec l’avec l’aval des Nazis, abondamment exposé, publié et fait jouer des pièces de théâtre dans le Paris occupé de 1940 à 1944. Alors que nous trouvons des plaques et des rues Maurice Thorez (secrétaire général du PCF qui a déserté en 1940), et des rues Staline (à Essômes-sur-Marne), et des avenues Lénine à Nanterre ou à Arcueil, toutes ces icônes de la supposée « gauche » intellectuelle ? Faudra-t-il bientôt débaptiser les rues et les lycées aux noms de révolutionnaires : Robespierre, Danton et Carnot ? Après tout, le premier est responsable de la Terreur – mais aussi un des rares hommes de l’histoire de France qui n’ait jamais été corrompu…-, le deuxième ferma les yeux sur les massacres de Septembre 1792, et le troisième, membre du Comité de Salut Public, joua un grand rôle dans la répression des Vendéens. Sans doute ont-ils eu des torts ; mais qui sommes-nous pour les juger ? Le problème de Dutilleux est probablement qu’il n’était ni socialiste, ni communiste… Qu’auraient fait Girard, Delanoë et Hidalgo sous l’occupation ? Tous ces politiciens ignorants oublient que la majorité de la population n’était ni résistante, ni «collabo» mais « attentiste ».

Voilà où nous conduit le quasi abandon des grands enseignements de l’Histoire, la baisse générale du niveau de culture de nos hommes politiques. Car la damnatio memoriae de Dutilleux en rappelle d’autres…

On connaissait déjà les rues parisiennes rebaptisées au nom de personnages issus des minorités, sans même consulter ni commerçants ni habitants.

En décembre 2001, Bertrand Delanoë avait débaptisé en présence de Christiane Taubira, la rue Richepance devenue rue du Chevalier-de-Saint-Georges, musicien noir du XVIII siècle. Richepance, général de la Révolution, un des plus braves de la République et qui a son nom gravé sous l’Arc de triomphe de l’Étoile, se serait rendu coupable d’exactions pendant le soulèvement d’Haïti en 1802. Outre l’anachronisme, le jugement a posteriori, sans replacer dans le contexte de l’époque, est une impasse intellectuelle. Les technocrates ignorants de l’Hôtel de Ville débaptisent les noms de rues, enlèvent les plaques commémoratives avec une seule obsession : réviser le passé, le purger de tout ce qui pourrait choquer leur bien-pensance.

Plus le temps nous éloigne des faits, plus leur vision qu’ils s’en font, devient manichéenne. On aurait pu penser que la connaissance historique aurait pu permettre une approche tempérée, subtile – c’est tout le contraire qui se passe.

Dans le 2e arrondissement, lors de la campagne municipale de 2001, le groupe des « Verts » locaux du maire Jacques Boutault avait exprimé dans une de leurs dix propositions leur souhait de débaptiser la rue Saint-Denis… !!!

Faut-t-il effacer toute trace de Jules Ferry à cause de son éloge de la mission civilisatrice de la colonisation ? Alors, il faut faire de même pour Léon Blum, qui affirmait « le devoir des races supérieures d’attirer à elles celles qui ne sont pas parvenues au même degré de culture. » A ce rythme-là, la liste des bannis sera longue. « Ces noms, vous ne vouliez plus les voir, ils n’y sont plus », avait ajouté M. Delanoë en 2001. Mais réécrit-on l’Histoire ?

L’Histoire, une fois écrite, ne s’efface pas. L’Histoire, on doit l’assumer. C’est autant glorieux qu’honteux. C’est l’Histoire ! Plutôt que de débaptiser : instruire et éduquer sont de meilleures options. Pour pouvoir assumer sereinement et lucidement le passé et tout le passé, laissons donc nos plaques, nos enseignes, nos noms de rues, nos pierres qui sont nos héritages. « De Clovis au Comité de salut public, j’assume tout », disait Napoléon. Lui qui a beau être le Français le plus populaire au monde et n’a pas la moindre place, avenue ou même impasse à son nom d’empereur dans Paris…

Dimitri Casali
Source : Atlantico
12/04/2015

Dimitri Casali est un historien et essayiste français, spécialiste du Premier Empire.

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