« La nouvelle morale, imposée par la gauche, dite citoyenne, est essentiellement recouverte par le terme générique d’antiracisme. »
Les bons sentiments font rarement les bonnes lois. Or nos institutions, culturellement dominées par la gauche, sont essentiellement moralisatrices. Beaucoup ne le voient pas et s’imaginent que la gauche contemporaine est immorale, abusés par le fait qu’il ne s’agit plus de la morale traditionnelle et civique.
La nouvelle morale, imposée par la gauche, dite citoyenne, est essentiellement recouverte par le terme générique d’antiracisme, véritable mot-valise. Plus précisément, le contenu de la valise est l’obsession antidiscriminatoire, acmé de l’égalitarisme : en bref, cela signifie que toutes les discriminations naturelles sont considérées comme une atteinte au devoir de vertu. C’est la conséquence ultime de l’individualisme exacerbé des droits de l’homme.
Restent les discriminations fondées sur l’argent qui, elles, demeurent licites…
Le projet de loi, actuellement présenté par le gouvernement Ayrault, visant à pénaliser les clients des prostituées, procède de cet ordre moral. Le mobile en est la lutte contre les discriminations entre hommes et femmes, ce qui va bien avec la théorie dite du genre (gender) qui prône l’indifférenciation.
Le fantôme de la prohibition
Les gens vertueux, ou affectant la vertu, doivent se méfier des accès du puritanisme qui conduisent à envisager un monde idéal, comme en rêvent tous les Robespierre du monde. Les Américains, titillés par le devoir de vertu si cher aux héritiers du Mayflower, ont tenté, entre 1920 et 1933, d’éliminer pour partie le vice en interdisant l’alcool : ce fut l’époque de la prohibition. Le résultat fut désastreux, le remède fut pire que le mal, les Etats-Unis connurent des désordres sociaux et économiques qui ne profitèrent qu’aux gangs et à la Mafia.
En pénalisant le chaland, cette fois encore le mal risque, à l’évidence, d’être pire que le mal ! La prostitution ne va évidemment pas disparaître, mais elle va passer, plus encore qu’aujourd’hui, dans l’opacité du marché noir, pour le bonheur des mafias étrangères que l’on prétend combattre.
En effet, qui la pénalisation va-t-elle dissuader ? Probablement celui que la maquerelle emblématique des Tontons flingueurs appelait l’ « affectueux du dimanche », entendez le micheton peinard, bonhomme insatisfait chez lui. Bien sûr, il craindra désormais que sa femme découvre ses écarts de conduite lors de la présentation, par un huissier, d’une citation à comparaître au Tribunal. C’est juste là une question de paix des familles.
Mais les autres clients, eux, alimenteront le marché noir et… le crime !
La Suède est prise en exemple par les abolitionnistes. Depuis 1999, en effet, elle punit le client de la putain, faisant reculer la prostitution de façon notable, disent les dames patronnesses du ministère des droits de la Femme. Soit. En revanche nos parangons de vertu oublient de dire que la Suède est le deuxième pays où il y a le plus de viols dans l’OCDE et, qui plus est, le pays qui connaît en Europe la plus forte augmentation des crimes sexuels. Entre 2005 et 2010 les crimes et délits sexuels y ont augmenté de 57%, alors qu’ils ont diminué, dans la même période, dans les pays ayant régulé la prostitution : -5% en Allemagne, -26% en Espagne, -38% en Hollande (source : <contrepoints.org>).
Putains et puritains : échec à la théorie du genre
Les puritains suédois et Najat Vallaud-Belkacem, la ministresse des droits de la Femme, pataugent dans la moraline et n’atteindront pas leurs objectifs, car ces derniers relèvent de l’utopie. Il n’y a que dans le palais de dame Tartine ou au pays des Bisounours qu’il n’y aura jamais de bordels. Tant pis pour la théorie du genre, mais Vallaud-Belkacem sera toujours déterminée par les layettes roses symboliques de ses premiers jours. Côté layettes bleues, il y a une chose qui lui échappe : c’est une hormone, la testostérone. Elle s’exprimera, quelles que soient les lois formelles, en fonction de sa propre loi : par la séduction, par l’argent ou par le crime.
Et, nonobstant la théorie du genre, même si la loi socialiste impose des layettes roses aux bébés mâles, la loi de la testostérone l’emportera quand les petits seront devenus grands.
Évitons le crime autant que faire se peut. De Louis IX (saint Louis) à Marthe Richard (1946), sur sept siècles, on avait trouvé la solution, par une réglementation dite de tolérance, pas par la prohibition.
Éric Delcroix
29/11/2013