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Projet de loi Peillon : dans la continuité de la destruction de l’École

Projet de loi Peillon : dans la continuité de la destruction de l’École

par | 28 décembre 2012 | Société

Projet de loi Peillon : dans la continuité de la destruction de l’École

Ce projet de loi n’est pas une « nouvelle lune » du nouveau ministre. Il s’inscrit dans la poursuite de la mise en œuvre de la « refondation » de l’École, du primaire à l’université incluse, engagée depuis plus de 10 ans, puisqu’elle résulte de l’adoption de la charte de Claude Allègre en 1999.

La logique du lieu de vie

Cette « refondation » a été déjà très largement engagée au cours du quinquennat précédent. Elle vise à assurer une véritable rupture dans la transmission des connaissances et de la formation intellectuelle par la suppression de tous les cours (interdit, désormais, d’assurer des cours) pour les remplacer par des activités appelées « projets d’élèves », activités au cours desquelles l’élève est censé construire son savoir sans qu’il y ait obligation de résultat préétabli et contrôlé.

Il ne s’agit donc plus d’une logique d’École mais de lieu de vie.

Des objectifs ambitieux ou des leurres ?

Dans son article 1er sont définis les objectifs (affichés). A ce niveau, évidemment, il n’y a rien à dire :

• « Rebâtir une École juste pour tous, exigeante pour chacun » ;
• « Élever le niveau de tous les élèves » ;
• « Maîtriser les connaissances de base en français et en maths fin de CE1 » ;
• « Maîtriser les instruments fondamentaux de la connaissance fin CE2 » ;
• « Diminuer le nombre d’élèves sortant du système scolaire sans qualification » ;
• « Réaffirmer des objectifs de + de 80% d’une classe d’âge au bac » ;
• « Donner la priorité à l’école primaire pour réduire les difficultés scolaires… »

En fait, il s’agit de ce que l’on pourrait appeler des « vœux pieux » si l’on était tenté de penser que l’intention existe. En réalité, ces pseudo-objectifs sont destinés à faire écran à une politique d’éducation qui poursuit des objectifs totalement inverses, comme nous allons le voir, et qui vont totalement à l’encontre de ce que les Français attendent de l’École.

Moyens humains : des emplois indifférenciés

60.000 créations de poste sont programmés au cours du quinquennat.

En réalité, il ne s’agit pas de programmer des postes d’enseignant mais d’ « emplois dans l’enseignement », emplois indifférenciés venant à la suite de la suppression de 80.000 postes d’enseignant et de 35.000 postes de surveillant sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy : il s’agit donc, en fait, de remplacer des enseignants diplômés par des « emplois » non qualifiés, ce qui permet déjà d’apprécier, à travers cette mutation du personnel d’encadrement, la révolution de l’Institution scolaire en lieu de vie.

Par ailleurs, il est stipulé : « …il y aura plus de maîtres que de classes… pour accompagner des pédagogies innovantes (sic) au service d’une amélioration significative des résultats… » (resic) ! Les « pédagogies innovantes », ce sont les activités en remplacement des cours : il faut donc davantage de personnel pour animer que pour enseigner, ce qui sera le cas du primaire à l’université.

La formation initiale se fera uniquement dans les IUFM rebaptisés « Écoles supérieures du professorat et de l’éducation » où les nouvelles recrues, vierges de toute connaissance, seront formatées pour faire de l’animation.

À noter que ces écoles seront chargées également de la formation continue pour reconditionner les enseignants à l’animation.

« Programmes » : le mot « connaissance » a disparu

En réalité, il n’y a pas de programmes puisque le texte stipule que «… les programmes définissent des compétences attendues » et des « méthodes de travail » à assimiler… ». Or, les compétences passent par des savoirs préalables à acquérir et ces savoirs ne sont aucunement définis : ce n’est pas l’objet de cette « refondation » !

Il est question, dans l’art. 6, de renvoyer à un décret la « fixation des éléments constitutifs du socle »… il n’est même plus formulé de « socle commun de connaissances » que les élèves étaient censés devoir acquérir à l’issue de la scolarité obligatoire, c’est-à-dire fin de 3e ; la formulation du mot « connaissances » a disparu, c’est dire !

L’ « éducation artistique et culturelle » est le pivot sur lequel va reposer la « refondation »

Il est stipulé qu’ « …elle se fait tout au long de la scolarité et … il est proposé d’adopter une approche globale qui couvre l’ensemble des enseignements mais aussi les actions éducatives sur les temps scolaires et périscolaires…», autrement dit les activités pseudo-culturelles dont les élèves vont être abreuvés serviront d’enseignement dans les autres disciplines ; elles remplaceront les cours de français, maths, sciences, histoire, géographie…

Par ailleurs, « …Il sera fait une grande place aux technologies de l’information et de la communication dans les programmes d’enseignement… et aussi par des enseignements spécifiques… », autrement dit une place importante sera donnée à l’usage de l’ordinateur.

Supprimer les évaluations pour supprimer les problèmes

Dans ce cadre, les évaluations traditionnelles sont obsolètes. Elles sont donc supprimées ou dénaturées.

Il est stipulé qu’ « …il y a suppression de l’obligation d’une évaluation prise en compte dans la suite de la scolarité… en raison de la difficulté d’évaluation et du rejet, par les enseignants, des outils d’évaluation lourds et peu coordonnés… ».

En effet, dans le cadre de ces activités déjà en œuvre en grande partie, les enseignants « s’arrachaient les cheveux » car comment noter alors que l’activité est choisie par l’élève et que rien n’est défini au départ comme résultat à atteindre ? Les grilles d’évaluation étaient d’une complexité ahurissante !

Donc, plus d’évaluation, plus de problèmes : en cassant le thermomètre, le malade est guéri !

Dans la foulée, il est prévu la suppression de l’article qui détaille les acquis validés par le brevet et prévoit de fixer ses conditions d’attribution par décret, « …l’évolution du socle commun nécessitant de repenser le rôle de ce diplôme au terme de la scolarité obligatoire… » (sic) et, dans la foulée, le bac sera modifié « …afin d’expliciter les objectifs du diplôme… » (resic).

Donc suppression ou dénaturation des évaluations à tous les niveaux, puisque les évaluations existantes dans le cadre des cours apprécient des connaissances et que ce n’est plus l’objet de la « refondation ».

Organisation de l’École en « cycles »

Le projet de loi stipule que « …les progressions prévues par les programmes ne seront plus nécessairement annuelles… », que « le principe des cycles pourra ainsi être réellement mis en œuvre » et que « leur nombre et leur durée seront fixés par décret… ».

La notion de classe est donc appelée à disparaître, ce qui est logique puisque, dans un cadre de lieu de vie où les enfants s’adonnent seulement à des activités, il n’y a pas de niveau à atteindre et les cycles permettant le regroupement d’élèves de niveaux et d’âges différents seront la règle.

Regroupement école primaire/collège

Pour ne pas effaroucher le public sur la primarisation du collège, le texte stipule simplement la « relation école/collège » (l’adjectif primaire est supprimé).

Il est prévu la mise en place d’ « enseignements ou de projets pédagogiques communs » et … l’ « institution d’un conseil école/collège pour faire des propositions à cet égard, les modalités figurant dans les projets d’établissements et d’écoles… ». Donc, activités en commun école primaire/collège, ce qui se conçoit également dans un système où il n’y a pas de niveau à atteindre.

Dans ce contexte, le principe du collège unique est forcément réaffirmé avec, par surcroît, la suppression des dispositions de la loi Cherpion du 28/07/11 qui prévoyait une initiation aux métiers en alternance pour les jeunes de moins de 15 ans.

Survalorisation de la langue étrangère au détriment du français

Alors qu’aucun contenu n’est défini par ailleurs dans les « programmes » où il n’est question que de « compétences » à acquérir, a contrario, pour la langue vivante étrangère dont l’enseignement doit commencer en CP, il est stipulé qu’il faut : « …insister sur la formation en langue vivante étrangère en préférant le terme d’enseignement (sic) à celui, plus vague, d’apprentissage utilisé dans la rédaction actuelle… ».

Poursuivant ainsi, « …il convient de mettre un accent particulier sur la maîtrise des langues vivantes. Proposition d’un « véritable enseignement (bis repetita placent … de peur que l’on n’ait pas compris !) en langue vivante obligatoire dès le début de la scolarité obligatoire (CP)… »

Par ailleurs, il est stipulé que « …la fréquentation d’œuvres et de ressources pédagogiques en langue étrangère est favorisée… ».

Autrement dit, d’une part, seule la langue vivante étrangère est enseignée mais également la culture qui y est attachée, « fréquentation d’œuvres » : rien de tel pour le français. A noter également que « …les ressources pédagogiques », c’est-à-dire la documentation mise à la disposition des élèves d’une façon générale, doivent se faire prioritairement en langue étrangère.

Il est donc très clair que cette survalorisation de la langue étrangère marque la volonté d’effacer notre identité culturelle française chez nos enfants en imprimant une culture étrangère dès la prime enfance pour les amener à s’identifier à cette culture.

Conclusion

Vide du contenu des connaissances à acquérir et de la formation intellectuelle, ce projet de loi marque le fait que l’ « École de France » – publique et privée sous contrat – n’en est plus une. Elle devient une « auberge espagnole », sauf en langue vivante étrangère.

Il apparaît donc urgent de nous mobiliser en masse pour exiger les moyens de la liberté scolaire pour tous les enfants, face à ce qu’il est convenu d’appeler un drame national.

Claude Meunier-Berthelot
21/12/2012

Nos lecteurs pourront aussi se reporter à

  • Claude Meunier-Berthelot, Comprendre la « refondation « de l’école en 25 leçons, éditeur Trianons, novembre 2012, 144 pages, 15 € . A commander à chapitre.com
  • Contributrice régulière de Polémia, Claude Meunier-Berthelot y décrit avec une belle alacrité la spirale du déclin de l’éducation nationale.

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