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Proche-Orient, Ukraine : la France paye son inertie diplomatique

Proche-Orient, Ukraine : la France paye son inertie diplomatique
Proche-Orient, Ukraine : la France paye son inertie diplomatique

« Il n’y a pas de problème dont l’absence de solution ne finisse par venir à bout ». »

Le crash du vol de la Malaysia Airlines abattu par un missile au-dessus de l’Ukraine orientale et l’offensive israélienne contre le Hamas à Gaza montrent à quel point les pays européens ne peuvent plus prétendre rester à l’abri des conflits qui se multiplient dans leur environnement le plus proche.

Jusqu’à récemment, l’Europe se considérait comme un havre imprenable de prospérité et de stabilité. Elle ne pouvait que susciter l’envie de ses voisins. La force de l’exemple tenait lieu de politique étrangère. La crise de la zone euro a sonné le glas de cet âge d’or. Bousculée par les marchés financiers, l’Union a perdu son pouvoir de séduction. Mais sa fragilité n’est pas seulement d’ordre économique. Elle est aussi à la merci d’un environnement international qui se dégrade inexorablement. À ses frontières, la déstabilisation de l’Est et du Sud fait désormais sentir ses effets au sein même de chacun des pays du continent.

L’émotion suscitée par la mort de 211 passagers européens (sur 298) du vol MH 17 parti d’Amsterdam, pour la plupart néerlandais, confère une proximité nouvelle à la guerre civile qui s’installe en Ukraine. Quelles que soient les responsabilités exactes des uns et des autres dans le drame, nul ne peut ignorer, ou même minimiser, le conflit entre pro-Russes et pro-Occidentaux aux portes de l’Europe. Il y a urgence à au moins rechercher une solution qui aille au-delà de l’imposition de sanctions contre le Kremlin, décidées à contrecœur, faute de meilleure option.

De la même manière, les émeutes de Barbès et de Sarcelles confirment combien le conflit israélo-palestinien nous est proche. Il y a longtemps que l’impasse au Proche-Orient est instrumentalisée par les éléments les plus radicaux de la communauté musulmane. Chaque flambée de violence là-bas, toujours pour les mêmes raisons, suscite une montée de plus en plus forte des tensions ethniques en France, le pays d’Europe où juifs et musulmans sont les plus nombreux.

Peu importe que les islamistes du Hamas ciblent les civils israéliens tout en prenant en otage la population de Gaza, la violence de la réaction de Tsahal est prétexte à un déchaînement de haine qui sert les artisans de la radicalisation des banlieues et des quartiers difficiles. Inutile de clamer que le conflit israélo-palestinien « ne doit pas être importé », comme l’a promulgué François Hollande le 14 juillet, le mal est déjà fait ; depuis longtemps.

Les actes terroristes et antisémites commis par Merah, à Toulouse, et Nemmouche, à Bruxelles, participent de cette « importation » galopante des conflits moyen-orientaux. Ils rappellent combien il serait absurde de croire l’Europe à l’écart du chaos qui se propage de la Libye à l’Irak en passant par la Syrie, où sévissent des milliers de djihadistes venus de ce côté-ci de la Méditerranée. Comme les attentats, mais de façon plus collective, les émeutes « pro-palestiniennes » donnent la mesure de l’échec de l’assimilation de larges segments de la population musulmane en France. Il serait temps d’en tirer des conséquences volontaristes sur le plan interne et, aussi, de s’engager à bras le corps dans la recherche d’une stabilisation du Proche Orient, en privilégiant clairement la lutte contre les islamistes radicaux.

Le conflit israélo palestinien n’est plus aussi central qu’il a pu l’être pour l’avenir de la région, mais ce qui se passe à Gaza montre qu’il n’a rien perdu de sa capacité à mettre le feu aux poudres. Personne ne peut se voir reprocher de n’avoir pu imposer un accord, mais le fait d’avoir abandonné tout effort pour amener les deux parties à retrouver le chemin d’un processus de paix digne de ce nom est une lourde responsabilité pour les diplomaties européenne et française. Cela ne peut qu’encourager le travail de sape des intégristes.

Cette inertie diplomatique est générale. Elle se paye aussi dans les relations avec Moscou. Si l’adoption de sanctions européennes contre le Kremlin à l’instigation de Washington peut semer le doute à Moscou, elle a aussi ses limites. Ne faudrait-il pas œuvrer davantage à un accord acceptable par la Russie comme par l’Ukraine ? L’affaire des Mistral donne à la France une responsabilité particulière. Plutôt que de nous mettre dans une situation bientôt intenable à l’égard de nos alliés, cette livraison d’armements, dont la dimension symbolique est évidente, ne pourrait-elle pas servir de moyen de pression ? Par exemple, s’il était exigé, en retour de garanties raisonnables, que la Russie cesse d’armer les séparatistes ? Là encore, la solution n’est certainement pas simple. Encore faudrait-il se montrer déterminé à la rechercher. Voilà ce que l’on attend de la diplomatie française.

« Il n’y a pas de problème dont l’absence de solution ne finisse par venir à bout ». L’aphorisme célèbre du petit père Queuille semble être devenu la devise de notre politique étrangère. Elle s’applique au conflit israélo-arabe comme aux relations avec la Russie. Dans les deux cas, des intérêts nationaux sont en jeu sans que la France ne soit en mesure de défendre une position claire. L’attentisme ne nous mettra pas à l’abri des périls de ce monde.

 Pierre Rousselin
Directeur adjoint de la rédaction du Figaro chargé de l’International depuis 2004
Source : blog.lefigaro.fr/geopolitique/
24/07/2014

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