Michel Geoffroy, essayiste
♦ Jeudi soir, on pouvait voir sur la chaîne 10 un film extravagant dont Hollywood a le secret : Pay The Ghost, l’histoire d’un père, incarné par Nicolas Cage, qui part à la recherche de son fils séquestré par… un fantôme. Un scénario absurde, me direz-vous.
Mais finalement pas plus ridicule que le débat de la primaire qui nous était infligé sur les autres chaînes.
Un concours de médiocrités
Le débat télévisé des candidats à la primaire de la droite était en effet organisé de telle façon qu’aucun d’eux ne pouvait prendre l’ascendant sur les autres. On avait donc organisé un concours de médiocrités télévisuelles. Il faut dire qu’à la télévision, la médiocrité, on sait faire.
C’est sans doute pourquoi les sondages nous disent qu’Alain Juppé se serait plutôt bien sorti de l’exercice.
Tel était d’ailleurs sans doute le but réel de l’opération télévisuelle puisque les médias chouchoutent ledit candidat.
L’impuissance en direct
L’idée même de cette primaire télévisuelle revêtait en outre une horreur significative. Bien pire que celle de Pay The Ghost.
Car de quoi s’agissait-il ? De nous démontrer l’impuissance dramatique de ce que les médias de propagande s’obstinent à appeler la droite.
Car enfin, à 6 mois des élections présidentielles de 2017, c’est-à-dire d’une échéance capitale dans les institutions de notre pays, ces messieurs de « la droite » ne sont donc toujours pas capables de se mettre d’accord sur qui portera leurs couleurs. Au point de prendre les téléspectateurs à témoin de leur inaptitude à se rassembler.
L’économie stagne, le chômage explose, l’immigration n’est plus sous contrôle, le terrorisme est à nos portes, la diplomatie française nous conduit à l’aventure, mais « à droite », on ne sait toujours pas quel revenant mettre en avant. On a les priorités que l’on peut.
Le congrès du mouvement ondulatoire unifié
Le combat des chefs importe manifestement plus à ces messieurs-dames que la politique à mettre en œuvre pour redresser la situation.
Car le choix de la primaire n’est pas politique mais politicien.
Pas plus qu’elle n’a de leader, cette « droite » n’a de programme. Selon les candidats à la primaire, en effet, on supprime ou on ne supprime pas l’ISF ; on arrête ou on n’arrête pas les fichés S ; on revient ou on ne revient pas sur la loi Taubira.
Comment peut-on imaginer que sur de tels sujets on puisse avoir des positions aussi fluctuantes si on se prétend de la même mouvance politique ?
Jeudi soir, on nous montrait non pas la primaire de la droite, mais le congrès du « mouvement ondulatoire unifié », cher à l’humoriste Pierre Dac ! Sauf que ce n’était pas drôle du tout.
Un choix convenu
A l’exception peut-être des prises de position décapantes de JF Poisson – dont les chances apparaissent minces cependant – le choix de la primaire est de toute façon convenu.
On pourrait même dire qu’il est truqué : car il s’opère entre des revenants, plus ou moins âgés, qui promettent de faire demain ce qu’ils n’ont jamais pu réussir jusqu’alors et des candidats « nouveaux » mais politiquement corrects. Donc déjà usés par le Système avant même de commencer à espérer accéder à la candidature.
Ne pas mettre de cravate ne suffit pas pour se renouveler.
Le tout-à-l’égo
La primaire voudrait nous faire croire que « la droite » croulerait sous les talents, alors qu’elle ne croule que sous les ambitions et le choc des égos.
Car on se presse au portillon de la présidentielle, non pour affronter les périls qui menacent notre pays, mais pour profiter, croit-on, du désastre annoncé du président sortant. Nuance.
En d’autres termes, le changement ne sortira pas du chapeau de la primaire. On aura au moins appris cela jeudi soir.
Mais les personnages de Pay The Ghost étaient décidément plus intéressants !
Michel Geoffroy
15/10/2016
Michel Geoffroy, ENA. Essayiste, contributeur régulier à la Fondation Polémia; a publié en collaboration avec Jean-Yves Le Gallou différentes éditions du “Dictionnaire de Novlangue”
Correspondance Polémia – 16/10/2016
Image : La primaire de la droite