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Préface à « Sous haute surveillance politique » de Philippe Randa

Préface à « Sous haute surveillance politique » de Philippe Randa

par | 24 mars 2011 | Médiathèque

Préface à « Sous haute surveillance politique » de Philippe Randa

L’adjectif « chronique » désigne quelque chose qui dure longtemps. Un mal chronique par exemple. Précisément, les chroniques de Philippe Randa, dont il nous livre la huitième livraison, concernent une maladie durable. C’est celle de notre pays. Comment nommer ce mal ?

Le mal français

Comme toutes les maladies graves, elle a plusieurs aspects. Elle atteint le corps et l’âme. Elle vient à la fois du corps et de l’âme. C’est la maladie d’un pays qui vit à crédit, mais c’est aussi et surtout la maladie d’un pays qui ne se respecte plus, c’est la maladie d’un pays qui accepte une immigration de peuplement et de remplacement, mais aussi qui dévalorise le travail manuel, c’est la maladie d’un pays qui donne des leçons de morale au monde entier et ne montre pourtant que l’exemple de l’assujettissement volontaire aux Etats-Unis, d’un pays ubuesque qui prétend réduire la criminalité tout en licenciant des compagnies de CRS, dont les gouvernants ont affiché la proposition de « travailler plus pour gagner plus », alors qu’ils n’ont en réalité su que faire venir plus d’étrangers pour faire baisser plus encore les salaires. C’est le drame d’un pays où les collusions entre les « élites », de droite comme de gauche et les grandes entreprises n’ont jamais été aussi flagrantes, jusqu’à devenir caricaturales.

Un pays schizophrène dirigé par des imposteurs

Bref, notre pays est schizophrène et il accepte d’être dirigé par des imposteurs. Il grogne contre ceux qui lui mentent et ne se donne pas les moyens de les sortir du jeu politique. Notre pays ne veut pas prendre de risque. Aussi, il reconduit au pouvoir la vieille droite et la vieille gauche et il prend tout simplement le risque de mourir. Il est vrai que tout est mis en œuvre par les élites pour développer les faux choix.

Les faux choix pour que « tout bouge sans que rien ne change »

Si vous êtes anticapitalistes, l’ultragauche vous propose de rejoindre son combat mais vous impose plus d’immigrés et des régularisations automatiques des sans papiers. Si le déclin du sens des responsabilités vous insupporte, la droite vous propose son prêt à penser pro-américain, la collaboration à des expéditions néo-coloniales en Afghanistan, et un anti-islamisme instrumentalisé pour accréditer la thèse du choc des civilisations et vous solidariser avec toutes les entreprises atlantistes présentes et à venir. Comme peut-être, demain, une croisade contre l’Iran. Au nom de la « liberté » et des « droits de l’homme » bien sûr. Et peut-être, demain encore, le choix électoral en France sera-t-il : Sarkozy ou Strauss-Kahn ? Et, pour les penseurs, pourquoi pas : Jacques Attali ou Alain Minc ? Au plan politique, le « système », comme disait Jean Maze (auteur de L’anti-système, 1960), met en place de faux choix pour que « tout bouge sans que rien ne change ».

La dépolitisation orchestrée par les élites

C’est une entreprise scélérate qui, jusqu’ici, a plutôt bien marché (pour ses promoteurs) et a fait sortir notre pays de l’histoire jusqu’à lui supprimer toute conscience de soi. On comprend pourquoi, comme l’écrit Philippe Randa, la nouvelle disposition juridique sur le référendum dit d’initiative populaire est tellement encadrée, est tellement mise « sous haute surveillance politique » – c’est le titre de son livre – que ce référendum ne risque guère d’être le moyen d’un réveil du peuple, si celui-ci était frappé d’un éclair de lucidité et sortait de la dépolitisation soigneusement orchestrée pour que les « élites » continuent de jouir du pouvoir sans être dérangées. Il est vrai qu’il y a aussi l’anesthésie que Philippe Randa appelle fort bien « l’information du vide » : 20 mn consacrée à la météo, « attention il fait froid, couvrez vous « ou bien « attention, il va faire chaud, buvez ».

Et pourtant, ce pays, je l’aime et Philippe Randa l’aime aussi. C’est pourquoi il en parle tant, avec ironie, sans illusions excessives, mais avec quelque tendresse aussi. Car notre pays fut grand et se porta haut et loin. Un pays est une porte vers l’universel. Si on refuse de passer la porte, on reste tout le temps chez soi. Si la porte est tout le temps ouverte, ce n’est plus une porte et la maison se délabre et à terme s’effondre.

L’éloge des frontières, éloge des différences non de l’enfermement

C’est pourquoi l’éloge des frontières que fait Régis Debray dans son récent livre n’est pas l’éloge de l’enfermement, c’est l’éloge des différences, ce qui est tout autre chose. C’est pourquoi l’accueil de quelque 200.000 étrangers supplémentaires (au bas mot et hors les clandestins) tous les ans en France est une folie. « Derrière la disparition apparente des identités, écrit de son coté Hervé Juvin, derrière la disparition apparente de tous ce qui sépare les hommes, nous sommes en fait en train d’assister à un régime de séparation infiniment plus rigoureux que les autres, sauf qu’il est fondé sur une chose et une seule chose, votre utilité économique, et, pour le dire ainsi, votre patrimoine et votre pouvoir d’achat. »

Oui, ces chroniques de l’année 2010, qui portent sur des événements que nous avons tous en mémoire, nous restituent un climat, une ambiance, celle d’une France qui s’oublie, qui oublie les rapports de force dans le monde, qui oublie la différence des civilisations, qui n’est pas forcément leur choc mais qui est leur altérité, et qui est l’altérité même des hommes et des communautés, même les plus petites ou les plus spécifiques, telles que Michel Maffesoli en fait l’analyse depuis des années.

Hervé Juvin le dit encore : « La demande identitaire, comme le retour au politique et à la frontière, sont les éléments centraux de la sortie de la crise mondiale. » Le localisme comme échelon du sociétal et de l’économique, le national comme échelon du politique, la civilisation européenne comme échelon du projet, du mode d’être-ensemble et voie vers un universel différencié, telles sont les moyens, à notre portée, d’un ordre nouveau et impérial. Tout le contraire de l’impérialisme du nouvel ordre mondial.

Pierre Le Vigan
10/03/2011

Philippe Randa, Sous haute surveillance politique. Chroniques barbares VIII, Dualpha, 2011, 264 pages, 23 Euros.

Pierre Le Vigan

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