Alors que l’Union européenne apporte la preuve flagrante de son incapacité à faire face à une vague migratoire sans précédent et que les sondages montrent que les autochtones sont de moins en moins disposés à accueillir toujours plus de réfugiés, le Système a décidé de faire donner l’artillerie médiatique dans deux registres principaux : le registre compassionnel d’abord qui se sert cyniquement de la mort par noyade du petit Aylan Kurdi, intervenue à point nommé pour faire accepter les quotas de réfugiés que réclamait Mme Merkel. Le registre positif ensuite, porté principalement par le patronat, destiné à nous faire croire que les réfugiés migrants sont une nouvelle chance pour nous. Bref l’émotion pour le bon peuple et le calcul économique pour les bobos.
Les quatre commandements
Le discours oligarchique et donc médiatique relatif aux immigrants doit en effet obéir à quatre commandements de correction politique :
Il doit d’abord toujours être compassionnel : les immigrants sont toujours des victimes : dans leur pays d’origine et bien sûr chez nous, puisqu’ils sont en butte au « racisme » et aux « discriminations » de toutes sortes. D’ailleurs le mot immigrant ou immigré tend pour cette raison à disparaître du vocabulaire officiel au profit de celui, plus neutre, de migrant et ceux,plus compassionnels, de réfugié ou de naufragé. Comme un rom devient par la magie des médias, un pauvre itinérant.
Ainsi il ne s’agit plus de faire face à un afflux incontrôlé d’immigrants qui veulent s’installer de force en Europe, mais seulement d’accueillir des réfugiés en danger. Ce qui permet de transformer l’impuissance européenne à protéger ses frontières, en vertu charitable.
Le discours à l’égard des immigrés doit ensuite toujours être lénifiant : les immigrés sont de braves gens qui viennent chez nous à la recherche d’une vie meilleure et pour travailler. Cela se traduit dans le fameux mot d’ordre pas d’amalgame ! Par principe les immigrés notamment ceux de religion musulmane ne font jamais rien de mal. Il n’y a aucun rapport entre délinquance et immigration, comme il n’y a aucun rapport entre islam et terrorisme et comme il n’y a aucun rapport entre immigration, déficits publics et chômage. Et si une personne d’origine immigrée commet un délit ou un crime, ce qui est bien sûr extrêmement rare, ce ne peut-être que par accident ou par suite d’un coup de folie. On nous décrit alors toujours le délinquant sous les traits d’un gentil garçon, un peu paumé, jusque-là sans histoires, même s’il avait commis de menus larcins auparavant.
Symétriquement le discours relatif à l’immigration doit toujours culpabiliser les autochtones : les Français notamment, toujours coupables de ne jamais assez bien accueillir nos hôtes et l’Europe de vouloir fermer ses frontières ou devenir une forteresse. Les Français sont coupables de ne jamais intégrer les étrangers de façon suffisante. De ne pas les aider à vivre leurs différences. De ne jamais en accueillir assez comme viennent de nous y inviter les 222 « personnalités du monde de la culture » qui ont signé un appel en ce sens dans Télérama[1].
Enfin le discours relatif à l’immigration doit toujours rester positif : l’immigration est bien sûr une chance pour nous, une chance pour l’Europe et pour la France. On nous explique ainsi depuis 30 ans [2] que l’immigration va doper notre démographie, qu’elle va sauver nos retraites et l’équilibre de nos régimes sociaux et qu’elle va dynamiser notre économie grâce en particulier aux nombreux talents qu’elle nous apporte. Alors que bien sûr si nous nous privions de ce formidable apport, la France ne pourrait que décliner irrémédiablement.
Exemple pratique
L’article que vient ainsi de signer Jean-Baptiste Jacquin dans Le Monde du 4 septembre dernier et intitulé « les migrants une chance et non un danger pour l’économie » présente un condensé saisissant de la façon dont est mise en œuvre la communication positive autour de l’immigration. Cet article donne le ton de la campagne actuellement relancée sur ce thème [3] dans les différents médias, avec un bel ensemble.
Sans revenir en détail sur son contenu, cet article illustre les techniques de désinformation utilisées pour ce faire.
C’est vrai puisque ce sont les experts qui nous le disent
D’abord le recours aux fameux experts, économistes et autres chercheurs du CNRS que le journaliste cite à profusion.
Ils ont en effet pour fonction de nous asséner la doxa : « aucun économiste n’a jamais réussi à démontrer un lien évident entre immigration et chômage et quand il y a un lien, il est positif pour le marché de l’emploi », « la contribution des immigrés à l’économie est supérieure à ce qu’ils reçoivent en termes de prestations sociales ou de dépenses publiques », « les économistes balayent cette crainte de voir l’immigration tirer vers le bas les salaires ou prendre des emplois » etc…
Il s’agit du recours à l’argument d’autorité car comme Le Monde se veut un journal de référence, l’avis des prétendus experts importe. Même si le journaliste ne cite curieusement aucune référence précise et même s’il passe sous silence les analyses contraires.
Notre journaliste se garde bien en effet de faire preuve du moindre esprit critique même lorsque ces experts tiennent des propos pour le moins étonnants, sinon loufoques. Ainsi par exemple si les réfugiés érythréens peinent à s’intégrer sur le marché du travail c’est notamment parce qu’ils… n’auraient pas eu le temps d’emporter leur diplômes avec eux. Ou bien encore l’affirmation selon laquelle « en accordant le statut de réfugié plus rapidement cela permet de passer plus vite à la phase d’intégration » : imparable !
C’est vrai puisque c’est le MEDEF qui nous le dit
Ensuite le journaliste s’empresse de donner la parole au patronat, par la bouche de L. Arnaud président de l’Oréal France et de la Commission Europe du Medef, ce qui constitue à n’en point douter, un gage de sérieux dans l’analyse de l’immigration.
Notre expert du MEDEF affirme (le journaliste écrit qu’il tempête, sans doute pour donner plus de poids aux dires d’icelui ) qu’on ne peut pas empêcher les migrations. Mais pourquoi au fait ? Parce que pour L. Arnaud, nous sommes insupportablement riches alors que l’Afrique n’est pas assez développée.
Vous avez compris : c’est donc encore de notre faute. Les smicards apprécieront. Mais il est vrai qu’ils ne lisent pas forcément Le Monde tous les jours.
Les migrants viennent nous aider
Par contre bien sûr, comme ils sont gentils, les réfugiés migrants vont beaucoup nous aider. C’est cette fois un chercheur du CNRS[4] que Jean-Baptiste Jacquin appelle en renfort.
En effet, selon ce chercheur, les migrations « accélèrent la promotion sociale des natifs », car « alors que les natifs délaissent la formation et l’orientation vers les filières sans perspectives, ce sont les étrangers qui viennent répondre aux besoins du marché de l’emploi ». Au moment où les inégalités sociales augmentent, où la classe moyenne décline et où l’ascenseur social ne fonctionne plus on appréciera la profondeur de cette analyse.
Il ne vient pas en tout cas à l’idée du journaliste qu’il pourrait au contraire se produire un effet d’éviction au dépens des natifs du fait même de l’arrivée des migrants. Ni que les « filières sans perspectives », auraient pu devenir plus attrayantes si le patronat avait mené une politique salariale adéquate. Non il faut s’en tenir à l’antienne du MEDEF : les immigrés répondent aux besoins du « marché de l’emploi », ce qui est essentiel en effet. Surtout si l’on traduit l’expression marché de l’emploi par intérêt du patronat.
Enfin on appréciera l’affirmation finale d’un autre expert,cette fois de l’OCDE, selon laquelle c’est la …..rigidité du marché du travail français qui ne faciliterait pas l’intégration de nos braves migrants. Affirmation qui par un heureux hasard entre en résonance avec le débat actuellement lancé sur l’allègement du Code du Travail.
M. Jean-Baptiste Jacquin, on le voit, est un excellent journaliste : respectueux des lois du conformisme politiquement correct, il a bien mérité du MEDEF.
Michel Geoffroy
Notes
[1] Le 9 juillet 2015
[2] Depuis la parution en 1985 du livre de Bernard Stasi, « l’immigration une chance pour la France »
[3] Voir aussi l’article d’Eric le Boucher dans Les Échos du 4 septembre 2015 « l’immigration sera la chance de nos économies »
[4] Thibaud Gadjos
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