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Politique étrangère et langue de Molière

Politique étrangère et langue de Molière

par | 20 janvier 2014 | Société

Politique étrangère et langue de Molière

Affligeante évolution de notre langue, triste appauvrissement linguistique du français, dégradé et amoindri, sacrifié sur l’autel égalitariste du nivellement par le bas. Aux oubliettes le passé simple et la concordance des temps, le vocabulaire et le vouvoiement, place au français simplifié à l’extrême et mort à l’orthographe ! Il parait que le berger allemand comprend jusqu’à 120 mots, cela lui laisse une certaine avance sur nos nouvelles espèces…

Mais si le français est aujourd’hui réduit à son minimum vital chez nous, il n’en est pas de même en dehors de nos frontières où il reste apprécié et reconnu comme langue belle et complexe, symbole de culture et de raffinement.

On estime aujourd’hui le nombre de locuteurs réels du français à environ 250 millions, dans l’ensemble des pays membres de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Pour certains, le français est la langue maternelle de la grande majorité de la population, pour d’autres, le français est la langue administrative, ou une deuxième ou troisième langue, comme en Afrique subsaharienne. Enfin, dans d’autres pays membres de la communauté francophone, comme en Roumanie, où un quart de la population a une certaine maîtrise du français, le français n’a pas de statut officiel mais il existe d’importantes minorités francophones et grand nombre d’élèves l’apprennent en tant que première langue étrangère à l’école. Il existe d’autres pays, comme le Liban, où la langue française a un statut encore important quoique non officiel.

Avant d’aller plus avant, il convient de faire un bref rappel historique de ces notions de francophonie ou de communauté francophone au sens politique de son acception.

Le 24 juillet 1967, Charles De Gaulle lance son fameux «Vive le Québec libre» et initie ainsi l’idée que la France doive entretenir des relations privilégiées avec les pays francophones.

L’idée de constituer un regroupement de pays francophones, à l’instar du Commonwealth qui lie entre elles les nations attachées autrefois à la couronne britannique, a été d’abord mise en avant par Léopold Sédar Senghor (président du Sénégal), Hamani Diori (président du Niger), Norodom Sihanouk (chef de l’État du Cambodge), sans oublier Jean-Marc Léger (devenu haut fonctionnaire canadien). Cette idée s’est largement exprimée lors de la première conférence de Niamey (1969), à laquelle a participé André Malraux, ministre de la culture de la France envoyé par le général De Gaulle.

L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) compte 68 États et gouvernements membres dont 13 pays observateurs. La population totale des États et gouvernements membres de l’OIF est de 803 millions de personnes. Un pays membre de l’ONU sur trois est aujourd’hui membre de l’OIF ou observateur.

On distingue mieux, éclairé de ces éléments, l’importance que peut avoir la francophonie dans les relations internationales de la France, alors que l’anglais, lui aussi simplifié (globish) devient l’incontournable langue de communication planétaire.

Rappelons que si l’anglais domine aujourd’hui les relations internationales, il n’en a pas toujours été ainsi. François Pitti Ferrandi, doyen de la Sorbonne nous évoque certaines traces du passé :

« Les devises royales anglaises sont toujours en français : “Honni soit qui mal y pense ” qui date de 1348 et “Dieu et mon droit”. Ce n’est que vers 1480 que le français fut remplacé par l’anglais dans les discours de la Chambre des Communes. Notons en passant que la devise de la Hollande est française aussi : “Je maintiendrai” À l’étranger, le français était souvent mieux connu qu’en France. »

Sait-on, par exemple, que Marco Polo, en 1296 dicte en français le récit de son voyage ? Dante lui-même, qui avait refusé le latin pour son œuvre, a songé à écrire en français la célèbre Divine Comédie. En Allemagne, Leibniz écrivait le plus souvent en français. Frédéric II de Prusse remplace le latin par le français à l’Académie de Berlin et correspond avec Voltaire. À Saint-Pétersbourg, les mémoires de l’Académie sont rédigés en français sous Catherine la Grande. En 1783, l’Académie de Berlin institue un concours sur le sujet suivant : “Qu’est-ce qui a rendu la langue française universelle ? ”. Le seul fait de proposer ce titre en Allemagne est significatif par lui même. »

On le voit, la francophonie a un long passé diplomatique et cela doit perdurer afin d’une part de préserver à la France son rang au travers de ce réseau privilégié de pays francophones et d’autre part de permettre à ces pays de s’exprimer d’une voix peut-être plus singulière que s’ils venaient à se noyer dans l’anonymat uniforme anglophone.

Maurice Druon, ancien ministre et secrétaire perpétuel de l’Académie française nous parle de cette communauté de langue et exprime le double aspect politique et culturel de l’initiative : « En fait, c’est un Commonwealth à la française qui est en train de se créer. D’ailleurs c’était bien là l’idée première de Senghor. » La francophonie reste la dernière survivance de la grandeur de la France. Prenons garde à préserver cet inestimable trésor légué par nos aïeux.

Hélène Carrère d’Encausse dans son remarquable discours prononcé à l’Académie française le 05 décembre rappelle l’essentiel :

« Chaque époque a ses tâches, mais l’ambition reste la même, servir la France en tant que nation, mais aussi en tant que vecteur de civilisation, source de pensée universelle. »

Gérard Hardy
Espace Français
13/01/2014

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