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Peines de probation : l’indécence d’État

Peines de probation : l’indécence d’État

par | 29 août 2013 | Société

Peines de probation : l’indécence d’État

Le président de la République, certes, ne fait pas honte à ceux qui l’ont élu à cause de son comportement personnel et de sa pratique du pouvoir. Le fond de sa politique, c’est autre chose ! 
Le Premier ministre ne cesse de rappeler, tant l’inverse est éclatant, que la seule ligne du gouvernement est de vouloir instaurer une justice à la fois ferme et efficace (France 2).
Mais, quand on a pris acte de cette dignité présidentielle et de cet affichage de rigueur, il y a le reste. Tout le reste.

Ce rapprochement ne regarde que moi mais je n’ai pu m’empêcher de relier ces derniers jours les reniements à répétition faussement habiles de Manuel Valls, le délire des jeunes socialistes éperdus devant Christiane Taubira, le triomphe de celle-ci à La Rochelle, l’annonce de la peine de probation et la mort héroïque, à 61 ans, de Jacques Blondel à la suite d’un vol à main armée à Marignane, dans un bar-tabac, par deux jeunes malfaiteurs dont l’un a tué celui qui avait eu le courage d’intervenir (Le JDD, Le Parisien, Le Figaro).

Une indécence déchirante et scandaleuse entre la réalité d’une société et ses tragédies au quotidien d’une part et de l’autre les jeux politiciens, le laxisme auquel l’idéologie de Christiane Taubira prétend donner ses lettres de noblesse et les applaudissements frénétiques de militants aveuglés.

Il est évident que le garde des Sceaux n’est pas coupable de chaque transgression délictuelle et /ou criminelle. Elle n’est pas embusquée derrière chaque acte odieux, chaque sauvagerie, chaque dysfonctionnement judiciaire mais le climat qu’elle crée par sa politique ou plutôt son absence oralement somptueuse de politique – attendons le 30 août – ne manque pas d’avoir une incidence sur l’inventivité sombre de notre société et de certains de ses membres, tant la faiblesse proclamée, théorisée et approuvée au plus haut niveau facilite la libération des pulsions délétères de citoyens qui s’accommodent fort bien d’une France qui se laisse aller, qui laisse aller.

Comment en effet ne pas s’émouvoir de l’unique préoccupation de la ministre qui est de réduire la surpopulation carcérale au risque, démontré chaque jour, d’amplifier l’insécurité ? Comment les transgresseurs d’aujourd’hui ou de demain, qui ne sont pas tous obtus et engendrés par la désinsertion sociale, seraient-ils retenus d’accomplir le pire quand seule la prison est dénoncée, et ses conséquences néfastes réelles ou fantasmées, mais jamais son utilité et sa triste nécessité affirmées ?

Le problème crucial, en ces temps où, quoi qu’on pense des statistiques, la délinquance et la criminalité ne baissent pas impose non pas d’éviter coûte que coûte l’enfermement à ceux qui le méritent mais au contraire de mettre fin à la scandaleuse inexécution d’au moins 100 000 peines. Si on tient à s’apitoyer avec efficacité, il s’agit au moins en même temps de composer avec cette surpopulation – qui est une donnée incontestable – en tentant par diverses modalités d’y remédier, tout en assurant la sauvegarde des personnes et des biens. La surpopulation ne démontre pas qu’il y a trop de condamnés mais qu’il n’y a pas assez de prisons. Et qu’on me fasse la grâce de ne pas prendre une telle pensée pour une sévérité maladive mais pour un constat lucide.

Ce qui me semble vicier fondamentalement la mansuétude doctrinaire de la garde des Sceaux est le soupçon absurde, implicitement ou explicitement exprimé, qu’une pluralité de possibles, en face des infractions de toutes sortes, est à la disposition des magistrats qui pourraient choisir à tout coup les solutions non carcérales sans offenser l’intérêt social ni sous-estimer la dangerosité de certains parcours de rupture et de violence.

Cette approche si peu fondée est d’autant plus aberrante que notre système judiciaire, gauche et droite confondues, a poussé jusqu’à ses extrêmes limites, voire ses limites insupportables, l’exigence de la répression, notamment avec le recours carcéral, et sa négation immédiate avec les aménagements. Christiane Taubira n’est pas l’initiatrice de cette contradiction entre la fermeté de la décision pénale et, sans attendre, l’indulgence de son exécution. Rachida Dati, le 28 juillet 2008, avait déjà évoqué la prison hors les murs avant de faire voter la loi pénitentiaire, par certains côtés burlesque, du 24 novembre 2009 qui permettait de désavouer sur-le-champ les jugements des tribunaux correctionnels.

La différence considérable entre l’une et l’autre de ces gardes des Sceaux est que la première agissait avec un empirisme dévastateur et sans souci de logique tandis que la seconde se pique de doctrine, de philosophie et de dogmatisme. Dati improvisait avec désinvolture tandis que Taubira prend sans cesse l’air important pour faire illusion. Le flou désordonné puis le flou pédant maintenant.

Maintenant – quelle gloire d’annoncer cela à La Rochelle devant des militants en manque de vraie gauche compassionnelle, abstraite et absolument pas opératoire ! -, Christiane Taubira sort de l’imagination de ses services influencés et de sa Commission du consensus gouvernée, la peine de probation. Comme si elle faisait un cadeau à la société.

Pour les infractions punies par 5 ans d’emprisonnement au maximum, le tribunal correctionnel pourra ajouter à sa panoplie la peine de probation excluant la prison et prévoyant un encadrement et un soutien pour le prévenu laissé en liberté parmi nous.

Cette sanction, outre qu’elle va encombrer une palette répressive déjà fournie et largement suffisante pour des juges capables d’appréhender la complexité des situations et des mis en cause, la nature de leur profil judiciaire – notamment le sursis avec mise à l’épreuve du même registre -, va obérer encore davantage, sur le plan des moyens humains et matériels, la pénurie des services de l’application des peines.
Celle de probation doit être vraiment inadaptée et impraticable puisque la gauche judiciaire, représentée médiatiquement par Le Monde, en dépit de son inconditionnalité pour la ministre et de son hostilité pour son collègue de l’Intérieur, n’a pas hésité à l’apprécier déjà négativement. C’est dire !

Pour finir, penchons-nous sur le jeune destin – 18 ans – de l’un des deux malfaiteurs, l’autre étant toujours recherché, impliqué dans le vol à main armée et directement ou indirectement dans le meurtre de Jacques Blondel. On a appris qu’il avait été condamné pour une douzaine de délits, notamment pour des vols avec dégradation ou effraction, et à trois reprises par des juges pour enfants. Lors de la perpétration du “braquage”, il exécutait une sanction de quatre mois avec sursis probatoire (quasiment la peine de probation !) et avait répondu à la plupart des convocations. Ce contrôle et cette surveillance avaient été aisément compatibles, pour lui, avec l’acte criminel commis avec un jeune inconnu dans l’intervalle de son apparente normalité (nouvelobs.com).

La peine de probation, si elle est adoptée, aura-t-elle cet effet nul et lamentable sur la sécurité de tous et la sauvegarde des commerces ? A force de vouloir éviter la prison même quand elle est nécessaire, va-t-on laisser les citoyens à la discrétion de la seule bonne volonté de tel ou tel, penchant du bon côté ou acharné à récidiver gravement ?

Je ne veux pas voir se multiplier les victimes, les héros comme Jacques Blondel. Dans une démocratie exemplaire, les caractères d’élite et de courage, les civismes admirables renforcent l’action persévérante et efficace de l’État.

Ils ne s’y substituent pas.

Philippe Bilger
Source : causeur.fr
27/08/2013

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