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Pauvreté, paupérisation et précarisation. Les nouvelles formes d’organisation du travail et les moyens d’y échapper

Pauvreté, paupérisation et précarisation. Les nouvelles formes d’organisation du travail et les moyens d’y échapper

par | 10 février 2011 | Économie

Pauvreté, paupérisation et précarisation. Les nouvelles formes d’organisation du travail et les moyens d’y échapper

Compte-rendu de la conférence Polémia du 23 novembre 2010. L’intervenant dirige un cabinet de conseil en informatique (300 personnes). Son entreprise est directement en concurrence avec l’ « offshore » et le « nearshore ». Polémia poursuit ainsi sa réflexion théorique sur la mondialisation, la délocalisation, la relocalisation.

C’est un sujet d’inquiétude très forte en France. Le sondage TNS Sofres de Septembre 2010 met en évidence que 74 % des français sont préoccupés par le chômage et l’emploi.

Qu’est ce que la pauvreté ?

La pauvreté monétaire est définie par un seuil de pauvreté égal à 60 % du niveau de vie médian des salariés à temps plein du privé et du semi public. Pour l’année 2007, ce seuil de pauvreté s’établit aux niveaux suivants :

  • Personne seule : 908 euros
  • Personne seule avec enfant : 1182 euros
  • Couple sans enfants : 1362 euros

8 millions de personnes sont en dessous du seuil de pauvreté en 2007, ce qui représente un taux de pauvreté de 13,4 % pour l’ensemble de la population.

Qui sont les pauvres en France ? Dans leur grande majorité, les personnes pauvres sont jeunes, voire très jeunes, et ont souvent un emploi. 49 % ont moins de 30 ans, alors que les moins de 30 ans représentent 36 % de la population. 2,4 millions de personnes de moins de 18 ans sont pauvres en 2006. Presque 2/3 des personnes en situation de pauvreté vivent dans un ménage de travailleur pauvre. 2 millions d’enfants vivent dans des ménages en dessous du seuil de pauvreté, avec une forte probabilité de devenir eux-mêmes des adultes pauvres.

Ce rajeunissement considérable de la pauvreté en France s’explique par trois raisons principales.

Une raison sociologique, l’isolement : les jeunes adultes (ayant quitté leur famille) sans conjoint (personne isolée), ou les familles monoparentales (un seul salaire pour le ménage). Ces ménages constituent 23 % de la population et 38 % des personnes en situation de pauvreté. Une famille monoparentale sur trois vit au dessous du seuil de pauvreté.

Une raison sociale, des prestations sociales insuffisantes pour les familles nombreuses) : Les familles de 5 personnes représentent 15 % de la population et 25 % des pauvres. 34 % des familles de 4 enfants ou plus sont en situation de pauvreté.

Une raison économique, les travailleurs pauvres :

Les ménages pauvres (les ménages avec au moins une personne qui travaille) :

  • 2003 : 3,16 millions de personnes dans ces ménages
  • 2006 : 3,62 millions de personnes dans ces ménages, donc une augmentation de 500 000 personnes

Les travailleurs pauvres (un travailleur au sein d’un ménage pauvre) :

  • 2003 : 1,55 millions de personnes
  • 2006 : 1,89 millions de personnes

Cette pauvreté laborieuse se situe essentiellement dans les services à la personne, l’hôtellerie, la restauration, le commerce, le nettoyage, l’intérim, les emplois familiaux, ou dans des emplois aidés. Ces entreprises recherchent plus de flexibilité ce qui se traduit par des emplois à temps partiel contraint, et des emplois précaires (CDD et intérim). Ces travailleurs pauvres ne sont pas pauvres à cause de leur salaire horaire, mais parce que leur nombre d’heures de travail annuel est insuffisant à cause des emplois précaires (CDD et intérim) et des emplois à temps partiel.

Contrairement à une idée reçue la pauvreté baisse régulièrement depuis les années 1970, mais remonte depuis 2004. Il y avait 19,1 % de pauvres en 1970. Le seuil minimum a été atteint en 2004, 12,7 % de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté. Entre 1970 et 2004 la pauvreté a baissé de 1/3 (soit une diminution de 2 millions de pauvres) alors même que la population de la France métropolitaine augmentait de 10 millions de personnes. Il y avait 13,4 % de pauvres en 2007, soit une augmentation de 600 000 pauvres par rapport à 2004.

Le taux de travailleurs pauvres en France c’est-à-dire vivant dans un ménage pauvre est de 6,5 % de la population active en 2006.

13% des actifs salariés sont en emploi précaire en 2007. En 2007, la part des CDD est passée de 4,8 % des emplois salariés en 1990 à 8,1 %, les intérimaires représentent 2,4 %, les contrats aidés et les stagiaires représentent 2 %.

73 % des embauches réalisées en France sont des CDDs. Mais les CDI représentent encore 87 % des emplois salariés en 2007.

Le sous-emploi contraint concerne 5,5 % des travailleurs contre 3,9 % en 1990.

En 2009 25% des jeunes actifs de 15 à 24 ans sont au chômage. Une moitié de ces 25 % ne possèdent pas de diplômes.

C’est l’emploi lui-même qui par sa quantité insuffisante autant que par sa mauvaise qualité crée de la pauvreté.

Quelles solutions ont été ou sont encore utilisées ?

Les départs anticipés à la retraite
L’incitation au départ à la retraite a été dans un premier temps la réponse des Pouvoirs Publics au chômage. A partir de 1997 les politiques publiques ont été réorientées vers la création d’emploi avec des aides, mais le mal était fait et a coûté cher au budget de l’État.

Les emplois aidés
Leur but est de développer l’employabilité « l’emploi crée l’employabilité ». En 2008, il y a eu 550 000 emplois aidés pour un coût de 5 à 6 milliards. Le résultat est faible car ces emplois aidés débouchent peu sur des emplois.

L’allègement des cotisations sociales sur les bas salaires
Cet allègement a été mis en œuvre dès 1990. Il y a réellement débat sur les créations d’emplois effectives qu’il a permises.

Les 35 heures
C’est une erreur majeure, expression d’une vision idéologique rétrograde, d’une incompréhension complète tant de la logique des affaires que des grands équilibres macroéconomiques et de la psychologie de la motivation au travail.

Le RSA
C’est une très bonne mesure, mais probablement avec un niveau de RSA encore un peu insuffisant (450 euros de base – 400 euros de RSA et 50 euros pour le logement).

Pas de charges sociales sur les heures supplémentaires
C’est une très bonne mesure tant sur le plan économique que des valeurs de société.

Conclusion
La France est le premier pays de l’Union européenne dans l’ordre décroissant des dépenses de protection sociale (31,1 % du PIB). Lutter contre la pauvreté passe aujourd’hui largement sinon principalement par la lutte en faveur de l’emploi et de la qualité de l’emploi.

Quelles mesures pour augmenter la quantité et la qualité des compétences et des emplois ?

L’immigration zéro est un impératif, sauf pour répondre aux pénuries avérées de compétences .

Il faut flexibiliser le marché du travail.

Il faut faciliter et simplifier les procédures de rupture et en abaisser le coût. La difficulté et le coût du licenciement contribuent à déformer la structure du marché du travail en l’orientant vers les formes d’emploi les moins protégées. La rupture conventionnelle est un progrès important. Il faut introduire plus de flexibilité en matière d’horaires de travail, de jours ouvrés et de travail de nuit. En même temps, il faut mettre en place des dispositifs incitatifs par Branche afin de permettre aux salariés de trouver des emplois pour la quantité de travail qu’ils souhaitent par mois.

Le pôle Emploi doit fonctionner de manière performante avec des outils scientifiques.

Il faut mettre en œuvre les conditions de la création d’emplois de qualité.

Il faut conditionner les subventions et les réductions d’impôt à la création de d’emplois de qualité et la possibilité pour un salarié d’avoir un temps plein même multi-employeur.

Il faut impulser des réflexions par Branche sur la structure de l’emploi, sur la recherche de nouvelles solutions pour l’emploi.

Il faut établir un schéma directeur des emplois et des compétences (donc des formations et de l’orientation)

Il faut lutter contre l’échec scolaire.

Il faut généraliser l’enseignement par alternance, identifier au plus tôt les « décrocheurs » pour éviter le phénomène de déscolarisation et accompagner les jeunes sortis ou en passe de sortir du système, les rendre employables et les aider à ré-entrer dans le monde du travail.

Il faut renforcer le patriotisme économique pour maintenir en France l’emploi compétitif économiquement.

Il faut réformer en profondeur du droit du travail.

Le droit du travail est trop complexe, la procédure prend le pas sur le fond.

La formation continue est un des leviers clé qu’il faut développer et rendre plus efficace.

Elle doit plus profiter aux emplois modestes qu’aujourd’hui. Mais on profite d’autant mieux de la formation continue que la formation initiale a été bien assimilée Aujourd’hui elle profite surtout aux cadres et aux CDI.

Il faut limiter le coût social du chômage

Le « workfare » pourrait être une solution pour limiter le coût social du chômage et éviter la désocialisation, notamment en cas de chômage de longue durée. Cette mesure sera cependant difficile à mettre en œuvre, et les abus doivent être évités.

Il faut inventer de nouvelles formes de contrat de travail.

De nouvelles formes de contrat de travail sont nécessaires, le portage, l’auto-entrepreneuriat et l’évolution vers un contrat de travail unique remplaçant le CDI et le CDD, qui aurait la forme d’un contrat commercial avec une durée de validité et des pénalités en cas d’arrêt.

Polémia
10/02/2011

Résumé d’une conférence donnée à la Polémia du 23 novembe 2010, dont on trouvera le contenu intégral en cliquant ici.

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