Par Pierre Boisguilbert ♦ Notre démocratie est fondée sur le suffrage universel. C’est pourquoi le président de la République, après avoir été longtemps élu par les membres du Parlement, est élu au suffrage universel. Mais il y a une limite, ce sont les parrainages. C’est-à-dire que le candidat, avant d’affronter le suffrage du peuple, doit être adoubé par des élus.
La plupart de ces élus sont des maires. Il s’agit d’imposer un filtre pour éviter des candidatures fantaisistes. Mais la réforme imposant aux maires de se déclarer publiquement a tout changé. Le système est manipulé pour écarter les candidatures gênantes pour ses représentants. On voit bien que la pression et les menaces sont devenues monnaie courante. Les maires ont deux craintes : être taxés d’extrême droite et devenir infréquentables politiquement, se voir refuser des financements indispensables pour leur commune. Comme une petite musique du Parrain dans les parrainages. Que le système soit absurde est une chose, qu’il soit une méthode d’impeachment en est une autre. Quand on apprend qu’Anne Hidalgo au-dessous de 5 % dans les sondages a 3 000 signatures et que Marine Le Pen, Éric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon, 40 % des électeurs, ont du mal à dépasser les 300 promesses qui ne sont pas encore des engagements, on voit bien la gravité du problème.
Avant le plafond de verre, le plafond des maires. Ceux qui tiennent les clés du champ de courses, ce sont certaines écuries. Celle du président sortant, bien sûr, avec un parti fantôme et des élus pléthoriques mais qui en fait n’existent que par lui. Celles des anciens grands partis à la dérive, qui jouent leur survie, comme Les Républicains et les socialistes. S’il n’y avait ni Marine ni Éric ni Jean-Luc, la présidentielle perdrait cependant toute légitimité dans le respect de la légalité. Le pays réel serait exclu comme jamais.
Face au danger d’une crise de système et donc de régime, les médias jouent le plus souvent les vierges effarouchées. Ce ne serait pas bien, mais finalement pas scandaleux. En effet le système est en place depuis longtemps et n’a jamais vraiment empêché les candidatures multiples ; et pas question, bien sûr, de changer les règles en cours de partie. Deuxième argument : les candidats qui n’y arrisent pas n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes, c’est qu’ils ne sont pas capables ou pas convaincants. Sous-entendu, ils sont jugés pas assez démocratiques contrairement à nous. C’est ce que suggère, sur un ton où le mépris le dispute à la haine, Anne Hidalgo dont la candidature est un naufrage annoncé pour le PS. Par charité c’est à elle que les maires devraient refuser leur signature pour lui éviter et éviter au PS la chute finale.
La solution est de changer le système et de le mixer ou de le remplacer. Par exemple, avec un nombre significatif de citoyens devant soutenir une candidature, on retourne à l’universel contre le censitaire de rente électorale.
Pour certains c’est un faux débat, tout le monde aura les signatures pour des intérêts divergents. Cependant Macron n’a pas intérêt à une candidature Zemmour qui favoriserait Pécresse alors que Pécresse a intérêt à cette candidature qui pénaliserait Marine Le Pen. On le voit, le parrainage est une sorte de IVe République maintenue avant la Ve. Avant la vraie campagne en rase campagne, la recherche de parrainages est le cheminement obligé dans marécage politicien du monde d’avant, qui subsiste autour de partis dépassés et vermoulus. Mais ces partis, comme le chien du proverbe arabe, « perdent leurs poils, mais pas leurs vices ».
Pierre Boisguilbert
13/01/2022