Loin d’un souverainisme juridique désincarné, l’enjeu des élections européennes de juin 2024 sera la constitution de puissants groupes de députés hostiles au Grand Remplacement. Il reste du chemin à accomplir au moment où par petites touches successives les ONG imposent une véritable sanctuarisation de l’immigration clandestine. Un expert de Polémia fait ici le point sur la négociation du Pacte européen sur la migration et l’asile. Des mesures techniques inaptes à faire face efficacement à la submersion migratoire.
Polémia.
Négociation du Pacte européen sur la migration et l’asile : l’immigration clandestine en voie de sanctuarisation ?
Dans le but affiché de s’adapter au nouveau contexte migratoire et démographique en Europe, la Commission européenne a initié le 23 septembre 2020 une réforme des politiques en la matière, en vue de l’adoption d’un nouveau Pacte européen sur la migration et l’asile. Le spectre de la négociation est large : outre la migration et l’asile, il concerne aussi l’intégration et la gestion des frontières. Une étape majeure a été franchie le 8 juin avec l’accord obtenu entre les ministres de l’intérieur des 27 pays composant l’Union européenne lors d’une réunion du Conseil de l’U.E. sur un nouveau train de réformes.
Enjeux
La fin des confinements de population dans l’Union européenne s’est traduite par une explosion de l’immigration clandestine. 80 700 franchissements illégaux des frontières extérieures de l’espace Schengen ont été détectés par Frontex entre janvier et avril 2023 (+ 30% par rapport à la même période en 2022). 66 638 arrivées clandestines ont été recensées en Italie, Grèce et Espagne du 1er janvier au 4 juin 2023 par le HCR des Nations Unies. 962 160 demandes d’asile ont été déposées dans les différents pays de l’U.E. en 2022 (+ 52% par rapport à 2021). C’est peu de dire que les frontières de l’U.E. sont de véritables passoires. Sans compter le fait que les déboutés de l’asile et les autres catégories d’étrangers en situation irrégulière qui se voient notifiés une obligation de quitter le territoire restent très majoritairement dans l’U.E.
L’immigration légale est un autre sujet que le Pacte européen sur la migration et l’asile est censé mieux réguler. La Commission européenne ne cache en effet pas son souhait de voir accroitre l’immigration dans les différents pays européens du fait de l’automne démographique que connaissent nombre d’entre eux.
Une « avancée » majeure
Depuis le début des négociations et des débats parlementaires sur le nouveau Pacte européen sur la migration et l’asile, en septembre 2020, quelques dossiers ont avancé en vue de son adoption. On peut citer notamment le remplacement du Bureau européen d’appui en matière d’asile par l’Agence de l’Union européenne pour l’asile, la création d’un mécanisme de « solidarité volontaire » de répartition de migrants arrivés dans le sud de l’Europe, etc.
Les événements s’accélèrent depuis le vote le 20 avril 2023 par une majorité de parlementaires européens en faveur de l’adoption de 4 propositions de réformes. Elles concernent les situations de crise et de force majeure, l’examen des ressortissants de pays tiers, la gestion de l’asile et des migrations et le séjour de longue durée des ressortissants de pays tiers.
Le 8 juin, les ministres de l’intérieur des 27 pays composant l’U.E ont lors d’une réunion du Conseil âprement négocié les propositions de réformes votées par les parlementaires européens. En dépit de l’opposition de deux pays (la Hongrie et la Pologne) et de l’abstention de 5 autres (la Bulgarie, la République tchèque, Malte, la Lituanie et la Slovaquie), un accord sur une version amendée des textes votés par le parlement européen en matière d’asile et de migration a été obtenu.
Ceux-ci vont maintenant être transmis au parlement européen. Celui-ci pourra les adopter, les rejeter ou proposer des amendements. Le cas échéant, l’accord obtenu entre le parlement européen et le Conseil aboutira à l’adoption de nouveaux règlements et directives communautaires.
Les principales dispositions du nouveau pacte
Dans un communiqué de presse du 8 juin, le service communication du Conseil de l’U.E. en présente les principales dispositions :
- La mise en place d’une procédure obligatoire aux frontières, dans le but d’évaluer rapidement aux frontières extérieures de l’U.E. si les demandes sont infondées ou irrecevables.
- La mise en place d’un accueil des demandeurs d’asile dans les pays de première arrivée, d’une capacité évaluée à 30 000 personnes, afin d’examiner à tout moment un nombre déterminé de demandes. « La capacité adéquate de chaque État membre sera établie sur la base d’une formule qui tiendra compte du nombre de franchissements irréguliers des frontières et de refus d’entrée sur une période de trois ans ».
- La modification des règles dites de Dublin. La procédure actuelle visant à transférer un demandeur d’asile vers l’État membre responsable de sa demande serait notamment remplacée par une simple notification de reprise en charge.
- L’adoption d’un nouveau mécanisme de solidarité. « Pour équilibrer le système actuel dans lequel quelques États membres sont responsables de la grande majorité des demandes d’asile, un nouveau mécanisme de solidarité simple, prévisible et réalisable est proposé ».
Il sera demandé à chaque État une contribution. Elle prendra alternativement la forme :
- de relocalisations (transferts de migrants d’un pays de premier accueil vers un autre pays),
- d’une contribution financière,
- de « mesures de solidarité alternatives telles que le déploiement de personnel ou les mesures axées sur le renforcement des capacités ». « Le nombre annuel minimum de relocalisations depuis des États membres où la plupart des personnes entrent dans l’U.E. vers des États membres moins exposés à de telles arrivées est fixé à 30 000, tandis que le nombre annuel minimum de contributions financières sera fixé à 20 000 euros par relocalisation ».
- La prévention des abus et des mouvements secondaires des demandeurs d’asile. « Le règlement, par exemple, impose aux demandeurs d’asile l’obligation de présenter une demande dans les États membres de première entrée ou de séjour légal ». Les mouvements secondaires seraient découragés en limitant les possibilités de cessation ou de transfert de responsabilité entre les États membres et en réduisant les possibilités pour le demandeur de choisir l’État membre où il présente sa demande.
L’immigration clandestine en voie de sanctuarisation ?
Certaines des mesures qui pourraient être adoptées dans le cadre du nouveau Pacte européen sur la migration et l’asile suscitent d’ores et déjà des critiques acerbes de la part d’O.N.G. et d’associations « no borders ». Parmi celles-ci, on peut citer :
- La notion de « pays tiers sûrs » (pas forcément le pays d’origine des migrants), où pourraient être renvoyés les étrangers en situation irrégulière.
- La mise en place d’une procédure accélérée d’examen des situations aux frontières extérieures de l’U.E., obligatoire pour les ressortissants de pays dont le taux d’octroi de protection au titre de l’asile est inférieur à 20%.
- La complexité des procédures prévues, qui pourrait les rendre impraticables.
Il peut difficilement être contesté que les négociateurs de ce projet de réformes ont eu comme objectif de lutter contre l’immigration clandestine. Néanmoins, force est de constater qu’ils ont écarté les seules mesures à même de mettre un terme au véritable pont maritime en mer méditerranée, entre les côtes d’Afrique du nord et celles du sud de l’Europe, sur le modèle du « no way », le refoulement des bateaux clandestins pratiqué par le gouvernement australien.
On peut à ce sujet souligner la contradiction de la Commission européenne qui n’hésite pas à conclure des accords avec des pays d’Afrique du nord, notamment la Libye, afin d’empêcher les départs clandestins de leurs côtes et sa condamnation du gouvernement grec pour les refoulements qu’il pratiquerait en mer méditerranée.
Autre mesure écartée, en dépit des difficultés extrêmes à l’éloignement des étrangers en situation irrégulière : l’obligation pour les ressortissants de pays tiers de déposer la demande d’asile en dehors de l’Union européenne.
Dans ce contexte, la mise en place de la procédure frontalière risque fort de se traduire par une saturation rapide des centres d’hébergement des migrants dans les pays de premier accueil, en dépit de l’accroissement annoncé de leurs capacités.
La relocalisation annuelle de 30 000 migrants entre pays européens, présentée comme une solution pour soulager certains pays où la pression migratoire serait trop importante, va entretenir et susciter toujours plus d’immigration clandestine.
Le projet de réforme du cadre juridique existant passe également sous silence le fait que le mécanisme de répartition de migrants arrivés dans les pays aux frontières extérieures vient s’ajouter aux déplacements des clandestins au sein de l’U.E. qui échappent à tout contrôle.
Perspectives
Redoutant une poussée des partis patriotes lors de l’élection des députés européens en juin 2024, la commission européenne souhaite que les négociations en vue de l’adoption du nouveau pacte aboutissent d’ici février 2024. Mais quand bien même les électeurs permettraient un changement du rapport de force au sein du parlement européen, celui-ci est une condition nécessaire à un changement de la politique migratoire de l’U.E., mais pas une condition suffisante. Rien ne se fait en la matière sans l’aval de la Commission européenne et de la majorité qualifiée des pays de l’U.E.
Correspondance Polémia
11/06/2023