Par Boulevard Voltaire ♦ Au lendemain du rapatriement des deux otages, un officier d’active a réagi pour Boulevard Voltaire.
Quelle a été votre réaction en découvrant la nouvelle de la libération des otages au prix de deux vies françaises ?
La libération des deux otages au Burkina Faso nous rappelle, s’il le fallait, que notre outil militaire est performant et adapté aux menaces actuelles.
Cette libération nous rappelle ensuite que cette performance a un prix et que chaque jour, des vies françaises sont en jeu. Quotidiennement, des militaires risquent leur vie pour combattre des groupes terroristes et sécuriser des zones qu’ils déstabilisent.
Aussi le traitement médiatique réservé aux deux officiers mariniers tombés au combat, soulignant leur professionnalisme et leur courage, est bienvenu.
Enfin le récit du déroulement de l’opération et le bilan de celle-ci, en terme de pertes ennemies et d’otages libérés, démontrent une excellente efficacité et réactivité de l’outil militaire du point de vue de l’acquisition du renseignement, de son exploitation et de l’exécution de l’opération finale qui permet la libération des otages. À ce titre, il convient de rendre hommage, non seulement aux deux militaires qui sont tombés au combat, mais également à tous ceux, qui depuis l’enlèvement, ne comptaient pas leurs nuits pour que l’opération de libération soit un succès malgré nos pertes.
La situation géopolitique aurait dû les dissuader d’entamer ce safari ?
Malgré l’engouement médiatique autour de cette libération et le soulagement bien légitime des proches des otages libérés, une ombre à ce tableau a néanmoins été soulignée par le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui rappelle les risques pris par les deux individus.
Il n’est en effet pas anodin de se rendre en Afrique de l’Ouest ou des groupes armés terroristes sévissent depuis des années. Beaucoup de médias indiquent que le Bénin était jusque là épargné par les troubles que connaissent certains pays de la région. Il n’est en revanche pas dit que le ministère des Affaires étrangères avait classé le pays comme zone à risque pour les touristes. Le parc de Pendjari, dans lequel ont été enlevés les deux otages et où leur guide a été exécuté se situe à la frontière du Burkina Faso, dans une région où l’on sait que des groupes armes terroristes évoluent. Et plus globalement, la partie nord du Bénin possède des frontières avec trois Etats connus pour abriter des mouvements jihadistes (Nigeria, Niger et Burkina Faso), et c’est précisément le long de ces frontières que ces groupes agissent. Il était donc parfaitement possible de savoir que la zone était risquée pour les occidentaux, et en particulier pour des touristes français, dont le pays se bat contre ces groupes armés terroristes.
Les risques pris par les deux Français juste avant l’enlèvement étaient donc vraiment inconsidérés et irresponsables ?
Lorsqu’une prise d’otage à lieu, la question de la responsabilité des otages et des risques qu’ils ont pris est régulièrement posée. À cet égard, cette libération n’est pas sans rappeler celle de Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, enlevés en Afghanistan en 2009. Ces deux journalistes s’étaient aventurés dans des zones à risque et avaient été enlevés par des talibans. Leur recherche et leur libération avait coûté la vie à plusieurs militaires, coûté plusieurs millions d’euros et une débauche d’énergie des autorités françaises.
Il faut rappeler que pour chaque otage enlevé, plusieurs centaines d’hommes travaillent dans des bureaux ou sur le terrain pour récolter du renseignement, le recouper et monter des opérations. Ce processus peut coûter des vies humaines comme ce fut le cas le 10 mai.
Tous ces moyens affectés à la libération d’otages sont autant de moyens dont sont privées les forces sur place pour mener la “guerre quotidienne” que les militaires français gèrent depuis des années dans le cadre de l’opération Barkhane.
Aussi il faut rappeler que certaines destinations dans le monde et en particulier au Sahel sont dangereuses et appellent à la responsabilité des touristes. Si une polémique naissante dit que le quai d’Orsay n’avait pas prévenu de la dangerosité du Bénin pour les occidentaux, il reste évident que se rendre dans une réserve située à la frontière d’un pays où la France est engagée militairement (Niger) n’est pas sans risque.
Il est donc à souhaiter qu’à l’avenir les touristes et humanitaires ne prennent pas de risques inconsidérés afin de ne pas donner les moyens à nos ennemis de mener le jeu, et de monopoliser des moyens militaires précieux.
Source : Boulevard Voltaire
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