Par Michel Geoffroy, auteur de La Super-classe mondiale contre les peuples ♦ Pour Michel Geoffroy, l’incendie de Notre-Dame de Paris sert malheureusement de toile de fond à un nouvel enfumage présidentiel.
Il faut reconnaître qu’Emmanuel Macron sait manœuvrer l’opinion. Il est vrai que lorsque l’on s’entoure d’une armée de « communicants » payés par le contribuable et que l’on bénéficie du soutien sans faille des médias, cela aide un peu…
La sortie du Grand débat et de la crise politique et sociale incarnée par plusieurs mois de manifestations des Gilets Jaunes s’annonçait fort mal. Les attentes étaient, comme la défiance, fortes et les marges de manœuvre gouvernementales,réduites. Le vote sanction contre Emmanuel Macron se dessinait pour les élections européennes. Mais voilà que l’incendie de la cathédrale de Notre Dame de Paris change opportunément la donne.
S’il y a dit-on « un dieu pour les alcooliques », il doit y en avoir un aussi pour les oligarques.
Macron à fond dans le registre compassionnel
La destruction par le feu – inexpliquée à ce jour – de ce joyau de la chrétienté constitue, à juste titre, un choc profond pour tous les Français. Un choc ressenti au-delà de nos frontières.
Un incendie faisant figure de symbole d’une identité nationale et chrétienne qui part en fumée. Alors même que la christianophobie ne cesse d’augmenter en France, dans la relative indifférence des pouvoirs publics et donc des médias.
Mais Emmanuel Macron, fin renard, a tout de suite compris le parti politicien qu’il pouvait tirer de cette catastrophe nationale.
L’incendie n’était pas encore éteint qu’on le voyait déjà devant les caméras assurer aux catholiques : « Nous sommes avec vous ». Une curieuse formulation, comme si les catholiques étaient une espèce à part, différente en tout cas de celle du président de la république ou de celle des Français.
Dans son allocution du 16 avril, il a renchéri dans le registre compassionnel, en regardant fixement la caméra.
« Je partage votre douleur et votre espérance ». Ah, ces braves pompiers – « issus de tous les milieux » tient-il à préciser – et ces braves policiers qui sont là pour nous secourir – pas pour nous gazer, nous « nasser » ou nous tirer dessus avec des LBD donc ? Cet incendie nous montre que ce que nous croyons « indestructible peut-être atteint, est fragile ». Et nous rebâtirons Notre-Dame d’ici cinq ans car nous surmonterons cette catastrophe tous ensemble, comme nous avons su le faire tout au long de notre histoire… Etc, etc.
Sacré Emmanuel ! Sans doute la proximité de Notre-Dame lui donnait-elle l’éloquence d’un Victor Hugo ou celle d’un prédicateur en chaire.
L’oligarchie aime les Français, mais saignants
Mais il est vrai aussi que les oligarques aiment avant tout les Français à la condition que ceux-ci soient saignants.
Les catastrophes, les accidents, les crimes odieux et les attentats permettent au pouvoir de décliner un registre de communication désormais très bien rodé.
Celui de l’union des Français dans l’épreuve et bien sûr dans l’E.M.O.T.I.O.N. : avec bougies, marches silencieuses, foules recueillies, gyrophares, officiels à la mine de circonstance et bien entendu emballement médiatique autour du drame.
Devant les monuments aux morts, les politiciens sont toujours très prolixes et surtout, très à l’aise. En tout cas nettement plus à l’aise que dans l’action.
Il y a un dieu pour les alcooliques
Le destin a voulu que l’incendie intervienne le soir même où Emmanuel Macron devait présenter les conclusions qu’il tirait du Grand Débat National, dans une « annonce aux Français » (sic) solennelle.
S’il y a dit-on « un dieu pour les alcooliques », il doit y en avoir un aussi pour les oligarques.
Tout donne à penser en effet que l’incendie de Notre-Dame de Paris va jouer pour Emmanuel Macron le même rôle politique que l’attentat contre Charlie Hebdo pour François Hollande : une diversion certes malheureuse mais finalement bienvenue dans un climat politique délétère à quelques semaines des élections européennes.
La catastrophe a en effet conduit le président à changer habilement de stratégie : « Le moment n’est pas encore venu » d’apporter les réponses au Grand Débat explique Emmanuel Macron dans son allocution du 16 avril. Il ne faut céder à la précipitation nous dit-il. C’est vrai que la crise des Gilets Jaunes ne dure jamais que depuis cinq mois…
Et finalement ce n’est pas lui qui annonce des mesures, mais… les médias – au départ RTL – qui le font à sa place, sur le thème : « Voilà ce que le président devait annoncer lundi soir ».
Une nouvelle preuve de leur grande indépendance vis-à-vis du pouvoir.
La stratégie du goutte-à-goutte
Ces annonces médiatiques distillées depuis deux jours sont extrêmement habiles.
D’abord, elles interviennent alors que l’opinion est encore sous le choc de l’incendie de Notre-Dame de Paris, ce qui ne permet pas une réaction politique au fond, encore moins polémique.
Ensuite, on ignore s’il s’agit des vraies décisions d’Emmanuel Macron ou seulement d’élucubrations ou de ballons d’essais journalistiques, ce qui ne facilite pas leur analyse.
Enfin, cette diffusion au goutte-à-goutte réduit le risque de déception ou de contradiction qui aurait fatalement accompagné une annonce globale et unique.
Ces annonces sont-elles les bonnes ? Va-t-on vraiment supprimer l’ENA et l’ENM ? Va-t-on revaloriser les petites pensions et comment ? Ces annonces ont-elles pour solde de tout compte ? Y en aura-t-il d’autres ?
Brouillage et bavardage médiatiques assurés !
Emmanuel Macron organise le suspense à son profit, avec une maestria certaine. Et le concours toujours fidèle des médias.
L’incendie de Notre-Dame de Paris sert malheureusement de toile de fond à un nouvel enfumage présidentiel.
Michel Geoffroy
17/04/2019
Source : Correspondance Polémia
Crédit photo : GodefroyParis [CC BY-SA 4.0]
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