Claire Polin, présidente de SOS Education
♦ La polémique qui s’est déchaînée hier à propos de la petite phrase de Nicolas Sarkozy (« Dès que vous devenez français, vos ancêtres, ce sont les Gaulois ») renvoie évidemment à la culpabilité mémorielle de rigueur dès qu’il s’agit d’évoquer notre passé colonial, souvent caricaturé par l’image d’un instituteur de la IIIe République inculquant le récit national aux jeunes de l’Afrique occidentale française.
Pour qui veut bien y réfléchir, il n’était pas sans beauté d’apprendre ainsi aux enfants des lointaines colonies que notre patrie pouvait faire d’eux, par éducation et héritage, des Français au même titre que leurs camarades auvergnats ou bretons. J’aime à citer ce mot de Romain Gary qui illustre admirablement cette vocation de notre pays à l’universalité : « Je n’ai pas une goutte de sang français, mais la France coule dans mes veines. »
Bien entendu, j’ignore les intentions qui se cachent derrière l’intervention de M. Sarkozy. Ce que je sais en revanche, c’est que Najat Vallaud-Belkacem ne s’est pas grandie en lui répondant avec tout le mépris dont elle est capable : « La ministre de l’Éducation que je suis connaît parfaitement les premières phrases de ce livre, Tour de France par deux enfants, d’Ernest Lavisse, sous la IIIe République : « Autrefois, notre pays s’appelait la Gaule et les habitants les Gaulois. » »
Ce que la ministre de l’Éducation devrait connaître parfaitement, c’est que Le Tour de France par deux enfants, ouvrage incontournable qui a connu plus de 500 éditions et a été utilisé dans toutes les écoles pendant près d’un siècle, n’a pas été écrit par Ernest Lavisse mais par G. Bruno, pseudonyme d’Augustine Fouillée, étonnante femme de lettres… et qu’il ne commence pas du tout par des considérations sur la Gaule et les Gaulois, puisqu’il ne s’agit pas d’un livre d’histoire, mais d’un livre d’apprentissage de la lecture !
On s’explique mieux l’inculture crasse des rejetons actuels du système scolaire : le poisson pourrit par la tête…
Claire Polin
21/09/2016
Source : Le corrigé de la semaine, n°3 – 21 septembre 2016
Correspondance Polémia – 23/09/2016
Image : Le Tour de France par deux enfants, de G. Bruno