Par Jean-Yves Le Gallou ♦ Les débats font rage autour des célébrations du bicentenaire de la mort de Napoléon. Les militants ethnomasochistes font tout pour salir l’héritage napoléonien, bien aidés par les extra-européens « décoloniaux ». En cette journée symbolique du 5 mai, Jean-Yves Le Gallou revient sur cette problématique.
Polémia
En 2005, Jacques Chirac n’écoutant que son courage avait renoncé à commémorer solennellement le bicentenaire d’Austerlitz, la plus brillante victoire militaire française. Il craignait déjà que les lobbys antiracistes se mobilisent contre Napoléon, coupable d’avoir relégalisé l’esclavage outre-mer en 1802. En 2021, 200 ans après la mort de l’Empereur, les « décoloniaux » n’ont pas désarmé. Et ils entendent priver les Français de la commémoration de pans entiers de leur histoire en focalisant tout sur un décret sorti de son contexte.
Décidément, Napoléon n’a pas de chance avec ses bicentenaires car le premier, celui de sa naissance, fut aussi perturbé. En 1969, la France sortait à peine de la crise de 1968 et le général de Gaulle, après sa défaite au référendum du 27 avril 1969 quitta le pouvoir quelques mois avant la date anniversaire du 15 août.
Le premier bicentenaire fut pourtant l’occasion d’une réflexion sur les legs de Napoléon. En 1969, « le premier jour », l’épreuve reine (aujourd’hui disparue !) de dissertation d’histoire et de culture générale aux premiers concours de l’ENA, porta sur le sujet suivant : « L’héritage de Napoléon dans la France contemporaine ».
Au fond, la réponse était simple à l’époque : TOUT ! (À quelques nuances près, bien sûr.)
La réponse à la même question posée aujourd’hui serait aussi simple : RIEN ! (Toujours à quelques nuances près, bien sûr !)
Revue de détail !
Parlons d’abord du Code civil. Malgré quelques allers-retours au XIXe siècle – à l’occasion des changements de régime –, il reste jusqu’en 1969 très napoléonien d’esprit et de lettres pour le droit des biens, des obligations, de la famille, de l’héritage, du divorce. Élément du Code civil, le Code de la nationalité reste fondé sur le droit du sang, juste corrigé lors des débuts de la IIIe République par le double jus soli.
L’organisation territoriale demeure simple : les communes, les départements, l’État. D’autant plus simple que le préfet, représentant de l’État dans le département, est l’exécutif local du conseil général.
Les lycées, les universités, le baccalauréat s’inscrivent encore dans la ligne de leur fondation par l’Empereur
Enfin, les grandes institutions, Cour des comptes, Conseil d’État persistent dans leur être. Et l’ordre judiciaire administratif reste à sa place : conseiller et protéger l’État des abus possibles du pouvoir judiciaire.
« Ma gloire n’est pas d’avoir gagné quarante batailles […]. Ce que rien n’effacera, ce qui vivra éternellement, c’est mon Code civil, ce sont les procès-verbaux du Conseil d’État » (Napoléon à Montholon).
Un demi-siècle plus tard, tout est bouleversé. Depuis Pompidou, chaque président contribue au démantèlement de l’héritage napoléonien. Chacun retire ses petites pierres !
À commencer par le droit de la famille : il est désormais facile de divorcer sans passer par le juge, et deux personnes de même sexe peuvent se marier. Le droit de la filiation est bouleversé et, lors de la naissance, l’état civil accepte une grande fantaisie dans le choix des noms et des prénoms.
Le Code de la nationalité accorde une place de plus en plus grande au droit du sol (différé ou anticipé) et la « naturalisation » d’étrangers est facilitée sans la moindre exigence d’assimilation. Et le droit français s’efface d’ailleurs souvent devant le droit coranique et les mœurs venues d’ailleurs.
La triade État-départements-communes est remplacée par un mille-feuille administratif : Union européenne, État, régions, départements, intercommunalités, communes. Un empilement aussi coûteux qu’inefficace. Chacun donne du travail à l’autre et les doublons administratifs État-collectivités territoriales sont innombrables.
Quant à l’Éducation nationale, elle est au 36e dessous.
Cour des comptes et Conseil d’État perdurent mais ont changé de sens. Ou plutôt, ils ont perdu leur sens. Les comptes publics doivent désormais être « certifiés » par des cabinets conseils internationaux. Et loin de protéger le bien commun et l’intérêt supérieur de l’État, le Conseil d’État s’est mué en protecteur des droits individuels, en particulier du droit des étrangers. Plus généralement, le pouvoir judiciaire s’est érigé en premier pouvoir autonome aux dépens du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif.
Le souvenir napoléonien continue de hanter la mémoire collective et Zemmour en est son porte-drapeau. Mais les institutions françaises restées globalement stables de 1804 à 1969 ont été profondément bouleversées depuis. Comment commémorer Napoléon dans ces conditions ?
Jean-Yves Le Gallou
05/05/2021
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