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Mort de Patrick Buisson : retour sur « La Droite buissonnière » de François Bousquet

Mort de Patrick Buisson : retour sur « La Droite buissonnière » de François Bousquet

par | 26 décembre 2023 | Médiathèque, Politique

Mort de Patrick Buisson : retour sur « La Droite buissonnière » de François Bousquet

Patrick Buisson est mort, ce mardi 26 décembre 2023. Cette figure majeure de la vie politique française récente était fascinante à plus d’un égard. En 2017, François Bousquet publiait La Droite buissonnière. En hommage à Patrick Buisson, nous republions ci-dessous un texte de Nicolas Faure commentant ce livre de François Bousquet.
Polémia

François Bousquet le répète à l’envi : Patrick Buisson est avant tout un combattant des idées. « Il veut que ses idées pèsent », écrit-il (p.45). En bon gramscien, Buisson a parfaitement conscience que « les mythes religieux et politiques sont le cœur battants de l’histoire, pas l’économie. » La droite contemporaine passée au scalpel, tel est le contenu du livre. Nicolas Faure fait le point pour Polémia.

Il a beau orner la couverture de l’ouvrage, Patrick Buisson est presque un prétexte pour François Bousquet. Car, au travers de l’étude minutieuse et instructive de la vie de cet homme mystérieux, c’est bien la droite moderne qui est le sujet de cet ouvrage.
La Droite buissonnière de François Bousquet n’est pas le premier ouvrage rédigé avec ce titre puisque, en 1960, Pol Vandromme publiait un ouvrage portant ce nom. Le patronage est de qualité mais le défi est relevé avec classe par Bousquet.

Un bel exercice de style

Cet ouvrage dévoile toute la richesse stylistique de son auteur. La qualité littéraire est l’une des premières impressions qui se dégagent à la lecture de ce livre. Le style de Bousquet est complexe mais limpide et efficace.
385 pages consacrées entièrement à Patrick Buisson pourraient effrayer. Bousquet réussit pourtant sans aucun problème à éviter toute platitude ou lenteur rebutante.
Et il délivre quelques « punchlines » mémorables :

« 68 consacre l’américanisation de la France, qui découvre avec délice une nouvelle façon de gouverner l’interdit. Sea, sex and sun : variante sucrée et californienne du rousseauisme. À l’orchestre, les Beach Boys – en attendant les Chicago Boys » (p.110).

Une biographie prétexte

Ce livre est tout autant une étude minutieuse des étapes clefs de la vie de Patrick Buisson qu’un regard sans fard porté sur les années charnières de la seconde moitié du XXe et du début du XXIe siècle.
Porté par de nombreuses références littéraires et politiques de qualité, cet ouvrage est autant une biographie de l’un des personnages les plus fascinants de notre époque qu’une étude appliquée du milieu foisonnant de la droite française moderne, de l’Algérie française à Nicolas Sarkozy, en passant par Mai 68.
Des thèmes vus et revus qui sont pourtant éclairés d’une lumière nouvelle. On revit ces événements à travers un double prisme :

– d’une part, ces moments sont analysés en tant qu’épisodes de la vie de Patrick Buisson, ce qui leur donne une saveur nouvelle ; par exemple, on découvre, en 1968, la lutte entre le jeune étudiant Buisson, déjà très à droite, et un certain Daniel Cohn-Bendit !

– d’autre part, c’est bien François Bousquet qui exprime son – précieux – ressenti sur la droite des 60 dernières années. Très informé et documenté, Bousquet délivre son analyse, toujours percutante, sans jamais s’éloigner du sujet principal : Buisson.

Patrick Buisson et Nicolas Sarkozy, l’improbable duo ?

Tout au long de ce livre, François Bousquet s’emploie à dresser le portrait de l’insaisissable Patrick Buisson. Cet esprit fin et cultivé intrigue par son parcours sans concession (Le Crapouillot, Minute) couronné par une collaboration avec Nicolas Sarkozy. Pendant sa campagne et durant toute une partie de sa présidence, il est son plus éminent conseiller.

Avec précision, Bousquet ausculte le patient Buisson pour comprendre ce choix détonnant.
Avec un sens de la formule ravageur, il n’hésite pas à montrer que, si un univers oppose les deux hommes, le duo n’est pas seulement une affaire de pragmatisme mais aussi d’attirance mutuelle.

« Un Ancien installé à demeure dans la longue durée et un Moderne voué au culte de l’immédiateté. Hypermnésie contre hyperactivité. A l’un la vision, à l’autre la télévision. Sarko “l’Américain”, Buisson “le Maurassien”. C’est le face-à-face du peuple et des “people” » (p.16).

« [Buisson] cherchait un homme politique comme Diogène en plein soleil de midi, une lanterne à la main ; il n’a trouvé que Nicolas – et s’en est accommodé, faute de mieux. Jean-Marie Le Pen et Philippe de Villiers partageaient avec le conseiller une même culture politique : avec l’un, les codes du populisme ; avec l’autre, ceux du conservatisme. Avec Sarkozy, c’est de la chirurgie de réparation. Un gros chantier » (p.17).

Bousquet le répète à l’envi : Patrick Buisson est avant tout un combattant des idées. « Il veut que ses idées pèsent » écrit-il (p.45). En bon gramscien, Buisson a parfaitement conscience que « les mythes religieux et politiques sont le cœur battant de l’histoire, pas l’économie » (p.33).

Buisson s’échine donc à faire émerger les idées de droite du marécage politique grâce à Nicolas Sarkozy.

La droite buissonnière, qu’est-ce que c’est ?

Patrick Buisson n’est pas réductible à cette affaire Sarkozy. François Bousquet le sait très bien et dresse un portrait complet et complexe de celui qui est toujours resté insaisissable pour beaucoup. En cela, cet ouvrage est de première importance. Il dresse un portrait fidèle de cet intellectuel influent sans tomber dans la caricature.

Pour Bousquet, Buisson est un personnage politique à contre-courant du monde moderne, un conseiller d’un autre temps, « celui de la dissimulation, éminemment politique. Il traverse les lignes. C’est un animal amphibie, aussi à l’aise dans les eaux troubles du pouvoir que sur le sol ferme des idées » (p.15).

Bousquet ne fait pas l’impasse sur les aspects réactionnaires de Buisson : « Buisson est un enfant contrarié du baby-boom, venu trop tard dans un monde trop gâté » (p.105). Mais, parallèlement, il dresse le portrait d’un penseur qui ne veut pas être « le gardien d’un muséum » (p.68).

Populiste et légitimiste, idéaliste et pragmatique, Patrick Buisson est en fait un vivant portrait de ces courants qui traversent souterrainement la droite, aujourd’hui en dormition.

Cet ouvrage précieux, au style impeccable, permettra peut-être son réveil.

Nicolas Faure
26/12/2023 – 1re publication le 20/03/2017

François Bousquet, La Droite buissonnière, Editions du Rocher, 25 janvier 2017, 392 pages.

Correspondance Polémia – 21/03/2017

Image : 1re de couverture de l’ouvrage

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