Un best-seller chassant l’autre, même si, grâce à ses secrets d’alcôve, le Merci pour ce moment (éditions des Arènes) de Valérie Trierweiler va longtemps rester indétrônable (1), la publication le 10 septembre de Moi président (Éditions l’Archipel), un portrait d’Arnaud Montebourg par le journaliste Valentin Spitz, suscitera maintes gloses et exégèses… et contribuera encore au discrédit du chef de l’Etat. Chronique politico-littéraire de Claude Lorne.
« Roi du double langage »
Dans ces confidences, d’ailleurs distillées avant même son éviction du gouvernement, le ministre sortant de l’Économie ne se contente pas de condamner, lui aussi, les errements du président, il assène : « Hollande ment tout le temps. C’est pour ça qu’il est à 20% dans les sondages. Il ment. Il ment tout le temps depuis le début. »
Le mensonge, seconde nature de l’Élyséen, c’est, on le sait, le reproche majeur formulé par la concubine congédiée, qui le qualifie de « roi du double discours », dans tous les domaines.
Problème : il est possible, sinon probable, que, bien qu’elle s’en défende à plusieurs reprises dans son livre, Mme Trierweiler accumule elle aussi les mensonges, comme elle entasse les poncifs dignes de la collection Harlequin (« le champ de cendres de nos amours brûlées ») et, plus grave encore compte tenu de son cursus journalistique, les erreurs politiques (le président de l’Assemblée nationale n’est pas le 3e mais bien le 4e personnage de l’État), les fautes de français et de syntaxe : « Paris bruiSSE… », « brinGuebalés… », « sa franchise m’avait pluE… », « j’en ai rencontrÉS… », « arrièreS-petits-fils… », « Paris va bruiSSER… », « l’exaltation m’a passéE… », etc.
Selon plusieurs sources, Valérie Trierweiler « aurait écrit son livre à quatre mains » avec l’écrivain Laurent Binet, lauréat en 2010 du Goncourt du Premier roman : à quatre mains, on ne sait pas, avec les pieds, c’est certain.
Victime (volontaire) de la tyrannie médiatique
Sur un point, cependant : l’asservissement de l’infidèle à la « puissance médiatique », et donc son « double langage », on peut faire confiance à la mémorialiste abusive. Toute leur histoire, d’ailleurs, ne s’atteste-t-elle pas ? Si Hollande, qui a horreur des conflits, a séduit puis supporté près d’une décennie durant une femme hystérique et vindicative alternant, de son propre aveu, scènes et crises de larmes, n’est-ce pas parce que cette femme était journaliste ? et qu’il craignait donc, en se l’aliénant, de se mettre à dos une profession qu’il n’a cessé de courtiser depuis ses débuts en politique ? Et s’il s’y est finalement résolu, c’est parce que les sondages d’opinion, auxquels il est également asservi, étaient assassins pour la « First Girlfriend » dont les confrères, exaspérés par sa gloriole, s’étaient détournés.
D’où ce lamento :
« J’avais tellement d’importance à ses yeux autrefois quand j’étais journaliste politique. Rien ne passionne François en dehors de la politique. Rien ni personne. La littérature ne l’intéresse pas, pas davantage le théâtre ou la musique… Hors de la politique, point de salut. Personne n’a plus de valeur qu’un journaliste politique. Lorsqu’on m’interroge pour savoir si les journalistes peuvent être jaloux de moi, je réponds que non, c’est l’inverse. Que moi, je suis jalouse d’eux. De la complicité qu’il partage avec nombre d’entre eux, de la fascination qu’ils exercent sur lui. »
Et, quelques pages plus tard :
« François est aussi incorrigible dans ses rapports avec la presse qu’il abreuve de messages. Les journalistes politiques ont essayé de comptabiliser le nombre d’entre eux qui reçoivent des sms du Président. Ils ont dépassé le chiffre ahurissant de 70… Le moindre confrère qui enquête sur un ministre ou une affaire mineure a droit à son rendez-vous avec le Président. Depuis ses premiers pas dans la carrière, il les cajole, même ceux qui le traînent dans la boue. Il ne lâche jamais l’affaire… De mémoire de reporter politique, je n’ai jamais connu une telle fusion avec la presse. Même Nicolas Sarkozy est plus distant avec les médias. C’est dire ! »
« Cette frénésie absorbe François et le perd. Il ne sait pas résister à un micro qui se tend, une caméra qui se pointe sur lui, en attente d’une formule ou d’un bon mot. Miroir, mon beau miroir… Combien de fois l’ai-je vu massacrer une “séquence politique” réussie parce qu’il répondait ensuite à des questions hors sujet, hors contexte, mal filmé, dans un coin sombre, au milieu d’une forêt de micros ? Le bon discours était oublié, ne restaient que deux phrases vite balayées par l’actualité. Je me rappelle un jour d’une scène désolante à Moscou. Son équipe lui explique qu’il ne doit faire aucune déclaration avant sa rencontre avec Poutine. Il répond : “Évidemment non”, avant de se précipiter dix minutes plus tard vers les caméras ! »
De la « perfusion médiatique » à la « Star-Ac diplomatie »
François Hollande a toujours été fasciné par la presse – et le bénéfice personnel qu’il peut tirer de cette promiscuité – puisque, élève à l’ENA puis tout jeune conseiller ministériel, il abreuvait Le Nouvel Obs’ d’échos économiques et politiques croustillants (2). Mais, depuis qu’il est au pouvoir, il est « sous perfusion médiatique », dixit Valérie, que les médias soient français ou étrangers. Et c’est ce qui explique sans doute son prurit d’interventions sur la scène et, hélas, sur les théâtres d’opérations internationaux, de la Syrie hier à la Libye aujourd’hui, ce volcan où, selon le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, la France pourrait à nouveau s’engager militairement. Dérisoire mais mortifère fuite en avant d’un président rejeté par 87% des Français.
C’est la conséquence de ce que, dans son livre intitulé La Tyrannie médiatique, Jean-Yves Le Gallou appelle la « Star’Ac diplomatie, qui voit les intérêts stratégiques du pays sacrifiés sur l’autel d’une compassion sans résultats », sauf celui d’un divorce de plus en plus radical entre les peuples et la « gouvernance médiatique » – divorce susceptible de déboucher sur un « krach historique » car les phénomènes de krach se produisent quand le décalage est trop grand entre les valeurs virtuelles et la réalité ; or, la gouvernance médiatique n’a guère de prise sur le réel, son univers reste virtuel.
Sommes-nous à la veille de ce krach ?
Claude Lorne
09/09/2014
Valérie Trierweiler, Merci pour ce moment, Arènes éditions, septembre 2014, 320 pages