Berthold Kohler – Frankfurter Allgemeine
♦ Angela Merkel essaie de convaincre son propre parti, la CSU, et le peuple qui grimpe sur les barricades que son plan n’a pas d’alternative. Est-ce qu’on pourra vraiment la croire, alors que sa politique, jusqu’à aujourd’hui, n’a été, aux yeux de tous, qu’un mélange de bons sentiments et de fatalisme pragmatique ?
Pratiquement personne ne peut contredire cette opinion de la chancelière : l’unité de l’UE peut encore être mise à rude épreuve, soixante ans après le début de la construction européenne, « parfois même à très rude épreuve ». La crise des réfugiés est une épreuve encore plus difficile que le drame grec. Les flots de migrants qui se répandent à travers l’Europe génèrent du ressentiment à l’intérieur des Etats membres de l’UE et entre eux. L’Allemagne est au centre de l’événement. Cependant, au contraire de la crise de la dette, beaucoup de voisins n’approuvent plus la ligne suivie par le gouvernement Merkel. Cela vaut également pour le cercle toujours plus large des Allemands qui ne font plus mystère de leur mauvaise humeur à propos de la politique de Merkel. Parfois, elle prend déjà une forme radicale. La chancelière, qui était auparavant louée bien au-delà du camp de la bourgeoisie, a désormais de la peine à rassembler son propre parti à ses cotés.
Le paquet législatif voté [par le Parlement] qui est censé permettre de mieux faire face à l’afflux de réfugiés va en tous les cas réduire provisoirement la pression à laquelle sont soumis la chancelière et l’ensemble de la coalition, y compris le sinuant SPD. Il est vrai que ces mesures envoient le signal attendu depuis longtemps que le gouvernement ne sombre pas dans la béatitude de la « Willkommenskultur » mais tente au contraire de reprendre le contrôle des frontières allemandes et des relations extérieures de l’Allemagne. C’était urgent et nécessaire. Les déclarations de Merkel sur ses possibilités d’action ont été interprétées, en Allemagne comme à l’étranger, comme un mélange de bons sentiments et de fatalisme pragmatique, qui attire encore plus de migrants. Mais la chancelière n’était et n’est toujours pas prête à accomplir un geste plus clair encore, comme Seehofer [ministre-président de Bavière] le lui demande. La politique déclaratoire n’est pas son affaire, même si elle le voulait. A sa manière hyper-rationnelle, elle s’évertue à convaincre son parti, la CSU, et le peuple qui grimpe sur les barricades que les pseudos-solutions n’apporteraient rien, et que son plan en plusieurs étapes n’a pas d’alternative.
Mais va-t-on la croire, alors qu’on ne peut compter sur une détente rapide de la situation ? Tous auront-ils la grande endurance, voire la très grande endurance, qui de son propre avis sera nécessaire ? Les innombrables bénévoles et secouristes professionnels, la CDU, la CSU, le SPD, le peuple, Merkel elle-même ? Pour elle, il n’y a pas eu encore de plus grande épreuve.
Berthold Kohler
15/10/2015
Source : Frankfurter Allgemeine du 15/10/2015
Titre original : Die härteste Prüfung
Note de la rédaction : le vent tourne !
Sondage : 64 % des Allemands demandent un référendum sur les réfugiés (15/10/2015)
Correspondance Polémia – 18/10/2015
Image : Angela Merkel jeudi au Bundestag.