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« Mélenchon : La Chute » ? Pas encore, hélas !

« Mélenchon : La Chute » ? Pas encore, hélas !

par | 28 janvier 2021 | Politique

« Mélenchon : La Chute » ? Pas encore, hélas !

Par Suzanne Fournier ♦ Mélenchon : La Chute. Comment la France insoumise s’est effondrée, est un roman. C’est l’histoire d’un déclin, celui d’un vieil homme dont les errances pourraient inspirer la pitié.

Tout au long de l’ouvrage, Mélenchon passe pour un vieillard, à demi conscient de ses erreurs, à demi repenti de ses errements et qui, si l’on ne connaissait pas le personnage et si ses fautes n’étaient pas si graves, pourrait éveiller la sympathie du lecteur.
Mais, derrière ces lignes, la plume d’Hadrien Mathoux n’est pas romancière. Elle est celle de la rigidité journalistique. Habile et directe, sans effets de style. Âgé de vingt-six ans, la culture et la réflexion politique de l’auteur ne peuvent que faire honneur à ce que l’on pourrait attendre de la jeune génération, pour repenser la France et le « monde de demain » Encore peu connu malgré sa collaboration à Marianne, Hadrien Mathoux appartient à la gauche souverainiste et républicaine, celle qui ose quelques réflexions taboues et n’a pas trop peur de s’attaquer à certaines questions, au risque de se voir accusé de rapprochement avec « l’extrême droite ».

Du « moment populiste »…

En seize chapitres, il nous retrace ainsi le parcours stratégique et idéologique de La France Insoumise depuis la présidentielle de 2017, « âge d’or » du mouvement pendant lequel Jean-Luc Mélenchon a pris la place du premier candidat de gauche, et troisième candidat derrière Emmanuel Macron et Marine Le Pen.

Mélange d’organisation chronologique et thématique, l’auteur a écrit cet ouvrage en devant s’ajuster à l’actualité politique qui défilait sous ses yeux, sans se perdre, ni perdre le lecteur. La réflexion est fluide, logique, claire. Même si l’on peut estimer qu’il se retient dans la critique, Mathoux sait où il va et où il nous emmène.

La question principale de cet ouvrage, l’interrogation qui guide ses pages, pourrait se résumer ainsi : qu’est-il arrivé au Mélenchon de 2017, celui qui semblait s’être éloigné des matrices idéologiques de la gauche pavlovienne, qui osait ressortir le drapeau tricolore et parler au nom de la patrie ?

Ce que l’auteur appelle le « moment populiste » de LFI n’était-il qu’une stratégie électorale, ou bien une conviction réelle de l’ancien sénateur socialiste estimant qu’il fallait se rapprocher du peuple, conviction qui n’a pas tenu la route face à l’activisme gauchiste de la plupart de ses cadres et de ses militants ?

Lors de l’élection présidentielle de 2017, selon Mathoux, Jean-Luc Mélenchon semblait avoir compris qu’il lui fallait sortir des carcans de la gauche protestataire et adopter un nouveau moyen de s’adresser au peuple. S’inspirant donc des travaux d’Ernesto Laclou et de Chantale Mouffe, il emprunte un virage « populiste » : « En retenant deux leçons essentielles : un, la droite et la gauche n’ont plus de parti remplissant la fonction de représentation politique de catégories sociales, car les catégories sociales qui sont à la base de ces deux camps ont explosé et ne produisent plus d’idéologies transversales. Deux, d’autres latéralisations de la société sont néanmoins possibles, et notamment celles qui séparent le « eux » du « nous ».

Bien que cette stratégie ait porté en partie ses fruits, Mélenchon n’accède pas au deuxième tour. Conviction de l’auteur : assez radicalement coupé de la gauche pour certains, trop de rapprochements avec « l’extrême droite » pour d’autres. Comme quoi, il faut savoir choisir son camp…

… à la dégringolade

« Le fait que le début du quinquennat de Macron ait été marqué par des réformes ultra libérales a réactivé le clivage gauche droite dans l’analyse politique de Jean-Luc Mélenchon ».

Et ainsi commence la chute. Les cadres et les militants, pour la plupart venus comme leur chef du trotskisme, heureux de retrouver leurs slogans, sortent dans la rue munis de leurs banderoles et de leur écharpe rouge. C’est chaud, c’est confortable, c’est familier. Tant pis si cela ne fait pas gagner une élection, il est certain que la victoire n’entre pas dans l’imaginaire des possibles de beaucoup de LFI-stes.

Le populisme s’éloigne, l’idée de rassemblement de la gauche revient en force mais l’organisation nébuleuse du parti ne permet pas de rassembler autour d’un programme commun. Les luttes internes prennent le dessus, La France Insoumise est toujours trop gauchiste pour l’un, trop rouge brune pour l’autre.

Et Mélenchon n’a pas le courage de trancher.

L’on peut reprocher à l’auteur de ne pas aller assez profondément dans la critique. Mathoux continue à croire en la figure que le chef des Insoumis aurait pu représenter, et ne remet pas assez en question certains carcans dans lesquels la gauche, même la plus intelligente, n’a de cesse de vouloir s’enfermer. Et bien que ne reniant pas certains sujets critiques tels que l’immigration, la volonté reste de vouloir s’éloigner de la « fâchosphère », coûte que coûte.

Par exemple, pour Mathoux, les comparaisons entre les populismes de Mélenchon et de Marine Le Pen ne sont qu’un moyen des médias pour discréditer le héros de son roman. Mais qu’en est-il du discrédit jeté sur la présidente Rassemblement National ? Ne pourrait-on pas inverser les sujets de cette phrase et tomber tout aussi juste ?

Comme Mélenchon, Mathoux accuse la junte médiatique française, pourtant si indulgente à son , de s’être alliée contre La France Insoumise afin d’empêcher sa victoire. Ne se rend-il pas compte du temps et de l’espace de parole dont bénéficient les membres de cette organisation, de leur influence au sein du monde politico-médiatique, de l’éclairage flatteur offert à leurs moindres commentaires ou initiatives alors que les représentants de l’extrême droite honnie, sont contraints de s’autofinancer pour s’exprimer et débattre, qu’ils sont boycottés, bâillonnés, voire emprisonnés ? Ce qui ne risque pas d’arriver aux membres les plus extrémistes du parti de Mr Mélenchon. L’on peut citer, entre autres, les députés Danièle Obono et Clémentine Autain, Insoumises côtoyant les indigénistes pour l’une, militant pour la destruction de la cellule familiale avec le pire des féminismes pour l’autre.

Reste que Mélenchon, la Chute, est un ouvrage intéressant pour quiconque s’intéresse aux méandres de notre gauche gouvernementale et parlementaire, et aux luttes internes qui poussent ses membres, même les plus libres d’esprit, à ne pas sortir d’un lot un peu trop confortable.

Suzanne Fournier
28/01/2021

Hadrien Mathoux : Mélenchon : La Chute. Comment la France insoumise s’est effondrée. Edition du Rocher, 2020. 309 pages, 20,90€.

 

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