Par Pierre Boisguilbert ♦ Porteur d’une idéologie antinationale, le système médiatique dominant a toujours eu pour but de « faire barrage », de discréditer ou même de tenter de détruire la mouvance patriotique et identitaire dans ses différentes expressions. Il y a eu une parenthèse notable quand, à la droite du Lucifer en jupon, un Satan encore plus terrible a fait son apparition. Zemmour pour l’heure marginalisé même temporairement, le Rassemblement national de Marine et surtout ses 89 députés sont redevenus la bête à abattre.
La stratégie est toujours la même, guetter le « dérapage ». C’est une traque de chaque instant avec des comités de vigilance permanents. Le « dérapage » est d’autant plus facile à déterminer quand on est soi-même le verglas. « Dérape » ce qui ne dit pas ce que l’idéologie autoproclamée du bien juge possible de dire. Il s’agit donc par diabolisation d’établir des interdits d’expression empêchant finalement une famille politique d’exposer librement ses idées et son programme. On veut l’obliger à renoncer à ses spécificités et donc à perdre une partie de son attractivité.
C’est la stratégie du « point de détail ». Le 13 septembre 1987, Jean-Marie Le Pen déclare sur RTL que les chambres à gaz sont « un point de détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ». Le Front national, qu’il préside, est alors en pleine ascension depuis sa percée électorale quelques années plus tôt. Depuis plusieurs années, le dirigeant frontiste travaille à se donner une image consensuelle alors que le FN connaît une ascension électorale rapide et importante : tandis que Jean-Marie Le Pen avait recueilli seulement 0,7 % des voix à l’élection présidentielle de 1974, le parti obtient 11 % des suffrages exprimés aux européennes de 1984 et 35 députés à l’Assemblée nationale à l’issue des législatives de 1986. Son discours anti-immigration attire de nombreux sympathisants de la droite traditionnelle (RPR, UDF), dont une partie envisage des accords électoraux avec le Front national. Après le « détail », la stratégie d’union des droites est devenue impossible. Pourtant, en 2002, Le Pen arrive au second tour, mais seul, terriblement seul. À partir de ce cas, le Front national a largement cessé de revendiquer une lecture différente, sinon divergente, de l’histoire officielle et sacralisée de la Deuxième Guerre mondiale. Un interdit que Zemmour à tenter de défier, à propos de Vichy, et dont il a pu constater les conséquences dans l’évolution de la présentation médiatique de sa candidature. Marine Le Pen n’a jamais eu ce problème. On le lui reproche souvent. Elle accepte la lecture gaulliste de la guerre et même un judéo-centrisme historique qui montre que Le Pen avait tort ; le « point de détail » est en fait l’essentiel des leçons tirées du conflit et l’origine des démocraties victorieuses aux côtés tout de même de l’Union soviétique. Ceux qui pensaient que pour combattre la pensée issue de la Deuxième Guerre mondiale il fallait en contester l’histoire écrite par les vainqueurs ont depuis été au moins marginalisés, en France en tout cas. C’est à partir de cette lecture que l’antiracisme est devenu la valeur fondatrice et indépassable des démocraties luttant contre toutes les discriminations.
Voilà qui explique l’hystérie théâtralisée jusqu’au ridicule après l’apostrophe d’un député RN sur les bateaux de migrants : « Qu’ils retournent en Afrique ! » On ne reviendra pas sur la querelle sémantique. L’objectif cependant est clair et il a été bien vu par Jordan Bardella, le nouveau président du RN. Il s’agit d’interdire toute contestation de la politique migratoire qui serait automatiquement assimilée à du racisme, qui, comme tout le monde le sait sauf les woke et anticoloniaux, n’est pas une opinion mais un « délit ». Lors du congrès du RN, Marine Le Pen a prononcé un grand discours, avec du souffle, citant tout de même le père fondateur, et Bardella a osé faire front, c’est le cas de le dire, au nouveau « point de détail », à la nouvelle tentative de diabolisation. Il est à noter que, à chaque événement porteur pour le mouvement national, ses ennemis politiques, tout le système, aidé par les médias dominants, trouvent le moyen de tenter de gâcher la fête. La présentation est toujours négative. On désigne un arbre que l’on décrète pourri pour empêcher de voir la forêt en marche. Les médias ont eu brusquement les yeux de Chimène pour Steve Briois dont ils ignoraient l’existence un quart d’heure plus tôt. Mais le Front a toujours bien su gérer les dissonances sur le plan électoral, Philippot bien sûr, mais tant d’autres avant, celle de Lang et même celle de Bruno Mégret qui pourtant était d’une tout autre dimension et ambition pour la France.
Mais, du « point de détail » au retour en Afrique, le mouvement national n’a pas cessé de progresser. Pour les électeurs il est le seul à s’opposer au pouvoir immigrationiste. Des électeurs ont été parfois dupes, la montée a été freinée mais jamais endiguée. Après le détail, une « une » de L’Express qui était encore un hebdo influent annonçait la mort du FN avec un éditorial au vitriol qui se voulait définitif. C’est L’Express qui aujourd’hui est à l’article de la mort. Cela n’a de plus pas empêché Le Pen père d’être au second tour de la présidentielle ni sa fille deux fois de suite.
Cet incident devrait tout de même inciter à la réflexion sur la dédiabolisation. Depuis le transalpin Fini on en connaît les limites et Giorgia Meloni a gagné sur ses idées dans une ouverture à toutes les droites et non sur les idées des autres. La stratégie Fini, c’est l’échec sans la reconnaissance ; celle de Meloni, c’est l’adaptation parfois limite sans le reniement. Le reniement, c’est bien sûr la suspicion permanente sur Marine et la droite populiste coupée volontairement par concession au système de ses racines historiques. Mais pour les médias, si on peut oublier Staline pour les communistes et le génocide khmer pour Le Monde, on ne peut jamais dépasser Hitler pour les nationalistes ou assimilés. On est toujours dans la stratégie du « point de détail » qui n’a jamais vraiment marché mais qui ne marche plus du tout avec les générations Bardella ou les jeunes autour de Zemmour.
On ne leur demande plus d’avoir de la mémoire, on ne peut plus les renvoyer aux heures les plus sombres, mais ils auraient tort de renoncer à toute mémoire. Ils peuvent cultiver un devoir d’histoire au moins dans un esprit critique. Le Front national de 1974 était antigaulliste, le Rassemblement ne jure que par de Gaulle… Drôle de point de détail, tout de même.
Pierre Boisguilbert
08/11/2022