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Mayotte, un territoire à décoloniser dans le respect du droit international

Mayotte, un territoire à décoloniser dans le respect du droit international

par | 21 mars 2019 | Géopolitique, Politique

Mayotte, un territoire à décoloniser dans le respect du droit international

Par Carl Hubert, essayiste ♦ Selon la jurisprudence de la Cour internationale de justice, telle qu’elle ressort d’un avis du 25 février 2019 sur la situation d’une ex-colonie britannique, Mayotte n’a pas été décolonisée dans les formes. Les revendications territoriales de l’Union des Comores sur Mayotte apparaissent dès lors d’autant plus légitimes. Le droit international offre ainsi une opportunité à la France de renoncer à sa souveraineté sur cette île africaine.


Les Îles Chagos, un territoire demeuré illégalement britannique lors de l’indépendance de l’Île Maurice

Le 25 février dernier, la Cour internationale de justice (CIJ) a rendu un avis consultatif (1) sur la situation de l’archipel des Chagos. Ce territoire, initialement rattaché à l’Île Maurice, en a été détaché en 1965 par la puissance coloniale britannique, juste avant l’indépendance de Maurice. L’objectif du Royaume-Uni était de conserver les îles Chagos sous tutelle britannique, pour des raisons notamment militaires.

Ce territoire, qui se situe approximativement entre l’île Maurice et le Sri Lanka, au beau milieu de l’Océan Indien, abrite l’actuelle base américaine de Diego Garcia. C’est de là que l’armée américaine rayonne dans tout l’Océan Indien, y compris avec des bombardiers B-2 qui ont mené des bombardements jusqu’en Iraq et en Afghanistan.

Le Royaume-Uni a en effet consenti un bail spécial aux Etats-Unis pour l’installation de cette base. Les Britanniques ont même été jusqu’à déporter à Maurice la population dite autochtone (2), certes avec à la clé une indemnisation mais aussi avec une interdiction pour les Chagossiens de revenir dans leur patrie. Ce pour laisser la voie libre aux Marines américains.

Chagos et Mayotte sont des territoires à décoloniser selon les Nations Unies

Les Nations Unies se sont émues de cette situation. Tout comme Mayotte, l’archipel des Chagos fait partie des territoires que l’Assemblée générale des Nations Unies considère comme restant à décoloniser. Cette assemblée de l’ensemble des Etats membres de l’ONU a saisi la Cour internationale de justice sur les aspects juridiques de la question chagossienne. Or, dans un avis non contraignant pour les Etats, les juges de La Haye ont conclu à l’illégalité de la situation actuelle.

Pour la Cour internationale de justice, le processus de décolonisation n’a pas été mené jusqu’au bout et ce de manière invalide. Dans son avis consultatif du 25 février dernier, elle appelle le Royaume-Uni à mettre fin à son administration de l’archipel des Chagos dans les plus brefs délais. Elle rappelle aussi que le droit à l’autodétermination s’impose à tous et donc y compris aux Etats-Unis, dont la responsabilité pourrait être mise en cause sur le plan juridique.

Un avis de la CIJ qui paraît transposable à Mayotte, demeurée illégalement française en 1974

On peut penser que l’avis de la CIJ est transposable à la question mahoraise. Tout comme les îles Chagos ont été séparées de Maurice juste avant l’indépendance de l’ex-colonie britannique, en 1968, l’île de Mayotte a été séparée du reste de l’archipel des Comores, après la victoire du « oui » au référendum de 1974 sur l’indépendance des Comores. Avec constance, l’Assemblée générale des Nations Unies a d’ailleurs appelé la France à se retirer de Mayotte… sans succès comme on le sait.

C’est dans ces référendums que réside la différence entre Chagos et Mayotte. Toute la question est en effet de savoir si la France ne peut pas se prévaloir du vote des Mahorais eux-mêmes. En 1974 et à plusieurs reprises depuis, les habitants de Mayotte ont librement voté pour leur rattachement à la France, pour conserver notre bonne et généreuse protection et ne pas redevenir les derniers des Comoriens (3).

Mais il n’est pas sûr que cela suffise sur le plan juridique pour justifier une partition de l’ancienne colonie française des Comores. Ronny Abraham, juge français à la Cour internationale de justice, a certes exprimé des réserves sur l’avis rendu sur les îles Chagos, suggérant qu’il aurait fallu rechercher la volonté propre de leurs habitants… L’avis lui-même, adopté à la majorité des voix, ne comporte pas d’indice de ce qu’il aurait fallu organiser une consultation locale, indépendamment de l’île Maurice.

La Constitution française ne fait pas obstacle à une renonciation de notre souveraineté sur Mayotte, dès lors que l’on jugerait celle-ci nulle et non avenue

Quoi qu’il en soit, il est difficile d’imaginer aujourd’hui que la France renonce à sa souveraineté sur Mayotte, ne serait-ce que pour des raisons constitutionnelles. Il est vrai que l’article 53 de la Constitution dispose que « nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le consentement des populations intéressées ».

Mais, justement, si la Cour internationale de justice considérait que l’annexion de Mayotte par la France s’est faite au mépris du consentement de la population comorienne vue comme un ensemble indivisible, la France pourrait alors en déduire que cette « adjonction de territoire » est nulle et non avenue. Le Préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie de notre bloc de constitutionnalité, rappelle d’ailleurs que la France « se conforme aux règles du droit international public ».

On pourrait ainsi envisager que l’Assemblée générale de l’ONU, à l’initiative de la France ou non, saisisse les juges de La Haye de la question mahoraise, ce qui permettrait de disposer de l’analyse la plus incontestable qui soit en droit international. Il ne resterait plus qu’à la France à s’en remettre à cet avis, quitte à renoncer à sa souveraineté sur Mayotte et bien entendu à l’appartenance des Mahorais à la Nation. Dans ces situations, le plus compliqué est d’organiser la transition, mais mieux vaut s’y attacher tant que la situation sur place reste à peu près contrôlable.

Carl Hubert
21/03/2019

(1) Dont on trouvera une analyse juridique par le professeur Régis Bismuth sur le blogue du Club des juristes : http://blog.leclubdesjuristes.com/les-effets-de-la-separation-de-larchipel-des-chagos-de-maurice-en-1965-dans-lavis-consultatif-de-la-cour-internationale-de-justice/

(2) L’île était inhabitée jusqu’à ce que la France y importe des Africains au XVIIIème siècle pour les employer dans des cocoteraies.

(3) Avant la colonisation, les voisins de Mayotte, tant comoriens que malgaches, ont mené la vie dure aux Mahorais, entre soumissions, pillages et razzias d’esclaves.

Source : Correspondance Polémia

Crédit photo : Drapeau de Mayotte – Domaine public, via Wikimedia Commons

Carl Hubert

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