Par Michel Lhomme, philosophe, politologue ♦ A Mayotte, il vaut mieux être héraclitéen que parménidien et dans un pays musulman, la colère des Dieux n’est en général pas très loin.
La colère d’Allah contre le mouvement social ?
Pendant un temps, les autorités se frottaient les mains de ces secousses sismiques régulières qui conduisaient les imams dans les mosquées à en imputer la cause aux barrages sociaux qui ont paralysé l’île pendant plus de quarante jours. Les barrages ne reprendront pas après le ramadan (la religion comme opium du peuple étant ici au service de l’État) mais depuis, la régularité des secousses de plus en plus rapprochées et élevées, (on frôle maintenant régulièrement 5 sur l’échelle de Richter) le préfet-délégué, “spécial sécurité” n’en revient sans doute pas d’être débarqué à Mayotte pour devoir couvrir demain une catastrophe naturelle de grande ampleur. En ce début de semaine, l’affaire est en tout cas remontée au Sénat.
Classée en zone sismique modérée, l’île n’est pas habituée à ces secousses qui la font trembler depuis le 10 mai, dont une plus forte de magnitude 5,8 le 15 mai dernier. Ce mercredi 30 mai, deux forte secousses rapprochées ont de nouveau touché l’île après une courte accalmie mais la terre tremble en permanence et n’importe quel habitant de Mayotte le ressent. Le BRGM ( Bureau de Recherches Géologiques et Minières) a livré une explication scientifique au phénomène: « l’ouverture du rift Est-Africain se poursuit en mer en utilisant le système de failles de la ride de Davie et semble progresser vers le sud-est, c’est-à-dire vers les Comores et Madagascar. Il est probable que ce phénomène remette en activité les anciennes failles de ces deux secteurs, et en particulier les failles sub-méridiennes parallèles au rift Est-Africain et à la ride de Davie».En clair, l’ensemble des plaques africaines s’étirent vers l’est. Une faille importante et impressionnante a d’ailleurs été constatée au Kenya. Mais cela reste des hypothèses, et de fait, le BRGM vient de décider d’envoyer un groupe de scientifiques pour mieux connaître la sismicité de la région et tenter d’estimer surtout les périodes de retour des secousses. En fait, force est de constater que pour l’instant, face à ce phénomène d’ ” essaim sismique “, la science est dans le vague, toujours incapable d’ailleurs de prévoir le moindre séisme.
Des séismes qui inquiètent l’Etat
La préfecture a déjà indiqué qu’une soixantaine de bâtiments ont été touchés. Une cellule psychologique a enfin été mise en place. L’état-major de zone et de protection civile de l’océan Indien a dépêché une mission de reconnaissance “pour anticiper l’arrivée de renforts”. Les kits de survie seraient déjà prêts dans des hangars de La Réunion et de métropole. Une mission d’expertise inter-services composée de spécialistes de la sécurité civile et de scientifiques spécialisés en sismologie devrait être envoyée sur place et fait actuellement l’objet d’échanges interministériels. C’est clair l’affaire sismique prise au départ à la légère est devenue sérieuse. Au sein des établissements scolaires, certaines classes ou certaines écoles primaires ont fait l’objet de fermeture temporaire à titre de précaution. Dans le secondaire, à titre préventif, le vice-rectorat a décidé la fermeture préventive de certaines salles de classe et l’isolation de certaines zones. La Poste a depuis lundi commandé un expert d’un bureau spécialisé pour déterminer les fissures de tous les bureaux de poste de l’île.
L’appel d’air migratoire continue
En tout cas, tremblement ou pas tremblement, les kwassas remplis d’Africains continuent d’arriver sur l’île, monopolisant ambulances, pompiers, et même hélicoptère. Or, la France et cela paraît surréaliste, n’a toujours pas solutionné diplomatiquement la question du renvoi des Comoriens en situation irrégulière dans leur pays. Quant aux Africains, ils bénéficient du droit d’asile. Cela n’empêche pas le préfet Sorain, délégué du gouvernement d’endormir la population avec des discours qui à chaque fois sont de plus en plus vides et abscons. Il préside maintenant aux côtés du procureur de la République, le premier état-major spécifiquement dédié à la lutte contre l’immigration clandestine (LIC).
De quoi s’agit-il au juste ? Il s’agit d’agir sur l’économie et les effets de l’immigration clandestine: l’habitat illégal, les atteintes à l’environnement, le travail illégal, la concurrence déloyale, la gestion sociale (trafic des identités, des allocations, des reconnaissances de paternité) comme s’il fallait culpabiliser les Mahorais et leur retourner la responsabilité du laxisme gouvernemental qui sait depuis longtemps où logent les clandestins, leur fournit même une alimentation en eau et électricité gratuite mais se refusent à les décaser. Comment croire en effet que la lutte contre l’immigration clandestine est l’objectif prioritaire de l’État à Mayotte quand on se refuse à toucher à l’appel d’air : la remise en question du droit du sol et quand on est incapable de se faire respecter par un des États les plus pauvres et les plus corrompus du monde, la République Islamique des Comores. 6000 Comoriens sont actuellement dans l’obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et courent dans la nature. Un sous-préfet chargé de la lutte contre l’immigration clandestine, Julien Kerdoncuf, vient même d’être nommé.
Insécurité et explosion démographique
En attendant violences, vols, agressions quotidiennes continuent dans l’impunité générale. Quant au plan de développement de Mayotte, de jour en jour, il s’avère n’être que de la poudre aux yeux. Prenons simplement son volet éducation, l’État s’engage à plus de 500 millions d’euros pour les constructions scolaires du premier et du second degré au cours du quinquennat, alors qu’avant les événements, un plan de 400 millions d’euros avait déjà été acté comme urgence soit 80 millions par an pour 1 collège tous les 2 ans et 2 lycées tous les 3 ans. Les 100 millions d’euros restants seront sans doute consacrés aux constructions dans le premier degré ou les reconstructions après séismes puisque des écoles sont déjà fissurées par défaut de construction et disons le carrément pour cause de ciment avarié, d’économies faites sur les structures faites par une absence de contrôle des entreprises locales du bâtiment.
Enfin rappelons qu’il naît aussi chaque jour à Mayotte l’équivalent d’une classe primaire. Pour le secondaire, il n’y aura pas de Rep +, pas de revalorisation des salaires, aucune mesure d’attractivité alors que suite aux secousses beaucoup ne pensent déjà pas revenir pour la rentrée. Il n’y a aucun plan de formation continue cohérent de l’ensemble des vacataires employés sur l’île et cerise sur le gâteau la transformation du vice-rectorat en un rectorat de plein exercice à Mayotte est finalement reportée à 2020.
Toutes ces annonces démontrent bien l’absence réelle et de plus en plus flagrante de visibilité du gouvernement. Les Mahorais le savent, ils tremblent peut-être mais à terme ne plieront pas. Comme le disait le député Mansour Kamardine : « L’Afrique compte aujourd’hui 1,2 milliards d’habitants, demain le double. La pression migratoire ira donc croissante. Si la France n’est pas en mesure de faire face à la pression migratoire de moins d’un million de Comoriens vers Mayotte comment l’Europe pourrait-elle faire face à la pression migratoire de 2,5 milliards de personnes, portant sur des milliers de kilomètres de côtes ? ».
En fait, les séismes et la sécurité des biens et des personnes nous rappellent pourtant l’urgence à Mayotte de la mise à niveau des infrastructures de base du département. Sans cette mise à niveau, on ne peut qu’abandonner Mayotte au triste sort de la délinquance ou des catastrophes naturelles ou… aux Comores.
Michel Lhomme
11/06/2018
Source : Metamag
Crédit photo : Drapeau de Mayotte – Domaine public, via Wikimedia Commons