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Malika Sorel : « Le pouvoir bascule dans la préférence étrangère »

Malika Sorel : « Le pouvoir bascule dans la préférence étrangère »

par | 11 février 2014 | Société

Malika Sorel : « Le pouvoir bascule dans la préférence étrangère »

« Notre modèle d’intégration garantissait la concorde civile. Son abandon engage officiellement la France sur la voie de la libanisation. »

Malika Sorel, spécialiste des questions d’intégration, décrypte la nouvelle feuille de route du gouvernement avec 44 propositions pour lutter contre les discriminations. Le gouvernement, qui annonce, ce mardi 11 février, des mesures visant à améliorer l’intégration des immigrés, devrait rester prudent pour ne pas ouvrir un nouveau front de contestation à quelques semaines des municipales.
Malika Sorel-Sutter est ancien membre du collège du Haut Conseil à l’Intégration et de sa mission Laïcité. Elle est administrateur de l’association de Défense et de géopolitique Géostratégies 2000. Elle est notamment l’auteur de « Immigration, intégration : le langage de vérité » (*), Fayard/Mille et une nuits, 2011. Elle répond ci-dessous aux questions d’Alexandre Devecchio pour Le Figaro.

Les cinq rapports sur l’intégration remis au premier ministre en décembre 2013 avaient suscité un tollé. Itélé a révélé ce mercredi soir [5 février] la nouvelle feuille de route du gouvernement avec 44 propositions pour lutter contre les discriminations. S’agit-il d’un projet réellement nouveau ou d’un retour aux rapports qui ont fait scandale en décembre 2013 ?

Malika Sorel-Sutter : L’habillage est différent, mais la philosophie est la même. Elle consiste à attribuer la responsabilité de l’échec de l’intégration aux Français qui entraveraient la réussite des immigrés et de leurs descendants et c’est à ce titre qu’il convient de lutter contre les discriminations. La feuille de route s’ouvre en rappelant qu’elle vient après le Rapport Tuot et les cinq rapports remis au premier ministre et qu’elle s’inscrit, en quelque sorte, dans la continuité. C’est une manière de rappeler sa filiation. C’est bien la preuve que, contrairement aux dénégations qui avaient été formulées en décembre par le pouvoir politique, la publication des cinq rapports sur le site de Matignon correspondait bien à une intention politique de fond.

Dans cette feuille de route, on retrouve notamment ce qui avait choqué dans les cinq rapports au sujet de l’enseignement des langues étrangères, alors qu’il faudrait se focaliser sur la transmission de la langue française. Nous savons en effet que c’est l’une des raisons majeures de la sur-représentation des enfants de l’immigration dans l’échec scolaire comme en attestent, une nouvelle fois, les dernières enquêtes Pisa et comme cela est également mentionné dans la feuille de route. La langue participe aussi, par ailleurs, à la transmission de la culture.

Les précédents rapports prévoyaient de revenir sur l’interdiction du port du voile à l’école. Qu’en est-il de cette mesure ?

L’abrogation de la loi de 2004 sur l’interdiction du voile à l’école n’est plus mentionnée, mais la feuille de route s’aligne sur la décision récente du Conseil d’État qui consiste en quelque sorte à abroger la loi Chatel sur l’accompagnement des mères voilées dans le cadre des sorties scolaires. La décision d’autoriser ou non le voile reposerait désormais sur les épaules des chefs d’établissement. Nous revenons à la case départ, lorsque Lionel Jospin s’était tourné vers le Conseil d’État.

Quelles sont les éventuelles mesures nouvelles ? Prennent-elles le contre-pied des précédents rapports ?

Les mesures qui n’apparaissaient pas dans les précédents rapports ne sont en aucun cas des mesures qui auraient pu prétendre faire partie d’une quelconque politique d’intégration. Ainsi en est-il de la mesure 39 qui consiste à renforcer l’offre publique de médias multilingues, ou encore de la création d’un office franco-maghrébin pour la jeunesse, qui aurait vocation à devenir « un organisme public ». De même, la feuille de route mentionne l’« accompagnement individualisé des primo-arrivants par des référents de l’OFII, dans une dynamique d’accès le plus rapide au droit commun (éducation, emploi, logement, droits sociaux…) ». Comme chacun sait et comme en atteste le niveau de sa dette, la France est immensément riche !

La feuille de route prévoit notamment des mesures de « testing ». De quoi s’agit-il exactement ? Existe-t-il un risque de dérive vers un système de surveillance généralisée ?

Clairement, il y a bien une volonté de surveillance généralisée au travers de plusieurs mesures dont la mesure 17, qui consiste à effectuer du « testing » auprès des milieux médicaux pour traquer les éventuels refus de soins. De même pour la mesure 26, qui stipule que l’État doit s’assurer que la fonction publique incarne bien « la diversité de la société française dans toutes ses composantes et à tous les niveaux de responsabilité. »

Au sein de l’administration, l’une des pistes développées dans la feuille de route consisterait à « ouvrir et élargir les concours à des populations pour lesquelles la fonction publique reste trop souvent méconnue ». Peut-on parler de discrimination positive ?

Oui, le pouvoir bascule vers la préférence étrangère. Cela se lit très bien au travers de plusieurs mesures comme, entre autres, la mesure 29 : « Cette démarche conduira le gouvernement à promouvoir l’obtention du Label Diversité par l’ensemble des administrations publiques (…). À retenir en particulier : la mise en place de classes préparatoires intégrées, la formation des membres de jury de concours sur les stéréotypes, le développement des recrutements hors concours (…) » De nombreuses mesures sont destinées à donner la préférence aux personnes d’origine extra-européenne. Ce qui se traduira mécaniquement par le fait que des Français de souche européenne seront mis de côté uniquement parce qu’ils ne sont pas de la bonne ascendance biologique. C’est du racisme anti-Français.

Le gouvernement est-il tout simplement en train d’enterrer sans le dire le modèle républicain d’intégration au profit d’un modèle de type multiculturaliste ?

Le mot « discrimination » apparaît 73 fois et le mot « droits » 60 fois, tandis que le mot « devoir » apparaît moins de 10 fois. L’axe du rapport est énoncé dans la feuille de route : « il ne doit plus y avoir de confusion entre intégration et immigration ». Or, ces deux sujets sont inséparables si l’on souhaite véritablement conduire une politique d’intégration ! Nous ne sommes plus du tout dans une approche politique d’égalité des moyens, mais dans une politique d’égalité des droits. C’est la consécration de la déresponsabilisation totale des immigrés et de leurs descendants. Clairement, le modèle français d’intégration, qui prend en compte l’existence d’une identité culturelle française, disparaît. Il convient de permettre à toutes les cultures présentes sur le sol français d’être prises en considération et cela va très loin, puisque la feuille de route veut mettre en route : « le développement d’un dispositif d’observation de la présence des langues des migrants dans les différents secteurs de la vie sociale, économique et culturelle de notre pays ».

En toute cohérence avec la politique conduite depuis le début de ce quinquennat, un étranger qui foule le sol français est appelé à devenir français quasiment automatiquement. Il n’y a donc plus de processus d’intégration. D’ailleurs, la Direction de l’accueil et de l’intégration a déjà été transformée en Direction générale des étrangers en France. Dès l’entrée en matière, la feuille de route rappelle que « La politique de naturalisation a été profondément remaniée » par le biais de « la circulaire d’octobre 2012 et l’instruction de juin 2013 (…) et les décrets d’août 2013 modifiant les conditions d’instruction des dossiers de demandes de naturalisation par les préfectures, en visant une meilleure harmonisation et une plus grande efficacité. » Le Figaro avait récemment fait état dans ses colonnes de l’augmentation des régularisations de clandestins et des naturalisations. Rappelons également que ces circulaires et autres décrets émanent du ministère de l’Intérieur.

Le modèle républicain est pourtant plébiscité par la majorité des français. Comment expliquez-vous ce renoncement ? Quel est le projet idéologique du gouvernement ?

Le projet est clairement affiché. Il s’agit de rééduquer les Français en leur inculquant ce que la bien-pensance identifie comme la pensée juste. En conséquence, « des plans de formation du personnel éducatif en matière de lutte contre les discriminations devront être déployés ». De même pour « les professionnels du secteur médico-social » et « les agents de Pôle Emploi ». Nous sommes confrontés à une volonté de changer le peuple au travers du changement en profondeur de tout son référentiel culturel. Il n’y a d’ailleurs pas que dans ce domaine de l’intégration que cette idéologie est à l’œuvre. Nous la voyons également se déployer dans le registre de l’égalité hommes/femmes avec les fameux ABCD de l’égalité qui ne sont pas autre chose, par certains aspects, qu’une entreprise de lavage de cerveau des enfants. Pour avoir travaillé sur cette question de l’égalité hommes/femmes, je peux dire que, là aussi, le gouvernement fait fausse route.

Face au défi de la mondialisation, notre modèle ne doit-il pas nécessairement s’adapter ?

En réalité, le modèle d’intégration français n’a jamais vraiment été appliqué pour l’immigration extra-européenne. Depuis les années 1980, les élites politiques ont versé dans l’accommodement de nos principes républicains. Peu à peu, Ils les ont vidés de leur contenu, et pour faire diversion ont tout de même continué à s’y référer. En outre, il n’y a eu aucune volonté de réduire de manière drastique les flux migratoires. Or ils constituent l’un des vecteurs principaux du ré-enracinement des enfants de l’immigration dans la culture de leurs pays d’origine. La feuille de route n’aborde absolument pas ce point crucial sur lequel il est urgent d’agir. Alors que ces enfants avaient besoin, plus encore que les autres, de la transmission de la culture française, les ministres de l’Éducation successifs ont le plus souvent engagé des réformes qui se sont traduites sur le terrain, donc entre les murs de l’école, par une dépréciation d’exigences. La droite qui a longtemps gouverné durant ces trente dernières années doit faire son examen de conscience et renouer avec la défense des intérêts de la France et de son peuple. Notre modèle d’intégration garantissait la concorde civile. Son abandon engage officiellement la France sur la voie de la libanisation.

Interview de Malika Sorel par Alexandre Devecchio
Source : lefigaro.fr
06/02/2014

Note de la rédaction

(*) Également de : Le puzzle de l’intégration / Les pièces qui vous manquent, Mille et une nuits, 2007.

Malika Sorel-Sutter
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