« Des fonctionnaires, en principe voués au service de l’État et des citoyens et payés pour cela, prennent la liberté, sans opposition ni risque, de faire prévaloir l’idéologie à laquelle ils adhèrent sur leurs devoirs. »
Avec à peu près 76.000 demandes en 2012, la France est le deuxième pays européen le plus sollicité par les demandeurs d’asile.
La demande de séjourner en France au titre de l’asile est faite auprès du représentant de l’État dans le département. Les motifs de la demande sont étudiés par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). En cas de rejet de la demande initiale, un recours est possible auprès de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) devant laquelle le requérant peut se faire assister d’un conseil et a droit à un interprète aux frais du contribuable français.
Les jugements de la CNDA sont rendus par les sections comprenant un président le plus souvent membre honoraire ou en activité du Conseil d’État ou de la magistrature administrative ou judiciaire, et deux assesseurs, qui sont des personnalités qualifiées. L’un d’entre eux est nommé par le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés.
Parmi les juges on peut relever la présence d’Anicet Le Pors, ancien ministre communiste de Mitterrand. Surnommé, selon Télérama, « Annulator » car il annule fréquemment des refus de l’OFPRA, il indique que « le juge se transforme trop souvent en détecteur de mensonge, traquant toute contradiction pour invalider la demande ». Le modeste contribuable vivant dans un HLM pourrait considérer que les juges ne font que leur travail. Ce n’est visiblement pas l’avis de cet ancien militant communiste qui adhéra au PC en 1958, c’est-à-dire après Budapest et les révélations publiques des crimes de masse du stalinisme, et qui possède visiblement les références nécessaires pour donner des leçons en matière de droits de l’homme.
Et pourtant il y a largement matière à refus. En 2013, l’OFPRA et la CNDA ont accordé le statut de réfugié ou la « protection subsidiaire » (un an renouvelable) à environ 11.000 personnes, et la France a reçu plus de 66.000 demandes de protection : un volume en augmentation constante depuis 2008.
« Le système est à bout de souffle », affirme Pascal Brice, diplomate nommé à la tête de l’OFPRA : délais trop longs pour statuer sur les dossiers (un an et demi en moyenne), saturation des dispositifs d’hébergement, coût exponentiel des aides aux requérants en attente de jugement. Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur qui a promis une réforme de l’asile pour le printemps 2014, a affirmé en juillet dernier que « le droit d’asile est dévoyé et détourné » par des migrants économiques venus chercher du travail. S’il le dit ! C’est en tout cas la raison pour laquelle nombre de magistrats, conscients que beaucoup de récits sont faux et fabriqués par des officines, se montrent attentifs et manifestent un doute permanent sur la sincérité des requérants.
C’est alors que Jean-Michel Belorgey s’est manifesté et a exprimé une très grosse colère répercutée par Télérama. Ce magistrat est membre du Conseil d’État dont il présida la Section du rapport et des études jusqu’au 3 novembre 2009.Il a été président du conseil d’administration du Fonds d’aide et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD).
Dévoué à la cause du « grand remplacement » de Renaud Camus et Éric Zemmour et peu tenté par les nuances, il a accusé ses collègues juges à la CNDA, qui sont tout de même les représentants d’une justice réputée rendue au nom du peuple français, d’être « des chasseurs, des exterminateurs d’hommes ».
Tout le monde connait Maître Barbemolle, cet avocat d’une pièce de théâtre de Courteline qui, après avoir plaidé avec grandiloquence en faveur de son client, apprend pendant l’audience qu’il est nommé procureur et, dans la foulée, requiert d’une manière implacable contre ce même client. Jean-Michel Belorgey fait beaucoup mieux : intronisé par la République française juge des demandeurs d’asile, il se fait leur avocat et procureur contre ses collègues. C’est le Fregoli du droit d’asile. Bouffonnerie que n’aurait pas imaginée Courteline.
Bien entendu les collègues en question ont réagi : « Trop c’est trop », s’est étranglé Joseph Krulik, président de l’Association française des juges de l’asile, propos qui montrent que l’humanitaire irascible n’en est pas à son coup d’essai. Il relève également que la charge caricaturale du conseiller d’État survient au moment où l’État a décidé de réformer par une loi la politique de l’asile. Le pire est à craindre ! Cependant, il faut le souligner, les conséquences se sont bornées à ces protestations. Nulle mise en cause par la hiérarchie, nulle sanction, nulle plainte n’est venue troubler la quiète et peu risquée, bien que bruyante, croisade du fonctionnaire.
Quelle différence avec le sort réservé au juge Lagarde. Ce jeune magistrat du tribunal administratif de Lyon qui a pour principale activité de juger les étrangers qui contestent leur expulsion,a été élu conseiller municipal UMP à Orléans. Le maire l’a nommé en charge de la lutte contre l’immigration clandestine. Ce fut un tollé ! En particulier les avocats lyonnais, soucieux d’affaires faciles à traiter et d’une bonne rentabilité de leur cabinet, contestèrent le retour du juge Lagarde à son poste au TA de Lyon. Le président du TA, zélé, a saisi le collège de déontologie qui siège auprès du Conseil d’État. Celui-ci a donné raison aux avocats sur la base d’un procès d’intention alors qu’aucune faute ou jugement discutable ne pouvait lui être imputé.
La vérité est que des fonctionnaires, en principe voués au service de l’État et des citoyens et payés pour cela, prennent la liberté, sans opposition ni risque, de faire prévaloir l’idéologie à laquelle ils adhèrent sur leurs devoirs, de s’en prendre à leurs collègues qui souhaitent se conformer aux lois de la République et d’agir en agents d’influence de l’immigration et des associations qui les soutiennent. Il ne s’agit pas ici de remettre en cause le principe et l’existence du droit d’asile. Les grands-parents de l’auteur de ces lignes en ont bénéficié il y a près d’un siècle. Mais le droit d’asile sert aujourd’hui de prétexte à une immigration économique et favorise ainsi le mascaret annuel qui submerge notre pays, ses institutions et son système social. Les fonctionnaires qui, délibérément, choisissent ce camp et agissent dans son sens, sont en conflit d’intérêt, trahissent leur charge et se trouvent en situation de forfaiture.
André Posokhow
Expert-comptable
29/05/2014
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