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Madame Le Pen, quittez la vie politique ! Place à un nouveau mouvement : « En France ! »

Madame Le Pen, quittez la vie politique ! Place à un nouveau mouvement : « En France ! »

par | 13 mai 2017 | Politique

Madame Le Pen, quittez la vie politique ! Place à un nouveau mouvement : « En France ! »

Étienne Lahyre revient sur les pas de danse de Marine Le Pen au soir de sa large défaite du 3 mai. Il souligne l’extrême faiblesse des scores de la candidate nationale dans les grandes villes et les villes bourgeoises. Et s’interroge sur les possibilités pour Marine Le Pen de continuer. Une analyse sévère. Dans Polemia il y a polémique. Polemia


Après chaque épreuve, chaque défaite, chaque trahison, Jean-Marie Le Pen chantait. Invariablement. Pour faire bonne figure ; pour se donner du courage, ou pour remotiver les troupes hagardes, c’était selon.

Le soir du 7 mai 2017, Marine Le Pen dansait. Sa défaite était consommée. Et la présidente du FN en était presque soulagée. Le combat politique pourrait reprendre, comme avant cette maudite parenthèse de deux semaines, dans un unique objectif de contestation. Qu’ils étaient loin, en ce 7 mai, les ouvriers de Whirlpool à Amiens que Marine Le Pen était allée rencontrer au début de la campagne pour le second tour de l’élection présidentielle. Ils lui avaient pourtant réservé un triomphe, eux qui se sentent à juste titre trahis par l’ensemble de la classe politique ; certains pensaient que la Présidente Le Pen, elle, sauverait leur usine. Or, la seule entreprise pour laquelle la candidate ait jamais montré d’intérêt sincère, c’est la PME familiale.

Jean-Marie Le Pen affichait un visage renfrogné le soir du 21 avril 2002, quand les militants euphoriques voyaient en sa qualification pour le second tour de l’élection présidentielle la concrétisation de leurs efforts et de leur dévouement ; et ce 7 mai, alors qu’elle obtenait 10 millions de voix de moins que son adversaire et que l’espoir de la voir un jour accéder à la présidence avait quitté les plus candides, c’est la mine goguenarde de Marine Le Pen que les militants frontistes abattus durent supporter. Le calice jusqu’à la lie.

Inutile de revenir sur la débâcle du second tour, tant nous partageons ce qui a déjà été écrit : amateurisme, impréparation, incompétence, tels sont les termes justes pour qualifier la campagne de Mme Le Pen. Le débat face à Emmanuel Macron opposa non deux présidentiables, mais deux écoliers. Lui, premier de la classe insupportable, qui excelle dans toutes les matières (sauf en histoire de France) ; celui qui sait tout, mais ne comprend rien ; flagorneur et arrogant. Elle, cancre, fâchée notamment avec le Français et avec les chiffres ; cossarde, qui ne doute de rien, et surtout pas d’elle-même ; incapable de réciter une quelconque leçon correctement, et qui amuse ses petits camarades en balançant boule puante sur boule puante sur son adversaire du premier rang.

C’est un immense sentiment de gêne, voire de honte nationale qu’ont éprouvé les patriotes à l’issue de la performance indigente de leur candidate. Et un sentiment d’abattement à l’annonce des résultats du second tour, tant ceux-ci donnent peu de motifs de satisfaction et d’espoir.

Le FN au plus bas dans les métropoles et dans les villes bourgeoises

Métropoles
Villes bourgeoises

Sans surprise, Marine Le Pen réalise ses scores les plus médiocres dans les grandes villes et dans les villes bourgeoises. À Lyon et à Strasbourg, elle obtient même un résultat inférieur à celui de son père au premier tour en 1995 !

Les reports de voix fillonistes ont été particulièrement mauvais, en raison de la stratégie de Marine Le Pen, mais aussi et surtout du fait de facteurs plus structurels que nous évoquerons ensuite.

Dans toutes ces villes, l’abstention progresse plus que la moyenne nationale et la proportion de bulletins blancs et nuls y est inférieure. C’est dans ces villes que le différentiel entre le score de Marine Le Pen et celui obtenu par Nicolas Sarkozy en 2012 est le plus important.

Dans la France périphérique, Marine Le Pen fait souvent mieux que Nicolas Sarkozy en 2012

France périphérique

Les villes que nous avons étudiées ont un comportement électoral en tous points opposés à celui des grandes métropoles et des villes bourgeoises :

  • la participation est nettement plus faible qu’au niveau national au premier tour, mais diminue moins au second ;
  • Marine Le Pen progresse bien plus fortement ;
  • elle dépasse (sauf à Saint-Dizier) les résultats de Sarkozy en 2012 ;

Dans le Pas-de-Calais, Marine Le Pen obtient plus de 52% des voix : jamais un candidat de gauche n’avait été minoritaire dans ce département sous la cinquième République. Dans les villes populaires, souvent socialistes ou communistes, elle obtient des scores inédits grâce à des reports, minoritaires mais significatifs de voix mélenchonistes. À Liévin, elle obtient ainsi un nombre de voix plus élevé que le total Le Pen/ Fillon / Dupont-Aignan du premier tour. Le gaucho-lepénisme est une réalité électorale.

Dans les villes étudiantes et à forte population arabo-africaine, le vote anti-FN est massif

Villes étudiantes

Comme prévu, le vote « étudiant » en faveur de Mélenchon, qui en réalité ne fait qu’agréger les votes en faveur de la gauche de la gauche éclatés entre différents candidats lors des précédents scrutins présidentiels, s’est massivement reporté sur Macron. Cette gauche sociétale et libertaire, rebutée par ce que représente Marine Le Pen, vote systématiquement contre le candidat perçu comme autoritaire, comme en témoignaient déjà les faibles scores de Sarkozy en 2012.

Villes communistes rurales

Dans trois des petites villes ayant voté Mélenchon au premier tour, Marine Le Pen progresse nettement, plus qu’au niveau national, alors que le réservoir filloniste du premier tour était plus faible. Au deuxième tour, elle se situe dans l’étiage sarkozyste de 2012. Inversement, à Périgueux, qui n’avait accordé que 14% à la candidate frontiste au premier tour derrière Fillon à 20%, les reports tant du PC que de la droite sont moins bons.

Villes musulmanes

Enfin, dans les villes à forte population arabo-africaine, l’homogénéité du vote est certaine. Elle s’exprimait contre Sarkozy en 2007 et 2012, contre Le Pen aujourd’hui, contre tout candidat perçu comme hostile à l’immigration et à l’islam demain. Le tableau ci-dessous révèle deux éléments particulièrement inquiétants :

  • Sarkozy a perdu 4.5 points entre 2007 et 2012 ; dans les quatre villes considérées, ce différentiel est bien plus important (entre 7.2 et 11.8 points), en raison du grand remplacement électoral. On peut présumer que les électorats Sarkozy de 2007 et 2012, Le Pen 2017 correspondent peu ou prou aux derniers Français de souche vivant encore dans ces villes ;
  • la participation dans ces villes est classiquement bien plus faible que la moyenne : le système y dispose d’un réservoir d’un réservoir de voix conséquent, qu’il saura mobiliser en cas d’élection incertaine ;

FN et LR : qu’ils s’en aillent tous !

« L’ennemi, c’est celui qui vous hait et veut vous détruire, l’adversaire, c’est celui qui vous aime et veut vous transformer. Les démocraties cultivent leurs ennemis ; elles liquident leurs adversaires. »

Cette sentence est tirée de Globalia de Jean-Christophe Rufin. Le Front National est, depuis son émergence dans les années 1980, l’ennemi idéal. Celui dont tout individu doué de raison sait pertinemment qu’il ne gagnera jamais. Nous avions décrit tout ceci dans notre analyse de l’élection législative partielle destinée à remplacer Moscovici, devenu commissaire européen, organisée en février 2015, moins d’un mois après les attentats islamistes visant Charlie Hebdo.

Au moment de la crise entre Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret, Serge July avait déjà tout dit dans la conclusion ce papier :

« La corrosion lepéniste n’est pas inactive pour autant et sa menace rôde toujours. On préférait ne pas avoir à utiliser ce moyen, mais la réalité étant ce qu’elle est, il faut garder Le Pen précieusement. Même si c’est à son corps défendant, il rend vraiment beaucoup de services à la démocratie. ».

Ces mots ont vingt ans, et ils n’ont jamais paru aussi justes.

En tout état de cause, et face à n’importe quel adversaire, il se trouvera toujours une majorité de Français qui refusera de voter pour un candidat portant le patronyme « Le Pen », ou se présentant sous les couleurs d’un parti nommé « Front National ».

Et quand bien même les premiers jours de campagne du deuxième tour pouvaient laisser espérer un résultat convenable (autour de 40%), la décrue avait déjà commencé avant même le calamiteux débat, quand s’engageait la séquence « deuxième guerre mondiale », ultima ratio, pourtant usée jusqu’à la corde, mais remarquablement efficace.

Marine Le Pen et le Front National doivent en tirer les conséquences, et sacrifier leurs intérêts à celui de la nation. En sont-ils capables d’eux-mêmes ? Nous sommes bien entendu convaincus du contraire.

En 1988, François Mitterrand dissout l’assemblée nationale après sa réélection. Jean-Marie Le Pen et ses lieutenants se parachutent illico dans les Bouches-du-Rhône, département qui a donné son meilleur résultat au président du FN. En 2017, les séides de Marine Le Pen prennent la direction du Pas-de-Calais (où MLP a obtenu plus de 34% au premier tour), département qu’ils vont découvrir pendant un mois avant d’en abandonner lâchement les habitants en cas de défaite en juin prochain. La compétition électorale et les mandats sont les seuls choses qui semblent intéresser les candidats FN, dont beaucoup ont quitté le monde du travail pour ne vivre que de la politique. Les électeurs patriotes doivent prendre conscience de l’arnaque que constitue le vote en faveur du FN : loin de combattre le système, ce parti en constitue l’assurance-vie.

Et il s’agit aussi d’assurer la défaite des candidats LR, dont on sait qu’ils partagent, pour leur immense majorité, les orientations européistes et libérales du nouveau président de la République.

Pour un nouveau mouvement : « En France ! »

Sachons tirer l’enseignement de la victoire de Macron. Celle-ci valide l’adage du Cardinal de Retz : « On ne sort de l’ambigüité qu’à son détriment ». En cultivant l’ambiguïté jusqu’à la fin de la campagne, Macron a réussi à faire voter les cégétistes en faveur d’une loi El Khomri puissance dix et les fillonistes conservateurs pour la PMA et la GPA.

Le nouveau Président de la République, c’est surtout le Tancrède du Guépard de Visconti, expliquant à son oncle (Hollande) : « Si nous voulons que tout reste pareil, il faut que tout change. ». Nouveauté, changement, bienveillance, transparence, pragmatisme : autant de fadaises macronistes auxquelles a adhéré cette nouvelle bourgeoisie de centre-ville, niaise et inculte. Niaise d’ignorer que l’histoire est tragique et que le conflit « Polemos » est le « père de toutes choses ». Inculte, car derrière le bellâtre fringant, se cache un idéologue pour qui seuls comptent l’individu, homo oeconomicus, et le marché mondial. Cette élection montre que tout est plus affaire de contenant que de contenu pour des électeurs déboussolés, dont la culture politique s’est sérieusement érodée depuis quelques décennies.

Macron a intitulé son mouvement « en marche ! » : le symbole du culte du progrès, de la société liquide, des flux de toutes sortes. Jamais nous n’aurons eu un adversaire dont la vision du monde est en tous points opposée à la nôtre. Jamais les Français n’auront autant voté en faveur d’un candidat dont ils combattent en réalité presque toutes les idées.

À nous donc de créer le symétrique du mouvement de Macron, celui qui parlera à la majorité politique et sociale de notre pays et défendra ses valeurs et ses intérêts : « En France ! ».

Comme lui, refusons la distinction droite-gauche ; comme lui, exposons une vision du monde, plus qu’un projet de gouvernement ; comme lui, parlons à l’émotion, à l’âme, plus qu’à la raison. Ces ingrédients ont fait le succès de notre adversaire, mais aussi celui de Donald Trump aux Etats-Unis, contre l’establishment du parti républicain, et surtout, contre la tyrannie médiatique. À l’instar du bonapartisme, du PSF et du gaullisme, il devra réunir en son sein classes populaires et classes moyennes, condition nécessaire à l’obtention d’une majorité électorale.

Macron obtiendra sans doute une majorité absolue aux législatives (et si tel ne devait pas être le cas, quelques supplétifs centristes ou républicains, voleraient au secours de la victoire). Les Républicains seront exsangues et le FN n’aura pas plus d’une quinzaine de députés.

« En France ! » devra alors naître des décombres de la droite parlementaire, incarnation du système, et du FN, devenu son meilleur ennemi.

Étienne Lahyre – 12 mai 2017

Étienne Lahyre

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