Par Arnaud de Robert, essayiste et éditorialiste à Radio Libertés ♦ Voici une lecture originale du déplacement de Macron en Afrique. Moins celui d’un homme d’État que d’un banquier.
Polémia
Contrairement à beaucoup, je ne suis pas surpris des propos d’Emmanuel Macron sur les passeurs africains ou sur le fait que le destin de l’Afrique repose d’abord sur les Africains eux-mêmes. Et je ne suis pas surpris parce que, comme je le rappelle depuis des mois, Macron est un banquier, pas un politique.
Cela appelle chez lui deux positionnements majeurs :
– d’abord, en tant que banquier, sa lecture du monde se révèle bien plus anglo-saxonne que française. Or, les Anglo-Saxons en général et les Britanniques en particulier, ne nourrissent aucune espèce de repentance ni de culpabilité à l’égard de leur ancien empire ou de leur période coloniale ;
– ensuite, comme banquier, Macron a ce réflexe permanent du calcul bénéfice/perte, calcul de la pure rentabilité. N’étant pas pollué idéologiquement par l’humanisme moralisateur gauchiste, en tout cas pas au point d’y perdre financièrement, il ne voit naturellement pas pourquoi il (lui et l’oligarchie européenne) aurait à endosser en dépit du réel une supposée responsabilité historique qui l’obligerait à d’infinies dépenses de développement pour l’Afrique.
Il a donc sagement cloisonné la période coloniale à un passé dont il ne se sent pas l’héritier (principe de rupture de culture d’entreprise en management). Il ne voit pas non plus pourquoi il devrait assumer la matérialité des flux migratoires, ce qui, là aussi, pourrait l’obliger à réparation.
Non, Macron au Burkina-Faso, c’est le discours d’un grand patron en direction d’une entreprise qui va mal. S’il lui demande de se ressaisir, ce n’est pas pour la beauté du geste mais parce qu’il perçoit l’aspect extrêmement lucratif d’un tel redressement. Si Macron veut enterrer la Françafrique c’est pour lui substituer « l’eurobusinessafrique ».
On est donc très loin d’un discours de rupture « remigrationniste » mais toujours tout près de celui d’une prédation intelligente, fondée sur une nouvelle classe de jeunes dirigeants africains qu’un tel discours va évidemment séduire : une future classe business-compatible qui aura compris le bénéfice d’un capitalisme de coopération.
C’est la troisième phase de développement capitalistique : plus de géopolitique post-coloniale, mais une géostratégie de gisements business fondée sur la captation des élites locales que l’on formatera pour devenir transnationales.
Arnaud de Robert
29/11/2017
Correspondance Polémia – 30/11/2017
Crédit photo : capture d’écran vidéo Scope News via YouTube