Par Pierre Boisguilbert, journaliste spécialiste des médias et chroniqueur de politique étrangère ♦ Un président a le droit de s’engager pour une conception de la France et de l’Europe. Mais en tant que président de tous les Français, une fois élu il ne peut excommunier une partie du peuple. Il ne peut s’engager contre un parti politique représentant entre 20 et 30 % des citoyens qu’il a juré de servir. Le président Macron, en déclarant — de l’étranger qui plus est — la guerre à certains Français a commis une forfaiture institutionnelle.
Du « en même temps » à l’entre-soi
Cela fait longtemps qu’on le pressentait : Emmanuel Macron ne s’adresse qu’à ceux qui pensent comme lui et qui partagent sa vision du monde. Le fameux « en même temps » est vite devenu un entre-soi. Les Gilets jaunes sont là pour confirmer une stratégie de mépris, de diabolisation et d’isolement de ceux qui ne sont pas jugés macro-compatibles.
Mais une étape a été franchie par le président dans le cadre de la campagne européenne. Le candidat du mondialisme et de sa satrapie européenne est obsédé par un désaveu électoral européen car il aurait alors failli dans sa mission vis-à-vis de ceux qui ont tant contribué à le porter au pouvoir à Paris. A deux semaines du scrutin, le président a donc profité du sommet européen de Sibiu (Roumanie) pour dramatiser les enjeux. Pour lui, les nationalistes ce sont des créatures de Dracula, le vampire. Il faut les faire reculer avec des gousses d’ail et leur planter un pieu électoral dans le cœur. Sauf que pour les Européens de civilisation, Vlad Tepes, qui a inspiré le personnage de Dracula, Vlad l’empaleur, est avant tout un héros roumain qui a su résister à l’islamisation turque des Balkans.
Sur le plan politique, comment comprendre sa phrase sur le fait qu’il est « prêt à tout » pour empêcher le Rassemblement national (RN) d’arriver en tête le 26 mai ? Prêt à tout, même à l’annulation des élections, comme en Algérie lors de la victoire des islamistes ?
Une diatribe antinationaliste
En tout cas, pour Macron, il n’y a « pas de mystère » : « Moi je suis patriote français et européen. Ils sont nationalistes » et ils veulent « la déconstruction de l’Europe ». Le président revient ainsi en pire au clivage entre progressistes et nationalistes, qu’il avait développé en 2018 avant de le mettre en sourdine ces derniers mois pour se convertir en 48h chrono à l’écologie.
Les nationalistes et souverainistes, malheureusement encore divisés, sont les vrais Européens. Ils veulent une Europe des nations pour une communauté de destins libres dans une civilisation commune, tout le contraire de l’Europe des technocrates mondialistes de Bruxelles. S l’on ne peut sortir de cette dernière, il faut la changer de l’intérieur.
Cette fois, c’est possible et c’ est pourquoi Macron, oubliant qu’il est le président de tous les Français, se bat pour la victoire de sa faction oligarchique.
Le sommet de Roumanie a montré d’autre part que, contrairement à ses ambitions, il n’est pas le patron de l’Europe, que son positionnement écologique de dernière minute n’est pas plus suivi sur le continent qu’en France. Les autres membres ont parlé compétitivité et immigration. Victor Orban a même volé la vedette au français. Le leader hongrois tisse, au grand jour, de nouvelles alliances. Le 6 mai, il recevait le vice-chancelier autrichien Heinz-Christian Strache, du FPÖ, l’allié populiste du chancelier Kurz, quelques jours après avoir reçu Matteo Salvini, le leader de la Lega, allié de Marine Le Pen. « S’il est possible en Autriche de coopérer avec un parti de droite patriote – pour un parti gouvernemental de centre-droit –, pourquoi cela ne pourrait-il pas se produire également au niveau européen ? Ce qui fonctionne à Vienne pourrait également fonctionner à Bruxelles », a-t-il déclaré à la sortie de cet entretien avec son hôte autrichien. Viktor Orbán appelle le PPE à composer une majorité avec les partis nationalistes plutôt qu’avec les sociaux-démocrates, les libéraux ou les écologistes qui sont dans le camp des « partis immigrationnistes ».
Voila pourquoi Marine Le Pen a raison de considérer que Macron est sorti de son rôle de président des Français pour se comporter chef de parti et qu’il transforme donc l’élection européenne en plébiscite en sa faveur. Mais, dans ce cas, s’il échoue après son engagement personnel, il devra partir.
Enfin il devrait… Car ce président est tellement sûr d’avoir raison sur tout qu’il devient un danger pour tous.
Pierre Boisghilbert
11/05/2019
Source : Correspondance Polémia